LES NOUVEAUX LANCEURS US


Midas, Corona Samos. 

Un programme moins couteux et réalisable plus rapidement, nommé Corona, a été développé parallèlement et placé sous le contrôle de la CIA. En 1958, dans un numéro spécial d'une revue populaire américaine de Fawcett Book, Space Satellite" (une des premières publication sur ce sujet sur laquelle j'ai pu mettre la main) parlait du programme "Big Brother". On y écrivait qu'il y avait environ 2 ans, Donald Quales, alors secrétaire à l'Air Force avait admis que son département était intéressé à une recherche à long terme sur un satellite de reconnaissance nommé "Big Brother". Par ailleurs, dans le livre "Demain... l'espace" de Wim Danneau (Marabout Junior, 1958), le premier livre que j'ai lu sur le sujet de l'espace (du moins en français), l'auteur ajoutait déjà des précisions sur "Big Brother". Dans une première étape "Pied Piper I", un satellite non habité de reconnaissance serait lancé par un dérivé de la fusée Thor (on verra qu'il s'agit du Thor Hustler ou Agena et de Corona). Puis, un Pied Piper II habité devait devait suivre. Ce projet qui ressemble à la station spatiale de Wernher von Braun ne se réalisera pas mais a failli l'être dans le cadre dun programme MOL. http://www.astronautix.com/craft/mol.htm

 

En 1958, l'Air Force sépare le projet WS-117L en 3 programmes distincts: 

MIDAS: satellite d'alerte, en particulier pour la détection avancée des lancements de missiles soviétiques dès leur mise à feu; 

DISCOVERER: un programme de développement technologique couvrant le programme CORONA de satellites de reconnaissance de la CIA; 

SENTRY: satellite de reconnaissance de l'Air Force. 

À la fin de 1958, l'Air Force a changé le nom de SENTRY pour SAMOS qui n'est pas un acronyme mais a été choisi pour deux raisons: premièrement, c'est la maison mythique du rois Midas et deuxièmement, les responsables du programme ont cru que personne n'arriverait à produire un acronyme avec ces lettres. A la fin de 1958, l'approche de la caméra de télévision a été abandonnée par les planificateurs à cause de sa pauvre performance (à l'époque). L'emphase, dans le preogramme SAMOS a été placé sur le développement de la technique de lecture (scanner) d'un film après son développement automatique à bord du satellite même, et la retransmission de ces images à la Terre par radio. Cette technique sera utilisée plus tard, vers le milieu des années 1960, sur les sondes Lunar Orbiter, pour la cartographie à haute résolution du sol lunaire, en préparation du programme Apollo. Les planificateurs ont ensuite décidé de développer des SAMOS de plusieurs types différents utilisant des caméras de résolutions différentes. Ce programme impliquait l'Air Force's Balistic Missile Division, le Wrigth Air Development Center's Aerial Reconnaissance Laboratory, le Rome Air Development Center et Lockheed Missile System Division. En 1956, Amrom Katz, un physicien spécialiste de l'optique à la RAND Corporation, a proposé d'utiliser des satellites récupérables pour ramener les films au sol. Vers 1958, l'U.S. Army et l'ARPA (Advanced Research Projets Agency), ont commencé à travailler sur un projet apparemment connu sous le nom d'APOLLO. Ils ont alors passé 2 contrats à General Electric Corporation sous le nom de projet SALAAM et VEDAS. Ces contrats concernaient apparemment des satellites de cartographie utilisant des véhicules (ou capsules) de rentrée atmosphérique. General Electric à cette époque était responsable pour les capsules de rentrée du programme CORONA. Ceci résume l'histoire des méthodes envisagées pour la prise d'images à haute résolution depuis l'orbite terrestre. Mais il fallait aussi développer les moyens de lancement. Atlas pouvait bien placer environ 1,5 tonnes en orbite basse, mais c'était insuffisant pour un satellite sophistiqué qui devait pouvoir manoeuvrer et s'orienter en orbite, prendre et transmettre des photographies de haute résolution.

 

De Big Brother à WS-117L

L'histoire du développement de l'idée des satellites de >reconnaissance et d'observation de la Terre, pour usage militaire, remonte à l'année 1946. A cette époque, l'U.S. Air Force (force aérienne des États Unis) n'existait pas encore, mais faisaient partie de l'Armée et s'appelait U.S. Army Air Force, l'Air Force est devenue une arme indépendante en 1947. C'est la RAND Corporation (Research ANd Development) qui a effectué cette première étude. Au début des années 1950, des officiers de l'Air Force comme le colonel (à l'époque) Bernard Schriever et les analystes de la Rand Corporation tournaient leur attention vers l'usage des satellites pour la reconnaissance et l'observation météorologique, mettant surtout l'accent sur le dernier qui ne nécessite pas une très grande résolution. D'un autre côté, à la même époque, l'équipe de Wernher von Braun de l'Army s'intéressait au concept de stations orbitales géantes habitée qui pouvaient aussi remplir ces rôles mais, nécessitaient des moyens gigantesques hors de portées de ce qui était envisageable à l'époque. http://www.astronautix.com/craft/vonation.htm

 

En 1951, le directeur de l'intelligence de l'Air Force indiquait que ce qui était surtout important pour un satellite de reconnaissance était la cartographie du territoire pour la révision des cartes aéronautiques, mais malgré cette requète aucun travaux n'a été fait dans ce sens dans les rapports subséquents de la Rand.

http://www.fas.org/spp/eprint/origins/index.html

En décembre 1953, l'Air Force approuvait un programme préliminaire de développement de satellite désigné MX-2226. En 1954, la Rand a produit le rapport Feed Back. C'est la première étude complète sur la possibilité du satellite de reconnaissance et sur la façon de le placer sur orbite. Feed Back mentionne qu'un satellite de reconnaissance peut être utilisé pour la cartographie mais ne développe pas le sujet en profondeur. On propose toutefois d'utiliser les fusées Viking pour cartographier l'Antarctique. Les auteurs du rapport Feed Back 1954 proposent d'utiliser une caméra de type télévision avec une résolution de 70 à 200 pieds ( 1 mètre = 3,28 pieds) et orbitant à 300 milles nautiques d'altitude. Au début de 1955, l'Air Force demande formellement un tel projet mais ce n'est qu'à l'été 1956 que l'Air Force propose un contrat pour le développement d'un satellite de reconnaissance. Le projet WS-117L (WS pour Weapon System) est d'abord opéré depuis le Wright Air Development Center à Dayton, Ohio, puis est déplacé à Los >Angeles. C'est un petit programme terriblement sous financé par le Pentagone. Rapellons qu'à partir de 1954-55, le programme de missile balistique intercontinental Atlas a été lancé en priorité ce qui permettait d'envisager un système de lancement en orbite basé sur l'utilisation d'une version de ce missile, mais ce n'est qu'après le lancement en orbite du premier satellite artificiel Spoutnik 1, par les soviétiques, que le programme de satellite de reconnaissance est passé de la fantaisie à la pièce centrale du programme spatial militaire américain. Notons aussi en passant que l'URSS a utilisé, pour le lancement de Spoutnik 1, en octobre 1957, son premier missile balistique intercontinental (ICBM) R-7 Semiorka (alias SS-6 Sapwood dans la désignation occidental)

http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/r-_7.htm

http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/sputnik.htm

équivalent, mais en plus gros, de l'Atlas, ce que les américains >ignoraient toutefois, à l'époque. A partir de ce moment, le programme a été financé et a reçu l'attention maximum à la Maison Blanche. 

Hustler ou Agena 

Le contrat pour le deuxième étage nécessaire pour ce projet a aussi été passé à Lockheed aujourd'hui Lockheed Martin 

http://www.lockheedmartin.com

En fait, ce deuxième étage devait rester solidaire du satellite pour lui permettre de manoeuvrer en orbite, C'est donc pour cette raison probablement que le contrat a été passé à Lockheed, à la fois pour le satellite et le deuxime étage. D'autre part, ce deuxième étage devait pouvoir être utilisé à la fois sur la fusée Thor, disponible plus tôt, mais plus petite et sur la fusée Atlas. Le contrat pour la propulsion a été passé à Bell Aircraft, qui étudiait justement à cette époque un moteur de la bonne puissance, pour une "bombe propulsée" qui devait être lancée par le bombardier B-58 Hustler, d'où le nom Hustler, d'abord donné à ce deuxième étage.

http://www.wpafb.af.mil/museum/research/bomber/b5/b5-30.htm

L'étage Hustler était en fait un véritable prototype de vaisseau spatial avec un système de propulsion auxiliaire pour le contrôle de l'attitude permettant d'orienter le satellite vers une cible et permettant aussi de changer d'orbite. L'étage changea rapidement de nom pour Agena qui est le nom de l'étoile beta du Centaur. Le module de service d'Apollo sera plus tard équipé de systèmes comparables. En préparation du programme militaire de satellite d'observation, cet étage sera d'abord utilisé pour les premiers essais de retour (rentrée atmosphérique) de capsules au sol (qui serviront plus tard à retourner des films). Plus tard, des versions évoluées de cet étage (Agena B puis Agena D) joueront un rôle important dans les programmes civils, dont les >programmes d'exploration de la Lune (Ranger puis Lunar Orbiter), de Vénus (Mariner 2...) et de Mars (Mariner 4...) et aussi dans le programme de vols habités Gemini (GATV) où ils servirons de cibles aux rendez-vous et à l'amarrage. http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/atlas_agena.htm 

(voir la liste des lancement d'Atlas Agena) Discoverer I a été lancé le 28 février 1959 par une fusée Thor Hustler. 

http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/thor_agena.htm

La mise en orbite a été réussi dès le premier essai, mais la stabilisation échouera. Le satellite avait une longueur de 5,60 m et un diamètre de 1,52 m pour un poids total de 589 kg et une charge utile de 111 kg. Il s'agissait du premier lancement orbital depuis la base de Vandenberg située sur la côte ouest des États Unis, en Californie, base spécialisée pour les orbites polaires, orbites les plus intéressantes pour l'observation de la Terre jusqu'aux latitudes élevées. Le satellite a été placé sur une inclination de 3 degrés par rapport à l'axe nord-sud. Discoverer II suit le 13 avril 1959. Cette fois, la stabilisation est réussi et la capsule de 88 kg (83 cm de diamètre et 68,5 cm de profondeur) sera éjectée mais non récupérée. On aurait pu s'attendre à une progression positive mais lors du lancement de discoverer III, le 3 juin 1959, le deuxième étage a mal fonctionné et la mise sur orbite n'a pas été atteinte. Autre échec pour Discoverer IV, le 25 juin 1959, la fusée Thor doit être détruite peu après le lancement par l'officier de sécurité. Il faudra attendre Discoverer XIII, lancé par temps de brouillard, le 10 août 1960, à 18 h 38, heure locale pour avoir un succès complet. Après 17 révolutions, au passage au-dessus de la base de Kodiak. au sud de l'Alaska, la rétro-fusée de la capsule est mise à feu et celle-ci pénètre dans l'atmosphère puis tombe dans le Pacifique, dans le polygone compris entre Hawaï et l'île Kidiak. Le navire Haiti Victory la détecte au radar et un hélicoptère la récupère en mer. Cela précède de peu le succès soviétique de la récupération de Korabl Spoutnik 2 (prototype du vaisseau habitable Vostok, mais aussi prototype d'un satellite de reconnaissance récupérable, comme pour les américains lancé le 19 août 1960 et récupéré après une >seule révolution. Lors de l'essai de Korabl Spoutnik 1, la rétro fusée avait été mais à feu dans le mauvais sens, de sorte que la capsule s'était retrouvée sur une orbite plus élevée, plutôt que de pénétrer dans l'atmosphère. Avec Discoverer XIV, lancée le 18 août 1960, la capsule sera cette fois récupérée en vol, par un avion spécial.

 

De Nike Ajax à Agena 

Le premier moteur fusée produit par Bell a été le moteur principal (ou du deuxième étage) du missile antiaérien Nike Ajax. Ce moteur simple produisait une poussée de 1180 kg pendant 21 secondes. http://www.redstone.army.mil/history/nikesite/nikeajax.html

Le moteur original du prototype avait toutefois été fabriqué par Aerojet et profitait de l'expérience du Wac-Corporal http://www.redstone.army.mil/history/siteindex/welcome.html

Shrike/Rascal 

Suite aux pertes importantes de bombardiers enrégistrées pendant la deuxième guerre mondiale, l'Air Force s'était intéressé à l'idée d'un missile lancé à distance de la cible par les bombardiers. Le 16 juillet 1945, une requète demandait l'étude d'un missile pouvant être lancé d'un bombardier à n'importe quelle altitude entre 6000 et 14 000 m et capable d'atteindre une vitesse supersonique d'au moins 2000 km à l'heure et une portée d'au moins 160 km, avec une erreure d'impact ne dépassant pas 150 m dans 75 % des cas et guidé de façon autonome ou à distance. Bell Aircraft Corporation, Goodyear Corporation et McDonnell Aircraft Company ont reçu des lettres de contrat d'étude d'une durée de un ans. Le contrat de Bell était daté du premier avril 1946.  Suite à l'examin des études en mai 1947, l'Air Material Command a mis fin aux contrats de Goodyear et de McDonnell et a initié un nouveau contrat avec Bell portant sur le projet MX-776. Le missile devait être lancé par un B-29 et sa vitesse être limitée au subsonique (2 mois plus tard, cela est changé pour permettre l'étude de configurations subsoniques et supersoniques). En juin 1947, l'Air Force donne la priorité 1A au programme et demande à Bell de favoriser la configuration supersonique. En janvier 1948, le contrat est séparé en deux, le MX-776A demande le développement d'un véhicule expérimental capable de transporter 454 kg d'équipement sur une portée de 80 km. Le MX-776B demande le développement d'un système de guidage pour un missile en vrai grandeur d'une portée de 160 km. Le MX-776A est baptisé Shrike et l'étude de sa configuration devait être complété pour le premier avril 1948, la fabrication devant commencer le premier juillet. Le premier missile devait être>complété le premier mars 1949 et les essais en vol devaient commencer en mai 1949. Le Srike devient le MX-774 et est désigné officiellement RTV-A-4 (RTV = Rocket Test Vehicle). La dsignation de Bell réfère au model 59 et est connu aussi sous le nom de X-9 (neuvième engin expérimental de cette désignation, les X-1, X-2, X-3, X-4, X-5 étaient des avions, le X-6 réfère à un projet d'avion à propulsion nucléaire, le X-7 est un avion non habité à propulsion par statoréacteur dont les dernieres versions dépasseront Mach 4 et le X-8 réfère à la fusée sonde Aerobee). Le X-9 Shrike a été équipé dans un premier temps de deux moteurs-fusées à alimentation par pressurisation des réservoirs, un fabriqué par Aerojet avait une poussée de 1818 kg, l'autre fabriqué par Solar avait une poussée de 681 kg, c'est le modèle Bell 59A qui utilise de l'aniline comme carburant et de l'acide nitrique comme oxydant. Puis Bell a développé pour le modèle 59B, un moteur-fusée à deux chambres de combustion à poussée identique, le XLR-65-BA-1 produisant une poussée totale de 1363 kg fonctionnant au kérosène et à l'acide nitrique, bien qu'il ait été essayé avec plusieurs combinaisons de propergols. La production de ce moteur a été décidé en 1948, les moteurs Aerojet et Solar étant des moteurs intérimaires disponibles rapidement, dérivés des technologies des Wac Corporal. Le missile expérimental Shrike avait une longueur de 7 m, une envergure de 2,37 m, un diamètre de 0,55 m et un poids à charge de 1588 kg. Le premier Shrike, modèle 59A a été lancé d'un B-29 le 17 mai 1950 et en 1952, les travaux sur le moteur Bell XLR-65 étaient arrivés au point de l'essai en vol qui a été réalisé le 16 avril 1952 sur le Shrike modèle 59B. Le Shrike avait une configuration semblable au Rascal, mais en plus petit  http://www.gesignation-systems.net/dusrm/app1/x-9.html

http://www.designation-systems.net/dusrm/app1/gam-63.html 

 

La deuxième phase du programme concernait le missile vrai grandeur B-63 Rascal qui sera redésigné GAM-63. (on remarque que les premiers >missiles américains de l'Air Force ont d'abord porté des nom de bombardier: B-61 (TM-61) Matador, B-62 (SM-62) Snark, B-63 (GAM-63) >ascal, B-64 (SM-64) Navaho, B-65 (SM-65) Atlas; et de Chasseurs: F-99 (IM-99) Bomarc et F-98 Falcon, ce dernier est un missile Air-Air. Rascal avait une longueur de 9,75 m, 1,22 m de diamètre, 4,27 m d'envergure et avait un poids de 5 900 kg, une vitesse de croisière de Mach 1,4 et un rayon d'action de 180 km et était propulsé par un développement du moteur XLR-65 du Shrike, le moteur Bell XLR-67 à 3 chambres de combustion donnant une poussée total de 5 445 kg. Ce moteur à alimentation par turbopompe était très compliqué, caratéristique des moteurs à turbopompe des années 1950, avec des systèmes électromécanique, pneumatiques, hydrauliques et avec une tuyauterie représentant un cauchemar de plombier, il avait 3 systèmes d'allumage chimiques pour les trois chambres de combustion et un système d'allumage électrique pour le générateur à gaz. Le moteur devait aussi produire l'énergie électrique et hydraulique pour tout le missile. Le premier essai du missile a été réalisé en octobre 1953 à partir d'un bombardier DB-47

http://www.wpafb.af.mil/museum/research/bombers/b4/b4-24.htm

http://www.wpafb.af.mil/museum/research/bombers/b5/b5-47.htm

mais le programme Rascal a été annulé en 1958, juste avant la date prévue de son entrée en service, en faveur des missiles Hound Dog et Hustler, ce dernier un peu mystérieux était partie intégrante du programme du B-58 Hustler http://www.wpafb.af.mil/museum/research/bombers/b5/b5-30.htm

mais a ensuite été abandonné avant sa réalisation, cependant, son moteur a été recyclé dans le cadre du programme de satellite militaire de reconnaissance et d'alerte. Le missile air-sol Hound Dog à propulsion par turboréacteur était développé par North American et bénéficiait de l'expérience du>missile "Navaho", alors que le Hustler utilisait un moteur-fusée Bell développé à partir de l'expérience acquisse sur le moteur Bell XLR-67 du Rascal. 374 000 000 $ avaient été investi dans le programme Rascal. 

AGENA http://www.wpafb.af.mil/museum/space_flight/sf9.htm

http://www.designation-system.net/dusrm/app1/rm-81.html

Le moteur Bell Hustler Rocket Engin (XLR-81) avait d'abord été conçu pour fournir une poussée de 7 000 kg à une sorte de missile air-sol transporté par le bombardier B-58 (d'après le magazine "Rendez-vous", numéro de novembre 1967, de Bell Aerosystems). La bonne performance du moteur avait été confirmé lors d'essais préléminaires aux essais en vol quand le besoin de propulsion pour le "Powered Disposable Bomb Pod" a été annulé. En 1957, ce moteur qualifié, devenait donc disponible pour un deuxième étage de fusée, et avec exactement la bonne poussée, dans le cadre du projet de satellite de reconnaissance de l'Air Force. Lockheed avait reçu le contrat pour ce deuxième étage en octobre 1956. Le moteur Hustler XLR-81 devait utiliser la même combinaison de kérosène et d'acide nitrique que le moteur XLR-67 du Rascal et Bell s'est servi de son expérience sur ce moteur remontant à 1954. Bell a toutefois beaucoup simplifié, en introduisant les derniers rafinements technologiques à la conception du moteur qui avait cette fois qu'une seule chambre de combustion bien qu'il était plus puissant. Le moteur comprenait quand même 26 composants, contenait plus de 1860 parties individuelles que 5863 essais au sol ont rendu fiable. La première version spatiale différait peu du moteur original du missile. Sur ce Bell Model 8001, une sorte d'articulation cardan permettait d'orienter le moteur pour diriger la poussée d'après l'information reçu par le système de guidage, a été ajouté. Un diaphragme dans la tuyère avait aussi été ajouté pour l'allumage dans le vide. 


AGENA Sur la deuxième version, le Bell Model 8048, le kérosène a été remplacé par l'UDMH (Unsymetrical dimethylhydrazine) et l'oxydant ou comburant était du RFNA (red fuming nitric acid), combinaison plus énergétique et s'allumant spontanément (hypergolique) au contact des deux ergols. La tuyère a également été allongée pour un meilleur rendement dans le vide. Le moteur a aussi été équipé d'un système simplifié de control de débit de propergol, sans pièces mobiles appelé "caviting venturis". Le changement de propergols a permis d'augmenter la charge utile de 230 kg. Sur le Bell Model 8081, une capacité de réallumage du moteur une fois en orbite a été ajouté, ceci nécessitant l'addition d'une deuxième cartouche de propergol solide pour démarrer la turbine. L'allumage dans le vide a été testé au Arnold Engineering Developpement Center (AEDC) de l'U.S. Air Force à Tallohoma, Tennessi. Il s'agissait du premier moteur redémarable dans l'espace. La quatrième version, le Bell Model 8096, qualifié de "moteur standard" a été développé en 1959 et donnait une poussée de 7255 kg. Cette augmentation de poussée a été obtenu grâce à l'addition d'une extension non refroidi en titane renforcée de raidisseurs en molybdène, à l'extension déjà ajoutée à la tuyère du moteur original, extension permettant d'obtimiser le rendement dans le vide et devant rester rigide à 1079 degrés C. Ce modèle 8096 permettait aussi l'augmentation de la charge utile emportée grâce a la réduction du poids de l'étage Agena, par l'introduction d'un inducteur sur les pompes à propergols. 

GEMINI Pour le programme de vols habités Gemini, l'étage Agena devait servir de cible aux essais de rendez-vous et d'amarrage en orbite. Pour ce programme, Bell a développé le modèle 8247, pouvant être réallumé 15 fois en orbite. Le plus grand nombre d'allumages réalisés était de huit, lors de Gemini XI. 

VERSION ULTIME En avril 1967, l'U.S. Air Force Space Systems Command a signé un nouveau contrat avec Lockeed Missiles & Space Co. pour une version améliorée de l'étage Agena et Bell a réalisé le moteur modèle 8533 pour ce nouveau développement qui n'était pas une version améliorée du précédent modèle mais plutôt un moteur coplètement nouveau. Ce moteur a possiblement profité de l'expérience acquise par Bell, entre temps, sur le moteur d'ascention du LM (Lunar Module d'Apollo) et a probablement servi dans le programme Titan IIIB ou Titan IIID. Le Titan IIID servait au lancements des satellites de reconnaissance "Big Bird" pesant une dizaine de tonnes. 

LM Au pritemps 1963, Grumman, qui avait reçu le contrat pour le LM avait en effet demandé à Bell de développer le moteur d'ascension du LM. La sélection de Bell était basé sur son expérience avec le moteur Agena. Grumman mettait l'emphase sur la fiabilité et la simplicité Ce moteur n'utilisait pas de turbopompes mais était alimenté par la pressurisation des réservoirs et utilisait des matériaux ablatifs pour dissiper la chaleur de la chambre de combustion et de la tuyère, mais la mise au point de cette technologie a été difficile à cause de l'érosion excessive lors des premiers essais. Plus tard, Rocketdyne a participé au développement du moteur. Ce moteur utilisait du tetraoxyde d'azote (N2O4) comme oxydant et l'aerozine 50 comme combustible, un mélange de 50% d'hydrazine (N2H4) et de 50% d'UDMH. Cette combinaison était aussi hypergolique. Le moteur avait une poussée de 1595 kg dans le vide. >Bell a aussi produit le système de propulsion auxilière d'Agena. Un tel système utilisait la décomposition catalitique du peroxyde d'hydrogène a forte concentration a d'abord été essayé sur le Bell X-IB les 27 novembre 1957, 16 janvier 1958 et 23 janvier 1958 avec Neil Armstrong comme pilote. Le système a ensuite été utilisé sur le X-15, les capsule Mercury, Les premiers Agena et premiers Centaur. Les Simulateurs d'alunissage du LM, LLRV construit par Bell, utilisaient aussi des moteurs-fusée au peroxyde d'hydrogène. 

PROPERGOLS HAUTE ENERGIE Lockheed a aussi étudié une version avancée de son étage-satellite WS-117L (Agena) qui aurait utilisé le fluor comme oxydant et l'hydrogène comme carburant. La combinaison hydrogène fluor demande une moins grande quantité d'hydrogène ultra léger que dans la combunaison oxygène-hydrogène et, en plus, le fluor est plus dense que l'oxygène. Lockheed était aussi interessé à la combinaison hydrazine-fluor, plus dense mais moins énergétique. En décembre 1957, l'Air Force a passé un contrat avec Bell Aircraft (motoriste de WS-117L) pour l'expérimentation d'un moteur à ammoniac-fluor de 16 tonnes de poussée (156 kilonewtons). Ces recherches sur l'utilisation du fluor n'ont conduit à aucune réalisation pratique. A noter que la réaction fluor + hydrogène produit du fluorure d'hydrogène qui avec l'eau donne de l'acide fluorhydrique, donc moteur à utiliser de préférence dans l'espace. Notons enfin que dans le cadre des vols habités, au début de l'année 1958, on préférait utiliser une fusée Thor surmontée d'un étage utilisant la combinaison fluor + hydrazine, type WS-117L. On avait peu de confiance dans la fusée Atlas. Cette période d'intérêt pour les super-carburant était caractéristique des années 1950 et s'est finalement concrétisé avec la combinaison hydrogène oxygène qui avait en plus l'avantage d'être écologique. 

 

Moteur à hydrogène et oxygène

Le premier étage de fusée à haute énergie à avoir été développé résulte de l'effort de Kraft Ehricke de General Dynamics - Astronautics (Convair). En décembre 1957, il a proposé que l'Air Force (la NASA n'exitait pas encore) développe un étage supérieur à hydrogène et oxygène pour la fusée Atlas utilisant un moteur à développer par Rocketdyne Division de North American. Ehricke est devenu un passionné du voyage spatial à l'âge de 11 ans quand le film de Fritz Lang "Une femme sur la Lune" l'a captivé, à Berlin, en 1928. Avancé en mathématiques et en physique pour son âge, il a apprécié l'effort de vulgarisation du conseillé scientifique du film, Hermann Oberth. Il s'est intéressé à l'idée du russe Tsiolkovsky de fusée spatiale consommant de l'hydrogène et de l'oxygène, d'après la publication "Die Rakete fuer Fahrt und Flug" et aussi "wege zur Raumschiffahrt" de Oberth. Ehricke a gradué à l'université technique de Berlin en génie aeronautique et a suivi des cours de posgradué à l'université Humboldt en mécanique céleste et en physique nucléaire. Pendant la guerre, il a servi dans les division Panzer sur le front russe avant d'être rappelé pour travailler au centre d'essais de fusées de Peenemünde en juin 1942 ou il est tombé sous la forte influence de Walter Thiel qui était chargé du développement des moteurs-fusées et qui ne s'intéressait pas seulement au futur immédiat mais aussi aux projets à long terme, comme les moteurs-fusée de 1 000 000 de kg de poussée. Thiel lui a parlé de la reprise de ses essais avec de petits moteurs à hydrogène. Quand il a entendu parlé des travaux de Heinsenburg et Pohl sur les reacteurs nucléaire Thiel devint excité devant la possibilité de construire des moteurs-fusées nucléaire. Thiel est mort lors du raid anglais sur Peenemünde en octobre 1943. Ehricke s'est retrouvé, en 1950, à Huntsville en Alabama avec l'équipe d'allemands de Wernher von Braun mais le climat et le conservatisme de von Braun ne lui plaisait guère. Il rejoignit alors Walter Dornberger (ancien directeur militaire de Peenemünde - von Braun en était le directeur technique) chez Bell Aircraft en 1952. Bell était alors engagé dans le projet BOMI (Bomber Missile) d'avion spatial de type Sänger qui allait donner naissance, plus tard au projet Dyna Soar. En 1954 Karel Bossart de Convair l'invite à venir travailler au projet Atlas avec lui, qui contrairement à von Braun, n'était pas conservateur. En 1956 Ehricke conduisit des études internes sur des véhicules de lancement de satellites utilisant l'hydrogène comme combustible. C'était une période austère sous le secrétaire à la défence Charles Wilson, l'espace n'avait pas la faveur. Mais après le lancement du premier satellite russe, les choses ont chagé. Le nouvel atmosphère a excité Ehricke.

A.G. Negro, un ingénieur en application de Rocketdyne a visité Convair le 11 octobre 1957 et est retourné avec une requête pour information pour de petits moteurs à hydrogène à alimentation par pressurisation des réservoirs. En décembre, la division astronautique de General Dynamics (Convair) a soumis une proposition à l'Air Force ayant pour titre "A Satellite and Space Development Plan", qui proposait un étage supérieur à hydrogène et à oxygène liquides propulsé par 4 petits moteurs-fusées de 3180 kg de poussée fonctionnant par pressurisation des réservoirs à 4 atmosphères. Ehricke expliquait que cette formule était proposée pour éviter une longue période de développement des pompes et turbines entièrement nouvelles. Mais Ehricke ignorait les travaux secrets de Pratt & Whitney sur les pompes et turbines à hydrogène pour les turboréacteurs prévus pour l'avion de reconnaissance Lockheed Suntan de l'Air Force, tous ces travaux étant classifiés. Au printemps de 1958, l'équipe de l'Air Force du projet Suntan a proposé que Pratt & Whitney développe un moteur-fusée à hydrogène à turbopompes utilisant l'expérience et les facilités de Pratt & Whitney. A l'été 1958, l'ARPA (Advanced Research and Projects Agency) commande à Pratt & Whitney de développer un moteur à hydrogène et à General Dynamics - Astronautics de développer un étage supérieur pour l'Atlas qui deviendra le Centaur, prévu pour usages militaires et civils. Malgré quelques objections des militaires, le programme Centaur a été transféré à la NASA, au milieu de 1959. Le moteur d'abord connu sous la désignation XLR-115 utilise, comme le turboréacteur Pratt & Whitney 304 qui était en développement dans le cadre du projet Suntan, un cycle expander. A la sortie de la pompe l'hydrogène est dirigé dans une double paroi, composée d'un grand nombre de tubes, formant la chambre de combustion et la tuyère où il se réchauffe, puis se détend sur une turbine qui entraine les pompes à oxygène et à hydrogène. D'un autre côté, après la sortie de la turbine, l'hydrogène gazeux est injecté dans la chambre à combustion où est aussi injecté, l'oxygène, après la sortie de la pompe. Le moteur essayé pour la première fois en juillet 1959 maintenant connu sous la désignation RL-10, développe une poussée de 6802 kg. La vitesse d'éjection des gaz est de 4245 metres par seconde et l'étage Centaur utilise deux de ces moteurs. C'est le plus ancien des moteurs à hydrogène et il est toujours en service contrairement aux moteurs J-2 des fusées Saturn IB et Saturn V. Le moteur avait aussi été utilisé à 6 exemplaires sur le deuxième étage du Saturn I (A), et dont le troisième étage devait être originalement un Centaur. L'étage Centaur original avait 9,15 m de long et 3 m de diamètre et était construit selon la même technique que Atlas. 

Pour plus d'informations: Liquid hydrogène as a propulsion fuel, 1945-1959: http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/SP-4404/cover

chapitre 8, Suntan: http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/SP-4404/ch8-1.htm

chapitre 10, Early Hight Energy Upper Stages: http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/SP-4404/ch10-1.htm

Après quelques difficultés de mise au point, Atlas Centaur a servi à lancer: Les sept sondes lunaires Surveyor, du 30 mai 1966 au 7 janvier 1968, dont plusieurs se sont posé sur la Lune. Les sondes martiennes Mariner 6 et 7 en février et mars 1969. Les sondes martiennes Mariner 8 et 9 en mai 1971, dont le numéro 9 s'est placé en orbite autour de Mars. Mariner 10, le 3 novembre 1973, la première sonde à passer à proximité de Mercure, après un passage à proximité de Vénus. Pioneer 10 et 11 en mars 1972 et avril 1973, les premières sondes à passer près de Jupiter et aussi de Saturn pour Pioneer 11. Pioneer-Vénus 1, en mai 1978, qui s'est placé en orbite autour de Vénus. Pioneer-Venus 2, en août 1978, portant plusieurs pénétrateur atmosphériques. Puis l'étage Centaur a été utilisé sur la fusée Titan IIIE - Centaur pour lancer: Helio I, le 10 decembre 1974 qui s'est rapproché du Soleil à 0,3 Unité Astronomique. Le Viking I, le 20 août 1975, qui était composé d'un orbiteur et d'un atterrisseur sur Mars. Le Viking II, le 9 septembre 1975. comme précédent. Helio 2 le 15 janvier 1976... Voyager 1 et 2, lancés le 20 août et le 5 septembre 1977, qui sont passés près de Jupiter, Saturn, Uranus et Neptune. Finalement, le Centaur G-Prime, un Centaur grossi qui avait à l'origine été développé pour être lancé à partir de la soute de la Navette Spaciale, et ensuite adapté au Titan IV, a lancé, dans la version IV B, la sonde Cassini Huygens, vers Saturn. Cassini est un orbiteur, autour de Saturn et Huygens est un atterrisseur sur la lune Titan. 

Atlas Centaur

http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/atlas_Centaur

Titan III E Centaur http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/titan-3_bo.htm

Titan IV B http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/titan-4.htm

Finalement, Delta 3 et 4, comme Atlas 2, 3 et 5 utilisent aussi le moteur RL-10. 

Atlas 5 http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/atlas-5.htm

Delta http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/delta.htm

Delta 4 http://www.skyrocket.de/space/doc_lau/delta-4.htm