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PROJET GEMINI

UNE CIBLE POUR GEMINI, L'AGENA


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Vue par les astronautes amarré à l'étage Agena, la terre

En 1961, alors que la NASA recherche les nouvelles spécifications de son Mercury Mark 2 pour les rendez vous en orbite, les techniciens pense au SAINT ou a l'Agena. L'Agena est préféré et sélectionné en 1962 et le programme SAINT annulé. Depuis 1960, l'étage Agena est utilisé par l'USAF pour toutes sortes d'opérations spatiales, depuis les satellites MIDAS jusqu'au sondes lunaires de la NASA Ranger et martienne Mariner associé au lanceur Atlas, Thor et Titan. De plus, c'est le seul second étage américain stabilisé équipé d'une centrale inertielle et de moteurs de manoeuvre. L'Agena fut à un moment pensé pour propulser les premières cabines habitées, mais son faible diamètre de 1,5 m interdisait leur adaptation. 365 étages Agena seront lancés jusqu'en 1987 dont 269 Agena D. 

Lockheed Missile construit l'Agena. La NASA passe commande pour 12 étages qui seront modifiés en cible pour Gemini, le Gemini Agena Target Vehicle.

Propulsé par des propergols stockable (UDMH et acide nitrique fumant), l'Agena est un véhicule modulaire et souple d'utilisation. D'abord équipé de moteur Bell 8040, il est aujourd'hui équipé du Bell 8061 ou 8096 de 7200 kg de poussée. L'Agena A ne mesurait que 6,5 m de long pour une masse de 5000 kg.
Pour les opération Gemini, l'Agena D mesure 9,5 m de long pour une masse de 2800 kg à vide. Il est équipé d'un moteur principal Bell 8247 rallumable en vol de 6400 kg de poussée. Un second système de propulsion est disponible pour les ajustements d'orbite de chaque coté du moteur principal. Il délivre une poussée de 6,5 et 80 kg.

L'étage est équipé d'électronique de bord avec un répondeur à effet Doppler pour mesurer la distance avec la cabine. L'avant est occupé par le système de jonction TDA Target Docking Adapter, une pièce femelle en forme de tronc de cône permettant la réception du nez de la cabine. Une coiffe protége le tout, l'ensemble mesurant alors 11 m de long.

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Gemini Agena Target Vehicle

Le lanceur Atlas SLV 3 mesure lui 20 m de haut pour 4,8 m de diamètre au niveau du bloc de propulsion, 3 m pour les réservoirs. Pesant 104 tonnes au décollage, il développe 156 tonnes de poussée au lancement (RP 1 et LOX). 

   

Lancement d'une Atlas avec la cible Agena et ADTA

7 étage Agena sont construits modifiés et assemblés pour le programme Gemini de septembre 1964 à juillet 1966. En avril 1964, l'USAF demande un vol d'essai pour valider l'étage dans sa nouvelle mission, mais la NASA refuse car ce vol utiliserait un lanceur Atlas que la NASA n'avait pas. A la place, l'étage GATV 5001 est retiré de la chaîne pour servir lors d'essais au sol. Il arrive au Cap en mai 1965, assemblé sur un Atlas et tester sur le LC 14. L'étage est ramené chez Lockheed pour être restauré le 23 novembre. Reconstruit entièrement et renommé 5001R, il est livré au Cap en septembre 1966 et lancé le 11 novembre pour GT12 au sommet d'un Atlas TLV 5307.

Le premier Agena lancé pour Gemini est le 5002, livré en juillet 1965 au Cap et lancé le 25 octobre 1965 par un Atlas TLV5301. Malheureusement, le contact avec l'Agena est perdu en vol. GT6 réalisera avec rendez vous avec GT7.

L'Agena 5003 arrive au Cap en janvier 1966 pour être lancé avec succès le 16 mars sur un Atlas LTV 5302 pour GT8.

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L'Agena 5004 est lancé le 17 mai 1966 pour l'opération GT9, mais un problème de lanceur (Atlas TLV 5303) fait échoué le tir. Une cible de remplacement dite ADTA est lancé à la place avec un Atlas TLV 5304, un lanceur assigné à l'origine au lancement de la sonde Lunar Orbiter.

L'avant dernier Agena, le 5005 sert pour GT10 le 18 juillet 1966 au sommet d'un Atlas TLV 5305 et le dernier, 5006 le 12 septembre pour GT11 au sommet d'un Atlas TLV 5306.

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Après l'échec du premier Agena 5001, Mc Donnel propose de fabriquer un "spare" le 25 novembre 1966, l'ATDA augmented target docking adapter, une Agena sans moteurs ni réservoirs, mais équipé pour les opérations de rendez vous. Fabriqué en toute hâte dans l'hivers elle est livré au Cap le 4 février 1966. Mis en stockage, elle sert le 1 juin après l'échec de l'Agena 5004 le 17 mai comme cible pour GT9. gemini ADTA.jpg (116306 octets)
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Les cibles Agena et ADTA

La cabine Gemini comporte quelques petites modifications pour réaliser ses amarrages tel qu'un collier permettant une liaison mécanique avec l'Agena, un radar transpondeur, des lumières en plus pour visualiser la cible et des panneaux de contrôles supplémentaires.  Le réseau de station de poursuite a été augmenté pour cette mission. 

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LA TECHNIQUE DU RENDEZ ORBITAL


L'un des objectifs majeurs du programme Gemini est l'exploration et la mise au point des techniques de rendez-vous et d'amarrage en orbite. Cet objectif exige non seulement une bonne compréhension des principes de la mécanique orbitale, mais aussi une mise en pratique très fine. L'évolution sur orbite n'a en effet rien en commun avec le pilotage d'un jet et les manoeuvres d'interception bien connues des pilotes de chasse qu'étaient les astronautes d'alors se sont vite avérées inefficaces voire désastreuses lorsque transposées dans le cadre de manoeuvre de rendez-vous orbital.

1965, les vols spatiaux en sont encore à leurs balbutiements et l'idée d'un rendez-vous orbital du domaine du rêve. Certes, en août 1962, puis en juin 1963, les Soviétiques ont accompli deux vols couplés avec Vostok 3 et 4, Vostok 5 et 6, mais c'était à plusieurs kilomètres de distance et en utilisant une technique purement balistique, les capsules Vostok ne disposant d'aucune capacité de manoeuvre orbitale. 

Or, le programme lunaire Apollo repose sur une technique totalement inédite, baptisée "rendez-vous en orbite lunaire" : un module de commande, avec tous les systèmes nécessaires au retour sur terre, reste en orbite autour de la Lune tandis qu'un module va se poser à sa surface. Après exploration, les astronautes regagnent alors l'orbite lunaire pour s'amarrer au module de commande. 

La théorie affirme que la technique doit fonctionner mais son application pratique reste encore à prouver et c'est là l'objectif du programme Gemini. Les analystes savent que la réussite d'un rendez-vous orbital repose sur plusieurs facteurs. Tout d'abord, le vaisseau "chasseur" doit être placé quasiment dans le même plan orbital que la cible. Ensuite, il doit être en mesure de dépasser la cible suivant un timing permettant d'entreprendre les manoeuvres d'approche finale à la lumière du jour orbital. En effet, l'équipage doit utiliser des capteurs optiques embarqués pour réaliser l'acquisition de la cible, la poursuite au sol étant trop imprécise pour les opérations de proximité. Enfin, le "chasseur" doit pouvoir approcher la cible à une vitesse relative suffisamment lente pour permettre un contact sans risque.

En orbite, l'altitude et la vitesse sont interdépendantes. Plus l'orbite est haute, moins la vitesse du vaisseau est élevée. Lorsqu'une impulsion est produite dans la direction de son orbite, un vaisseau gagne de l'altitude et voit sa vitesse se réduire, contrairement à ce que l'on pourrait penser. La forme de l'orbite - circulaire ou excentrique - est, quant à elle, déterminée par le point de l'orbite - apogée ou périgée - où cette impulsion est donnée.
Avant les premier vols spatiaux, les analystes s'intéressaient surtout à la manière de placer le vaisseau "chasseur" sur une orbite suffisamment proche du plan orbital de la cible. En effet, la Terre tourne d'un degré sur elle-même en quatre minutes. Par conséquent, deux vaisseaux lancés depuis la même latitude et dans la même direction, à quatre minutes d'intervalle, se trouveront sur des plans orbitaux séparés d'un degré. Cela peut paraître peu, mais une fois en orbite, corriger ce défaut d'alignement planaire exige plus de carburant qu'un vaisseau n'en emporte généralement pour toute sa mission. Par conséquent, l'alignement planaire doit être réalisé par un "timing" et une direction de tir précis.

Lancer une fusée vers l'Est permet de profiter au mieux de l'effet de fronde dû à la rotation de la terre et, puisque le centre géométrique de toute orbite est nécessairement le centre de la Terre elle-même, l'orbite résultante possède une inclinaison par rapport à l'équateur égale à la latitude du site de lancement. Par exemple, un lancement vers l'Est à partir de Cape Canaveral en Floride résultera dans une orbite inclinée d'un peu plus de 28° par rapport au plan équatorial. La rotation de la Terre amène le site de lancement à croiser l'arc le plus septentrional de l'orbite une seule fois par jour. Les cibles de Gemini sont placées sur des orbites dont les inclinaisons étaient légèrement supérieure à la latitude du site de lancement, de sorte que le site de lancement soit suffisamment proche du plan orbital de la cible pendant pratiquement deux heures.

Une fenêtre planaire aussi longue est cruciale car les lancements spatiaux n'ont pas toujours lieu à l'heure prévue. Plus encore, la position relative de la cible n'est pas toujours adéquate pour entamer la poursuite. Si la cible est trop loin devant, le vaisseau "chasseur" ne peut la rattraper au bon moment ; si elle est trop proche, le "chasseur" la dépasse trop tôt. Seul un bref arc sur les 90 minutes de l'orbite de la cible offre au "chasseur" quelque espoir de la rattraper comme il convient. Ce court segment est appelé fenêtre de phase de la mission. Elle est déterminée par l'altitude de la cible, l'altitude initiale du "chasseur" et la durée allouée à la mission. Pour les premières missions Gemini à durée limitée, les rendez-vous doivent être réalisés au cours du premier ou du deuxième jour. Et lorsque les premières missions de rendez-vous sont conçues, la fenêtre de phase n'est ouverte que pendant quelques minutes (même si, il est vrai, elle se rouvrait à chaque orbite).

Fenêtre planaire et fenêtre de phase doivent toutes deux être ouvertes pour réussir un rendez-vous - l'une sans l'autre ne sert à rien. Mais si les deux fenêtres sont brèves, les chances de les voir coïncider au cours d'une seule orbite de la cible sont plutôt faibles. Une technique appelée "yaw steering" permet quelque latitude dans l'ouverture de la fenêtre planaire. Si, au moment du décollage, le plan orbital de la cible se trouve à quelques kilomètres à droite ou à gauche de la trajectoire ascensionnelle du "chasseur", le "chasseur" peut dévier légèrement sur la droite ou sur la gauche au cours des huit-neuf minutes de l'ascension et glisser ainsi sur le plan orbital voulu même si la géométrie initiale n'est pas parfaite.
Le "yaw steering" fut inventé par les planificateurs du programme Gemini. Bien que nécessitant un sacrifice de charge utile au profit du carburant embarqué, il autorise une fenêtre planaire plus longue qu'une orbite complète de la cible. Le vaisseau peut ainsi attendre au sol tandis que la cible avance sur son orbite jusqu'à entrer dans la fenêtre de phase. Une plus grande latitude est encore obtenue en autorisant une orbite de poursuite plus basse dans le cas d'un retard, de sorte que l'avance supplémentaire de la cible pouvait être rattrapée par une approche plus rapide. 

L'astronaute Edwin "Buzz" Aldrin, qui tint un rôle-clé dans le développement des procédures de rendez-vous (et auteur du thèse de doctorat sur le sujet), explique que "les instincts qu'un astronautes pouvait avoir et qui lui avaient permis de rester en vie en tant que pilote de chasse, pouvaient facilement le trahir dans l'espace. " Ainsi, les astronautes qui tentèrent le premier rendez-vous, au cours de la mission Gemini 4, essayèrent de piloter leur vaisseau à la façon d'un avion intercepteur, approchant leur cible par au-dessus et par derrière. Toutes les mises à feu des propulseurs qu'ils tentèrent ne parvinrent qu'à placer leur vaisseau sur une orbite toujours plus haute et toujours plus lente et à laisser filer leur cible irrésistiblement.

Cette approche, en arrière et au-dessus de la cible, fut baptisée "Quadrant de McDivitt", du nom du malheureux pilote de Gemini 4 qui prouva qu'elle ne pouvait réussir. 
La question qui se posait aux planificateurs des vols Gemini était comment concevoir les manoeuvres pour rattraper la cible et contrôler la vitesse relative au cours de la poursuite et de l'approche. Les stratégies initiales proposait de placer le vaisseau "chasseur" sur une orbite elliptique possédant une apogée aussi élevée que l'orbite circulaire de la cible. Puis, aux passages successifs à l'apogée, de petites mises à feu élèveraient le périgée, allongeant la période orbitale et, par conséquent, réduisant la vitesse d'approche. La dernière révolution avant le rendez-vous s'effectuerait à quelques kilomètres seulement en arrière de la cible et ainsi la vitesse relative entre cible et "chasseur" serait très réduite.
Mais cette stratégie posait problème. Le rendez-vous final devrait se produire à mi-chemin autour de la terre du site de lancement, et les conditions de luminosité et de poursuite ne seraient pas acceptables. La navigation et les mises à feu sont toujours un peu approximatives (les ingénieurs appellent ces erreurs "dispersions") mais le vecteur d'approche finale envisagé exigeait un fonctionnement parfait du système de navigation et des ordinateurs de bord du vaisseau. Ce qui paraissait faisable en théorie n'était pas réaliste au cours d'un vol réel.
Plusieurs équipes de jeunes ingénieurs - au centre de la NASA de Houston, au bureau d'études Gemini chez Mc Donnel-Douglas à St-Louis et au Massachussetts Institute of Technology - travaillaient aux stratégies de rendez-vous au début des années soixante. Après de longues études et de nombreux débats, ils développèrent un plan faisant appel à une orbite de parking en-dessous de la cible. Pour simplifier les calculs de mouvements relatifs, le plan préconisait une orbite initiale de dépassement à différentiel d'altitude constant ou, en termes géométriques, une "orbite co-elliptique". Au moment où la cible, se déplaçant en avant et au-dessus du "chasseur", atteindrait un certain angle d'élévation au-dessus de l'horizon, les astronautes devraient réaliser une poussée directement dans la direction de la cible, augmentant la vitesse par incréments calculés à partir de la vitesse angulaire observée de la cible dans le ciel. En moins d'une heure, ils se retrouveraient tout de suite à proximité.

Cette nouvelle stratégie avait plusieurs avantages. Au cours de l'approche finale, le pilote n'aurait qu'à contrôler manuellement la dérive latérale et à freiner pour atteindre les vitesses prescrites aux distances prescrites ; la mécanique orbitale s'occuperait du reste. Plus que tout encore, cette stratégie était particulièrement efficace dans les situations critiques : panne de radar, système de contrôle en mode dégradé. Toutes les missions emporteront des piles de graphiques et d'instructions pour les procédures manuelles afin de pallier la perte éventuelle de capteurs ou d'ordinateurs. L'instant précis de l'ultime mise à feu d'approche finale pouvait être donnée par l'ordinateur de bord où déterminée par l'équipage en mesurant l'angle d'élévation de la cible située au devant et au-dessus. Même dans le cas d'une panne totale d'ordinateur et de perte de liaison radio avec le contrôle de mission, les astronautes pourraient utiliser les graphiques pour déterminer où et quand cette importante mise à feu devrait se produire - et ils c'est ce qu'ils firent.
La dernière orbite de transfert de transfert plaçait le vaisseau "chasseur" sur une trajectoire légèrement en avant de la cible alors qu'il gagnait l'altitude de la cible. Puis, à mesure que le vaisseau approchait de son apogée, il ralentissait en accord avec les lois du mouvement orbital et la cible commençait à le rattraper, l'approche finale par le vaisseau "chasseur" se faisant par devant et légèrement par en-dessous de la cible. Cette stratégie d'approche sera utilisée non seulement pour Gemini, mais aussi dans le cadre des programmes Apollo et Skylab. 

 

LE RENDEZ VOUS DOCKING SIMULATOR

Afin de simuler les opérations de rendez vous et entrainer les équipages aux manoeuvres d'approche, le centre de Langley (Virginie) a construit le RDS ou real Time Dynamic Simulator dès 1963. Installé dans le bâtiment 1244 dans une zone à l'Est du centre, il permet de par sa taille 64 m de long, 4,5 m de large et 12 m de haut de simuler n'importe quel rendez vous dans l'espace avec tous les vaisseaux spatiaux. Il servira pour Gemini-Agena et Apollo CSM-LM

Le simulateur est constitué d'une grue dessous laquelle est suspendu un système à cardan motorisé selon les trois axes. Ce cardan accueille la maquette de Gemini qui se pilote par les astronautes pour venir rejoindre une maquette de l'Agena.

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Après Apollo, le bâtiment recevra une maquette d'avion de tourisme et sera employé pour simuler les problèmes d'approche