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PROJET GEMINI

LES SORTIES GEMINI

Les premières sorties dans l'espace ont lieu en 1965. Alexis Leonov est le premier homme à franchir la " barrière psychologique" lors du vol Voskhod-2, un Vostok modifié. Voskhod-2 a été doté d'un sas. Son lancement est intervenu le 18mars 1965 à 8h. Et c'est dès la seconde révolution que la sortie de Leonov a lieu, alors que le territoire soviétique est survolé. Tandis que Pavel Beliaiev reste aux commandes, le cosmonaute gagne le sas porteur de son costume spatial, avec des bouteilles d'oxygène dans le dos. C'est là une innovation pour les Soviétiques dont les cabines renferment une atmosphère d'oxygène pure sous la pression normale. La pression dans le costume a été réduite afin d'éviter, dans le vide, son gonflement excessif d'où un recours à la formule de l'oxygène pur. Et pour cette raison, la sortie a été placée au début du vol: Leonov a été préparé au sol, son sang a été purgé d'azote et le cosmonaute a pris place dans le Voskhod avec un équipement, prêt pour une marche dans l'espace.
Lorsque le vaisseau cosmique survole la mer Noire, ordre est donné au cosmonaute de
s'élancer dans le vide, à 9h25. Son mouvement est suivi en direct par une des caméras extérieures du Voskhod: elle montre Léonov faisant un geste de la main. Il veut témoigner à ceux qui l'observent qu'il est bien vivant: devant l'écran, la fille du cosmonaute, Valia, alors âgée de 5 ans, pense que son papa s'est adressé à elle, lui disant bonjour alors qu'il était dans l'espace.
L'impulsion donnée par Leonov va le conduire à s'éloigner de son Voskhod à une vitesse de quelques cm/s. Ainsi, mettra-t-il plus d'une minute à atteindre l'éloignement maximal que lui assure le tuyau de 5 m qui le maintient relié au Voskhod, et par lequel passent notamment les fils électriques lui permettant d'être relié au réseau téléphonique soviétique. Ce cordon ombilical, le cosmonaute l'utilisera dans un second temps pour revenir vers son vaisseau.
Ce n'est pas la partie la plus simple.

PAS DE POINT D'APPUI

Physiologiquement, un homme dans l'espace est désorienté. Parce qu'il n'y a pas de pesanteur. Pis: il n'y a ni haut, ni bas, ni droite, ni gauche. Sur notre planète, la Terre constitue le sol et le Soleil indique le ciel. Il faut, dans le vide, s'habituer à regarder comme une Terre le vaisseau cosmique que l'on vient de quitter.
On doit compter sur un éclairage d'airain. Malgré sa visière d'or, le cosmonaute est ébloui.
Surtout, le drame est l'absence totale de point d'appui dès l'instant où l'on est à une distance ne permettant plus aucune préhension du vaisseau. Les lois de la mécanique enseignent qu'un corps dans l'espace ne peut, de lui-même, modifier le mouvement de son centre de gravité. L'exemple du chat qui retombe toujours sur ses pattes avait toutefois confirmé aux mécaniciens qu'au prix d'une habile gymnastique, un homme dans le vide devait pou-
voir se retourner pour prendre une attitude déterminée autour du centre de gravité.
Au prix d'efforts énormes - Leonov est un athlète et il a suivi un entraînement particulier, avec chaque jour deux heures d'exercices précédés de 40 mn de gymnastique au réveil et de 10km à ski l'hiver -, c'est épuisé qu'il regagne son vaisseau après 10 mn de marche dans l'espace.

LE PISTOLET DE WHITE

Une première sortie américaine dans le vide a lieu deux mois et demi après l'exploit de Leonov.
Lors du vol Gemini-4, Edward White va lui-même quitter la cabine que pilote James McDivitt.
Dans des conditions quelque peu différentes. La Gemini, en effet, ne possède pas de sas. Partant, toute la cabine doit être dépressurisée, et ce sont ses deux occupants qui se trouvent exposés au vide. L'un et l'autre portent au demeurant le même costume spatial constitué par trois épaisseurs: un sous-vêtement étanche relativement élastique, une structure de maintien et un habit extérieur en nylon métallisé, assez souple pour ne pas gêner les mouvements tout en offrant une solidité suffisante (il convient néanmoins de prendre garde aux déchirures) en même temps qu'une protection contre météorites et rayonnements.
Le départ de la Gernini-4 a eu lieu à Cap Kennedy, le 3 juin. Et c'est à la troisième révolution que la sortie a lieu (elle avait été prévue au cours de la seconde, le retard étant imputable aux difficultés rencontrées par les astronautes pour déverrouiller la cabine avec leurs gants spatiaux).
La cabine est dépressurisée à 20h30; la caméra 16 mm et le cordon ombilical (long de 8 m) sont mis en place. Edward White se dresse sur son siège à 20h40. Et à 20h45 il se lance dans l'espace pour une sortie qui va durer 20 mn, avec des mouvements qui ne sont pas entièrement balistiques. 

L'astronaute est muni en effet d'un propulseur autonome ZIP (Zero-g Integration Propulsion) appelé encore pistolet spatial. L'éjection d'oxygène permet, en effet, la création de brèves impulsions, White ayant dans la main un pistolet dont le canon consiste en trois minuscules tuyères. Avec cet instrument, il peut viser n'importe quelle direction. Pour produire une impulsion, il lui suffit d'appuyer sur une gâchette: elle se déclenche lorsque l'astronaute exerce une force de 6,8 kg (c'est beaucoup, compte tenu de la contrainte d'un gant spatial), la poussée croissant jusqu'à un maximum de 900 g - le gaz est éjecté à plein débit - pour une force de 9kg. Un tube longe le bras de l'astronaute; il aboutit à un réservoir en forme de cartable (32 x 12 x 5 cm) qu'il porte sur la poitrine.
Très vite en fait, les 320 grammes d'oxygène qu'il contenait sont épuisés: outre, qu'en tout état de cause, un pistolet ne saurait créer directement un couple, White se heurte aux mêmes problèmes que Leonov pour donner à son corps l'attitude désirée. Il lui faut déployer des efforts considérables qui conduisent son rythme cardiaque à atteindre en pointe le rythme de 200 pulsations à la minute...
Avec les conséquences d'une intense transpiration : en dépit du système de ventilation, la vapeur d'eau se condense, rendant la visibilité mauvaise au moment où il s'agit, dans les conditions les plus difficiles, de "remettre la main" sur le vaisseau cosmique.
Comme Leonov, White est, d'autre part, resté relié à son vaisseau cosmique par un tuyau.
Comme astronautes et cosmonautes continueront longtemps d'être "tenus en laisse" durant leurs sorties, même si leur équipement donne toute garantie quant à leur alimentation en oxygène.

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Il faut comprendre que dès l'instant où l'astronaute est matériellement détaché de son vaisseau, il constitue, du point de vue de la mécanique spatiale, un satellite distinct de ce vaisseau, qui aura son mouvement propre. Et soumis à leurs mouvements balistiques les deux satellites ne pourront, a priori, que tendre à s'éloigner de plus en plus.

Admettons que notre astronaute se trouve, à un moment donné, à quelque 8 m au-dessus du centre de gravité de son vaisseau. La durée de sa révolution est plus longue d'environ 0,01 s sur une orbite basse (à quelque 200 km de la Terre). Or, en 0,01 s, un satellite parcourt 78 m.
D'où cette situation. Imaginons l'astronaute relié à son vaisseau par un cordon de 8 m. Il l'a laissé se dérouler en se déplaçant selon la verticale ascendante, puis il s'en est détaché avec d'infimes précautions croyant être relativement immobile par rapport à la cabine. Au bout d'une révolution, il se retrouve à 78 m en arrière! Et il sera à 78 m en avant, s'il s'est déplacé vers le bas. Vers la droite ou la gauche, il faut compter sur l'inclinaison différente des orbites. Se déplace-t-il vers l'avant ou vers l'arrière? Apparemment, il suit la même orbite qu'il devrait décrire de la même façon. 

En réalité, la traînée atmosphérique sera différente pour les deux satellites... Les écarts ne pouvant que s'accroître avec le temps. Or, tout change avec un cordon dont, en fait, la solidité est secondaire car ces mouvements balistiques différents se traduiront par de très faibles tensions. Mieux, un cordon assure l'auto-rappel. On notait que l'astronaute, ayant créé une impulsion pour s'écarter de son vaisseau spatial, sera conduit à s'en éloigner régulièrement. Jusqu'au moment où le cordon se tendra: alors, jouant le rôle d'un ressort, il créera une impulsion de sens inverse ayant pour effet de le ramener l'homme vers sa cabine.

LES SORTIES GEMINI

Les opérations Apollo prévoient que deux occupants de la cabine principale aillent dans le module lunaire en empruntant le sas du véhicule. C'est seulement au cas où le passage aurait été impraticable que les astronautes seraient passés par l'espace. 
Les sorties Gemini sont poursuivit dans ce sens. A ce moment, l'avenir du programme spatial américain est encore entaché d'une large incertitude et c'est pour lever les options en connaissance de cause que l'on entend avoir une idée aussi exacte que possible des conditions dans lesquelles un homme sera capable de travailler dans l'espace.
Pour cette raison, après une pause à la suite de la sortie d'Edward White - les spécialistes ont consacré un semestre à analyser le vol Gemini-4 - des sorties sont inscrites au programme de toutes les missions à partir de Gemini-8.

L'entrainement à ces EVA est réalisé dans des maquettes au MSC et à Cap Canaveral. L'entrainement en zéro g est réalisé à bord d'un avion KC 135 à Wright-Patterson Airforce Base. Une maquette du cockpit, des écoutilles et de l'adaptateur sont installés dans la carlingue de l'avion. Des vols de trois heures sont ainsi réalisés comprenant 45 simulation en zéro g de 30 secondes chacune. Au cours de ces séances sont testés les procédures de préparation de l'EVA et les taches particulières à chaque mission.

Entrainement des astronautes à bord d'un KC 135 réalisant des paraboles pour simuler une micro-gravité. En haut D Scot et en bas R Schweickart

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Avec l'expérimentation de nouveaux propulseurs individuels, un HHMU (Hand Hold Maneuvering Unit) est mis au point pour le vol Gemini-8. Il possède le même système de gâchette, commandant une poussée capable de varier dans la même gamme. Mais on a considérablement accru la réserve de gaz -en l'occurrence, un fréon conservé sous 100°C, avec emploi de valves en téflon à la place des élastomères du ZIP - d'où un temps de service 15 fois plus important. D'autre part, c'est un cordon ombilical long de 25 m qui a été embarqué. Ce propulseur ne peut toutefois être utilisé, une fin rapide devant être mise au vol Gemini-8 à la suite de la rotation folle qui épuise tout le combustible de stabilisation du véhicule spatial.

 

LE FAUTEUIL VOLANT AMERICAIN AMU

Différent, l'objectif de Gemini-9 est particulièrement ambitieux. Il s'inscrit dans la perspective du futur travail de l'homme, monteur de stations orbitales. Un système propulsif intégral a été créé: il constitue le fauteuil volant AMU "AMU Astronaut Manoeuvering Unit". Lors du vol GT8, l'équipage embarque le Extravehicular Support Package, ESP, un fauteuil spatial de taille similaire au AMU. Contrairement au AMU, il n'a pas de poignet de contrôle, il n'est qu'un simple réservoir rempli de fréon 14.

L'AMU est en fait un moteur muni de 12 éjecteurs périphériques, assemblé dans un bloc de 47 x 55 x 80 cm. Il ressemble au système de contrôle d'attitude de Gemini. Grâce à deux poignés au bout de bras fixes, l'astronaute peut commander toutes sortes de mouvements. Une réserve d'oxygène permet d'alimenter son scaphandre, la stabilisation est assurer par une unité gyroscopique et un système de communication permet de parler avec l'astronaute resté à bord. Un système de télémesure assure la transmission de données sur l'état de santé de l'astronaute. Des lumières et un avertisseur sonore complètent cet équipement.

D'une masse de 75 kg terrestre (15 de structure, 28 de propulsion, 9 de batteries, 12 d'oxygène et 4,5 pour les communications), il permet des mouvements selon deux axes (haut, bas, avant et arrière) grâce à 12 mini-tuyères expulsant de l'oxygène gazeux.

Ce AMU ne pourra être utilisé dans des conditions satisfaisantes, Cernan ayant eu du mal à l'endosser, un des bras ne s'étant pas déplié correctement. De plus il doit fournir tellement d'effort que sa visière s'embue et les mauvaises communications avec Stafford  n'arrange pas les choses. La sortie est écourtée, mais l'expérience ne sera pas renouvelé.

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Une nouvelle méthode de simulation est mis en oeuvre au sol. Pour simuler les EVA, les astronautes s'entraînaient dans un avion de la NASA le "Vomit jet", un KC 135 qui réalise des paraboles dans le ciel pour 20 secondes d'apesanteur. En juin 1966, la NASA demande une étude pour une piscine destinée à entrainer les astronautes (Neutral G underwater). Quelques astronautes sont impliqués et jugent la chose positive. Plus important, Cerna, simulant sa sortie ratée, rapporte que c'est plus facile que dans la réalité ! Collins n'a pas le temps d'utiliser la piscine avant son vol, mais Aldrin l'utilisera pour GT12. La première piscine est installée dans une école à Baltimore. Une plus grande est construite au centre Marshall en 1968 dans le bâtiment 4705. Ce Neutral Buoyancy Simulator (NBS) est en acier soudé et résine polyester, il mesure 23 m de diamètre, 12 m de profondeur et contient 5 millions de litres d'eau. Le NBS de Houston prendra la relève dans le milieu des années 1970. Le NBS de Marshall sera déclaré monument historique en 1986.

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Dans ce bassin sont immergés les vaisseaux Gemini et Agena et l'astronaute pourra comme lors de sa véritable mission apprendre les gestes et mieux travailler sa sortie. 

A deux reprises, Michael Collins sort dans l'espace lors du vol Gemini-10, cette fois pour donner une idée précise du comportement d'un astronaute à proximité immédiate d'un vaisseau cosmique. Un incident est enregistré: la caméra de 70 mm fixée au HHMU se détache et, en dépit de ses efforts, l'astronaute ne pourra que la regarder s'éloigner dans l'espace...

Lors du vol Gemini 11, c'est Richard Gordon qui sort deux fois.
Pour ces deux vols, c'est un nouveau HHMU qui est utilisé. L'emploi d'azote assure une haute vitesse d'éjection; ainsi le temps de service a été augmenté de 12%, avec une réduction de 40% de la masse des gaz embarqués. Surtout un progrès a consisté à utiliser une nouvelle gâchette, plus longue, exigeant une force de déclenchement sensiblement moindre (2,7 kg) d'où un emploi beaucoup plus simple.
Le cordon ombilical de Gemini-10 mesurait 15 m, mais les inconvénients d'une telle dimension - notamment le volume excessif du tuyau - sont apparus, et finalement c'est à nouveau une longueur de 7,50m qui a été retenue pour le vol Gemini- 11.


Forts de ces enseignements, les Américains conçoivent les barres et mains courantes dont sera munie la cabine Gemini pour une dernière expérience qui permet de vérifier l'efficacité des mesures retenues. Lors du vol Gemini-12, aucun propulseur n'est embarqué - on entend se placer dans les conditions d'une opération. Apollo - mais ce sera le record de durée d'un homme en dehors d'une cabine avec 5 h 37 mn passées, par Aldrin, dans l'espace...

Si les missions Gemini ont permit aux Américains de réaliser les plus belles photos de notre planète, de filmer les rendez vous spatiaux et les amarrages, force est de constater que la prise de vues lors des EVA fut pour le moins minime voire inexistante. 

Sur les 4 EVA réalisées, seules les images de la sortie de White sur GT4 ont eu les honneur d'un véritable "shoot" professionnel. Première réalisée par un astronaute US, elle allait porter haut en couleur le programme Gemini dans les médias. White utilisait un Zeiss Ikon Contarex Special 35mm SLR, de l'USAF, modifié pour travailler dans le vide de l'espace. Il était équipé d'un objectif standard de 50 mm F2 de focale (lentille Planar). Le film était un transparent Ansco D200 couleur et "shootait" au 1/500 à F11. Le magasin contenait 40 images, seules 28 ont été prises, dont les 12 premières hors du vaisseau, les 10 dernières dedans. Les 6 premières montrent le vaisseau en gros plan, 5 montrent les nuages au dessus des Keys de Floride. Les images 13-17 montrent elles des nuages.

  

Malgré l'emport d'appareils photo 70 mm et caméra 16 mm, les astronautes n'ont pas eu matériellement le temps de réaliser des clichés de leur exploit. Les difficultés de Cernan lors du vol GT9 à se mouvoir sans pistolet à l'arrière du vaisseau pour endosser le fauteuil ont laissé le reportage photo au placard. De plus, les quelques unes réalisées étaient de très mauvaises qualités, prises dans la pénombre avec du grain. 

Avec les nombreux problèmes lors des EVA de GT9 et 11, la perte de l'appareil photo 70 mm de Collins sur GT10, seules quelques photos de GT12 valent le détour avec celle de White.


Avec Gemini, les américains totalisent 13 h 57 mn d'activité dans l'espace. Dans le même laps de temps, les soviétiques n'ont que 24 mn. Il faudra attendre Soyouz en janvier 1969 pour que les soviétiques ajoutent 1 h de plus à leur actif. Les Américains garderont leur avance dans ce type d'activité notamment avec les sorties sur la lune jusqu'en 1977.

GEMINI 4 Edward White 23 mn Première sortie Gemini
GEMINI 9 Eugene Cernan 2 h 07 mn Démonstration d'une sortie dans l'espace complexe et test du AMU
GEMINI 10 Michael Collins 49 mn IVA Photographies spatiales
    39 mn Travail sur l'Agena
    1 mn IVA Abandon d'équipement
GEMINI 11 Richard Gordon 38 mn IVA  
    2 h 08 IVA Photographies spatiales
GEMINI 12 Edwin Aldrin 2 h 18 IVA Photographies UV
    2 h 09 Travaux sur Gemini et Agena
    1 h 11 Photographies spatiale et ménage