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LES LANCEURS US

L'HISTOIRE DES V2 A4

Le 1er septembre 1939, le monde bascule dans la guerre. L’Allemagne, sous les yeux de son allié du moment, la Russie, envahit la Pologne. En vertu d’accord d’alliance, l’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie.

A Peenemünde, en octobre, trois fusées A-5 munies du nouveau système de guidage, sont prêtes. Leurs dimensions sont comparables à la fusée A-3 : huit mètres de haut, 1.500 kg de poussée, réservoirs cryogéniques, et une masse de près d’une tonne au décollage. Un premier tir a lieu le 30 octobre, parfaitement réussi. La fusée atteint l’altitude de dix kilomètres. Le moteur entretient une poussée constante pendant 44 secondes. Le déploiement du parachute permet de récupérer l’engin porteur de l’enregistrement des paramètres du vol : barographe, accéléromètre, etc…
Le développement de la fusée A-4 semble assuré.

Hitler décide en février 1940 de gel du financement sur les armes nouvelles, au profit des moyens conventionnels. Cette décision ne surprend que les ingénieurs de Peenemünde : la Grande-Bretagne et la France ont pris la même décision. Les 4.000 employés de l’armée assignés à ces programmes sont mobilisés dans les rangs de l’Armée sur les fronts ouest et bientôt le front est. Le site de Peenemünde tourne au ralenti. C’est dans ces conditions, pourtant, que le moteur de la fusée A-4 est testé au banc pour la première fois, le 21 mars 1940. Ce premier moteur développe l’énorme poussée de vingt-cinq tonnes pendant quarante secondes.

Que de chemin parcouru en dix ans depuis la fusée d’Oberth qui développait 7 kg de poussée pendant 90 secondes ! Avec l’appui discret mais efficace du ministre des armements Albert Speer, les essais se poursuivent à Peenemünde pendant l’année 1940 et durant toute l’année 1941. Le kérosène ne fait jamais défaut, tandis que l’oxygène liquide est produit sur place. Une quinzaine de A-5 sont lancées depuis des avions, à l’horizontale. Les systèmes de guidage et de contrôle sont mis au point.

 Depuis 1937, le groupe von Braun a lancé soixante-dix fusées A-3, A-4 et A-5.

Sur le front, la guerre change de visage. Si l’invasion de la France, de la Belgique, de la Hollande, du Danemark et de la Norvège en juin 1940 se réalisent dans des conditions exceptionnelles, peu de pertes et succès foudroyant, la bataille de Grande-Bretagne de juillet à novembre 1940 est un premier échec pour la Luftwaffe de Goering. Mille bombardiers et mille chasseurs sont perdus, plus de quatre mille hommes, un effectif qui ne sera jamais recréé. L’attaque de la Russie en 1941 tourne au cauchemar pendant l’hiver 1941-1942. Un million de soldats allemands va y laisser la vie. L’année 1942 est très éprouvante pour le IIIeme Reich : les troupes italiennes sont défaillantes en Afrique, en Grèce, en Yougoslavie. Les sous-marins sont traqués par les navires de guerre équipés de radar. Le débarquement allié en Afrique du Nord provoque un affaiblissement des armées du front est. Les Russes contre attaquent et repoussent à leur tour les armées allemandes loin vers l’intérieur. Les usines allemandes sont la proie quotidienne des bombardiers britanniques, de nuit, et bientôt Américains, de jour.

Sur le site de Peenemünde, l’été 1942 voit les premiers essais de la fusée A-4, un projet dont le développement dure depuis plus de deux ans maintenant. Un essai statique a eu lieu sur le banc d’essai n° 7 au nord de la base le 25 février. Le 18 mars, le lancement réel de la première fusée A-4 est un échec ; après une première accélération verticale, la fusée traverse un ciel nuageux avant de tomber à la mer.  La seconde fusée A-4, tirée le 13 juin, s’élève majestueusement dans un beau panache de fumée, mais quatre secondes plus tard le système de guidage gèle. La fusée ne s’élève qu’à l’altitude de 5.000 mètres. Le troisième tir, le 16 août, est un beau succès. La fusée monte à 12.000 mètres en franchissement le mur du son après une poussée continue de 44 secondes. Dès ce moment, on peut dire que le moteur de la A-4 fonctionne correctement. La fusée bénéficie maintenant d’un système de guidage entièrement électronique, de premier du genre dans le monde. Une grosse pression est mise sur l’équipe de Wernher von Braun en octobre pour les essais de réception officiels. Ce tir va être une réussite totale.  Le 3 octobre 1942, une fusée de plus de quinze mètres de hauteur, de 14 tonnes de poids total, emportant une tonne de charge militaire, est dressée sur le pas de tir n° 7 au nord de la base de Peenemünde. Les représentants militaires sont là, à côté de Walter Dornberger et son staff militaire, de von Braun et ses ingénieurs et techniciens. Dans le vacarme de son moteur de 25 tonnes de poussée, la fusée s’élève pendant quatre secondes et demie, puis comme prévu, s’incline doucement vers l’est. Après environ 22 secondes, elle passe le mur du son et poursuit son accélération. Elle continue de monter avec un angle de 15° par rapport à la verticale, ce qui lui donne le maximum de portée, puis elle disparaît laissant derrière elle une longue traînée de vapeur de condensation. On la suit par télémétrie. A l’altitude de 17.700 mètres, son moteur coupe. La fusée va atteindre l’altitude maximale de 83 kilomètres à l’issue de sa trajectoire hyperbolique, une vitesse de 1.340 mètres par seconde (soit près de mach 4) et franchir une distance de 192 kilomètres. Pour la première fois, un objet fabriqué par l’homme a pénétré dans l’espace.

Dornberger célèbrera l’événement plus tard en déclarant : « Nous avons envahi l’espace avec notre fusée, et pour la première fois nous avons utilisé l’espace comme pont entre deux points à la surface de la terre ; nous avons prouvé que la propulsion par fusée était utilisable pour se déplacer dans l’espace. A la terre, la mer, et l’air il faut maintenant ajouter l’espace comme zone de déplacement pour les voyages du futur ». Et d’ajouter : « Aussi longtemps que dure la guerre, notre première mission est de perfectionner rapidement la fusée afin qu’elle devienne une arme. »

En novembre 1942, la Wehrmacht devant Moscou connaît sa première défaite. Il apparaît clairement à l’état-major allemand que le III eme Reich peut être battu. Le 22 décembre 1942, Hitler convoque en catastrophe Walter Dornberger et Albert Speer au ministère de la guerre à Berlin. Speer propose à Hitler de pousser le programme A-4. Le Führer leur demande d’installer rapidement des usines et neuf zones de tirs d’où il serait possible de lancer les fusées de Peenemünde. La construction des usines chimiques et des silos de tir dès janvier 1943 sera confiée à l’organisation Todt, déjà en charge des fortifications du mur de l’Atlantique.

A cette époque, après presque trois années d’inactivité en matière de fabrication de fusées, les experts en balistique et poudres de Peenemünde travaillent sur plusieurs projets de missile balistiques qui sont présenté au Führer, probablement en décembre 1942 : le A-4, dont la fabrication en série avait été envisagée en novembre 1939, le petit A-5 à tir horizontal, facile à déployer, le A-6 utilisant comme propergol l’acide sulfurique, plus énergétique que le kérosène, le A-7, un A-5 avec des ailes capable de décoller à partir d’une rampe de lancement, le A-8 utilisant deux propergols cryogéniques, le A-9 utilisant les mêmes propergols que le A-6 mais dont la portée balistique atteint 650 km, et le A-10, une sorte de A-4 monstrueux à quatre moteurs de 25 ktp développant un total de 100 tonnes de poussée, capable d’enlever cinq tonnes de charge militaire (voir page 16). A Peenemünde, la Luftwaffe a mis au point la bombe volante FZG-76 dont un premier tir avec catapultage est réussi le 24 décembre 1942.

En 1943, la situation militaire se dégrade pour l’Allemagne et les forces de l’axe. Les alliés qui ont débarqué en Afrique du Nord gagnent du terrain et prennent la Sicile et le sud de l’Italie. Le 2 février, la sixième armée, fierté des fiertés allemandes, capitule à Stalingrad. Le 10 mai, sans ravitaillements ni renforts, les troupes allemandes de Rommel et les soldats italiens se rendent en Afrique du Nord. Les bombardements sur les zones industrielles allemandes sont de plus en plus destructeurs. Le 7 juillet 1943, Dornberger et von Braun sont convoqués de nouveau en urgence au Q.G. de Hitler, qui donne cette fois la priorité absolue au programme des fusées A-4. Le A-4 est choisi parmi les autres projets de fusées pour sa simplicité de fabrication en série, l’étude du A-9 destiné à bombarder New-York étant reportée à la fin de 1943 pour une possible construction en série vers 1945- 1946. Pour lancer la A-4, les ingénieurs de Peenemünde sont partisans de bases bétonnées, chaque tir nécessitant une minutieuse et longue préparation (remplissage du réservoir d’oxygène liquide) plus un suivi au radar, Dornberger préférant des bases mobiles. La Luftwaffe de son côté en la personne de Milch, disposant avec le FZG-76 d’une bombe volante s’oppose maintenant à la fusée A-4. Hitler et Speer tranchent en faveur du déploiement des trois armes de représailles : le FZG-76 construit chez Fieseler sous le type Fi-103 rebaptisé V-1 qui peut être lancé depuis une plate forme mobile, la fusée A-4 rebaptisée V-2 ou Vergeltungswaffen-2 (arme de représailles 2), et le canon à longue portée (240 km) V-3 « Millepede » à plusieurs chambres explosives tirant un obus de 83 kg (250 kg en version « définitive ») largement supersonique, un projet fou qui n’aboutira jamais, et dont on sait pertinemment en novembre 1943 qu’il ne fonctionnera jamais, malgré la fabrication de 20.000 tubes, mais pour lequel aucun responsable n’a voulu dire la vérité à Hitler dont les discours « enflammés » inquiètent de plus en plus les responsables militaires.  Hitler a ordonné de tirer vingt-cinq fusées de 900 kg d’explosifs ou cent obus de 250 kg d’explosifs par jour. Si la Luftwaffe fait fabriquer les bombes volantes V-1 par les sociétés aéronautiques habituelles, la construction des V-2 pour la Wehrmacht est l’opportunité de nombreux débats. Les arsenaux la considèrent comme un avion et non un obus. Avec ses 22.000 pièces détachées, ses propergols liquides dangereux et son électronique de pointe, elle demande une attention particulière. Quand la liasse de plans est proposée pour construction aux sociétés d’aéronautique, ces derniers se montrent incapables de produire la nouvelle arme. Il faudra plusieurs dizaines de milliers de modifications techniques pour y parvenir. Finalement, le 19 octobre 1943, une commande de 12.000 fusées A-4 est passée à la SS, devenue une entreprise. Himmler demande à Hans Kammler d’assurer la direction de la fabrication des V-2. Dans un discours à Munich le 8 novembre 1943, Hitler annonce une « arme miracle ». Pour achever toutes les installations industrielles nécessaires aux fusées V-2 qui doivent être tirées chaque jour, les ingénieurs et techniciens à Peenemünde travaillent en deux équipes de douze heures, de jour comme de nuit. A ce moment, la fusée A-4 mesure 14,50 mètres de long, 1,80 m de diamètre à sa partie la plus large, porte 910 kg d’explosifs à l’avant, le remarquable moteur conçu par l’ingénieur Walther Thiel étant alimenté par deux réservoirs de propergols, le premier contenant cinq tonnes d’oxygène liquide à très basse température, le second trois tonnes d’un mélange de 75% d’alcool et 25% d’eau à température normale. C’est l’oxygène liquide qui sert au refroidissement de la chambre de combustion. France. La fusée A-4 emporte sur plus de 200 kilomètres 910 kg d’explosifs. Le missile est capable de se diriger tout seul au long d’une trajectoire balistique, son « intelligence » tenant compte de la rotondité de la terre et il est téléguidé par radio depuis son site de lancement tout au long de sa course, avec une précision de l’ordre de 10 kilomètres. C’est parfait pour bombardier Londres et sa banlieue. Contrairement aux V-1 qui vole à 600 km/h, le A-4 ne peut être intercepté ni par la D.C.A. ni par un chasseur : il est beaucoup trop rapide. Neuf sites de tir sont aménagés en France dès 1943, dont trois sites fixes imposants (sur trois étages) et blindés : Watten (Eperlecques) dans le Pas-de-Calais, Wizernes, plus au sud, et Sottevast près de Cherbourg dans le Cotentin. La R.A.F. dont les Mosquito ont repéré depuis longtemps le site de Peenemünde possède des photographies aériennes de Peenemünde et d’Eperlecques, mais aucune interprétation n’a encore relié les deux constructions. Le 18 juin 1943, l’interpréteur de photos Jones fait le lien entre les deux sites et comprend qu’une nouvelle menace pointe sur l’Angleterre. Le 17 août, constatant une reprise d’activité sur ces bases, la R.A.F. lance sur Peenemünde 500 bombardiers qui délivrent en 45 minutes 2.000 tonnes de bombes, espérant à la fois détruire les installations au sol et tuer le personnel. Parmi le personnel et les familles, il n’y a que 178 victimes. Les autres victimes, 557 personnes, sont des employés occasionnels d’origine russe et polonaise que l’armée peut remplacer. Mais le site est sérieusement touché et rendu inutilisable pour plusieurs semaines, même si la chaîne de production des fusées A-4 est intacte. Speer ordonne que la fabrication des fusées A-4 soit mise en sécurité au centre de l’Allemagne, dans les monts du Hartz. Une usine souterraine baptisée Mittelwerk est aussitôt aménagée en août 1943 et sa direction confiée à Heinrich Himmler et ses SS. Simultanément, la R.A.F. lance sur les sites de lancement de V-1 et V-2 repérés en France l’opération « Arbalète » : des bombardements réguliers qui ne se termineront que fin avril 1944.

Général en chef des SS et patron de la Gestapo, Heinrich Himmler faisait pression depuis plusieurs semaines sur l’armée et sur Dornberger pour prendre le contrôle du programme allemand des fusées. Il considère de Dornberger et von Braun sont des amateurs, plus soucieux d'aller dans la Lune que servir l'armée. Le 16 février 1943, Himmler a réussi à imposer à la France et à son gouvernement l’envoi de travailleurs en Allemagne sélectionnés par ses hommes de main, une opération désignée en France Service du travail Obligatoire (STO). En août 1943, il a gain de cause. Himmler prend en charge la fabrication en série des bombes volantes V-1et des fusées A-4 à Mittlewerk. L’ingénieur civil Arthur Rudolph est recruté par Himmler en septembre 1943 pour organiser la production des fusées A-4 dans les sites souterrains de Nordhausen. Les essais de réception sont effectués en Pologne, à Wizna.

La grande idée de Himmler est là : faire travailler les milliers de prisonniers de ces camps à la fabrication des fusées V-2 et des V-1 (les V-1 qui sortent trop lentement des usines de Fallersleben, Kassel et Stettin) plutôt que « nourrir des bouches inutiles ». Avant l’hiver 1943-1944 ce sont 60.000 travailleurs forcés qui sont employés à la fabrication des armes de représailles dans les usines souterraines des montagnes du Hartz, surveillés et durement traités par les Kapos (Konzentrationslager Arbeit Poliezi ). Les journées de travail sont longues, souvent 18 heures, les hommes sont mal nourris, et, privés des soins élémentaires, ils meurent en masse ; 25.000 hommes vont y périr, dans des conditions épouvantables.

En 1944, la situation militaire s’est complètement détériorée en Allemagne. Après la campagne de Russie, la Luftwaffe n’a plus d’avions ; pire elle n’a plus de pilotes. Le pays tout entier vit d’expédients. A Mittlewerk, la malnutrition, les conditions d’hygiène épouvantables, mais aussi le manque de matières premières conduisent à une maigre production. On est loin des cent fusées par jour prévues par Hitler. Le 21 février 1944, Himmler fait pression sur Wernher von Braun pour intégrer les SS et ainsi reprendre la direction des usines de Mittelwerk. Von Braun refuse. Deux jours plus tard, il est arrêté au beau milieu de la nuit par la Gestapo, avec son jeune frère Magnus. Ils sont emprisonnés à Stettin deux semaines jusqu'à ce que Dornberger et Speer ne les fassent sortir pour venir les aider aux lancements des A-4 maintenant imminents. L’ordre de déploiement des V-1 et des V-2 est donné le 30 mai 1944.

Tout au long du mois de février 1944, les alliés bombardent méthodiquement les centres allemands de construction aéronautique et les arsenaux. En mars, la pression sur l’Allemagne diminue : les alliés préparent le débarquement en Normandie et pilonnent les voies de communication du nord de la France. En avril, ils s’en prennent aux terrains d’aviation. Au cours du mois de mai, les usines françaises de construction aéronautique sont bombardées scientifiquement. Le 6 juin, le débarquement allié surprend les défenses allemandes qui s’attendaient à un débarquement dans le Pas de- Calais ou sur l’Atlantique. Le 29 juillet, von Stauffenberg tente d’assassiner Hitler dans son bunker à Berlin, mais il échoue. Paris est libéré le 15 août. Le 20 août, la Gestapo arrête Pétain et Laval. Le 27 août 1944, la Luftwaffe bombarde une dernière fois les aérodromes parisiens et se replie en Belgique.

La première des 30.000 bombes volantes du type V-1 construites par l’Allemagne s’abat sur l’Angleterre le matin du 14 juin 1944. Elle explose dans un jardin à 4 h 18 du matin à Swanscombe, près de Gravesend. Trois autres V-1 tombent sur l’Angleterre dans l’heure qui suit, à Cuckfield, Platt et Pethnal Green, tuant six personnes et faisant neuf blessés. Ce n’est que le début d’une salve de plus de 5.000, le dernier V-1 tombant sur l’Angleterre le 27 mars 1945. Début juillet, les écoliers londoniens sont évacués plus au nord. Un million d’habitants quitte la capitale et ses faubourgs. A la mi-juillet, la lutte contre les bombes volantes est retirée aux pilotes de la R.A.F. et confiée à l’artillerie. Le 7 septembre 1944, alors que les britanniques croyaient en avoir fini avec les bombes volantes, les premières fusées V-2 sont lancées des bases françaises du Pas-de calais sur Paris (Maisons-Alfort) puis sur Londres, Anvers, le grand port de logistique des alliés, et Bruxelles. Les premières fusées A-4 tombent sur l’Essex au sud de la Grande- Bretagne le 8 septembre au matin. La première fusée visant Londres tombe à Brentford le 8 septembre. Dix minutes après son lancement, elle est détectée par le réseau de radars malheureusement la chasse ne peut l’intercepter. Elle cause des dégâts terribles, huit maisons sont détruites et cinquante sont endommagées, deux personnes sont tuées et dix grièvement blessées.

Visitant les usines Mittlewerk durant l’été, Himmler ordonne d’aménager un camp à l’air libre, afin d’augmenter la production des fusées, les hommes mourant trop vite dans les usines souterraines. Ce sera Dora. Il ordonne également que tous les sites de lancement de la fusée deviennent mobiles. De fait, aucun ne sera détruit par les alliés.

Entre septembre 1944 et février 1945, un total de 5.300 V-2 sont fabriqués à Mittelwerk, 2.800 sont lancés dont la moitié environ atteignent leur cible : 1.050 tombent sur l’Angleterre, tuant 2.754 personnes et blessant 6.523 autres, détruisant 400.000 maisons, en endommageant plus de 4.000.000. La Belgique connaît le même sort. En octobre 1944, Londres reçoit 25 fusées V-2 par jour et Anvers 10. Le tir le plus meurtrier tombe sur Anvers le 16 décembre 1944 : 561 personnes sont tuées dans un cinéma. La capitale britannique, habituée aux bombardements, résiste vaillamment. Von Braun dit à voix basse à ses collaborateurs de Peenemünde : « C’est un succès, mais nous avons frappé le mauvais camp ». En France, on rapporte 22 tirs sur la région parisienne (un le 8 septembre et les autres entre le 2 et le 5 octobre).L'écart moyen se cesse de "diminuer, de 51 km le 2 octobre, il passe à 42, puis 25 et 21 km le 5 octobre.  Il semble que le général SS Hans Kammler n'avait pas reçu d'ordre pour cette attaque et même qu'il a été long à obtempérer lorsqu'on lui a ordonné d'arrêter les tirs. Selon d'autres sources, il s'agissait en fait de tirs de réglages en vue d'un bombardement ultérieur de la capitale qui n'eut, fort heureusement, jamais lieu.


La fusée V-2 n’est pas l’arme terrible de représailles qu’elle est supposée être. Comparativement, les V-1 ont été plus meurtriers. Sur les 9.521 bombes volantes lancées depuis le nord de la France sur la Grande-Bretagne, 4.621 V-1 ont été détruits par la D.C.A. ou par la chasse ou se sont égarés. Cependant, près de 5.000 ont atteint leur cible, tuant 6.184 personnes, trois fois plus que la V-2. L’ensemble des armes de représailles allemandes a lancé 15.000 tonnes de bombes, alors que dans le même temps les alliés faisaient pleuvoir 500.000 tonnes de bombes sur l’Allemagne. Cependant, certains militaires férus de stratégie et de tactique ont calculé que les bombardements américains et anglais pour détruire les sites de tir et les arsenaux des armées de représailles ont coûté aux alliés quatre fois plus cher que l’ensemble des programmes V-1 et V-2 réunis.

En 1945, les alliés prouvent que les bombardements classiques, massivement employés, restent une arme terrible. Les 13 et 14 février 1945, la ville de Dresde est totalement effacée de la carte par 900 bombardiers britanniques qui lâchent à cinq reprises 3.000 tonnes de classiques bombes de 250 et 500 kg et quelques bombes incendiaires, tuant en quelques jours 250.000 personnes. Ce bombardement reste le plus meurtrier de toute la seconde guerre mondiale. Il devance dans l’horreur et le nombre des morts le terrible bombardement américain sur Tokyo exécuté le 8 mars 1945 (où 200.000 personnes furent tuées sur le coup) et il devance même les bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Les sites de lancement français des V-2 sont copieusement bombardés. Le site de Watten est bombardé régulièrement du 27 août 1943 au 25 août 1944. Sottevast encore inachevé à la Libération est bombardé dès février 1944. Wizernes est la cible tour à tour des bombardiers américains et britanniques et reçoit plus de 3.000 bombes de 500 kg du 11 mars 1944 au 20 juillet. Le 19 et 24 juin, Watten et Wizernes sont visités par seize Lancaster de la R.A.F. à bombes « Tallboy » de six tonnes capables de percer dix mètres de béton, mais ce n’est que le que le 17 et le 25 juillet que ces bombes perforent la coupole de béton et que les sites de lancement des V-2 sont rendus inutilisables.

A la fin de 1944 et jusqu’en janvier 1945, von Braun et son équipe (3.000 collaborateurs) poursuivent à Peenemünde le développement des fusées A-9 et A-10. Datant de 1944, les projets A-4b et A-8, jamais réalisés, sont des versions dotées d’ailes des fusées A-4 et A-6 permettant un décollage par catapulte ou un largage sous avion et un plus grand rayon d’action (550 km), quitte à être intercepté par un chasseur. Conçu la même année, le projet A-10 est le premier étage d’une fusée capable de porter un second étage qui serait constitué d’une fusée A-4b ou A-9. En janvier 1945, l’étude est réalisée. La fusée A-10 doit produire 100 tonnes de poussée par combustion d’acide nitrique et d’huile lourde. Les calculs montrent qu’une A-10 à trois moteurs de 100 tonnes de poussée portant une A-9 comme second étage pourrait porter une charge de 1.000 kg sur une distance de 4.000 kilomètres. Mais les travaux de l’équipe de von Braun à Peenemünde en 1945 ne s’arrêtent pas là. Le projet baptisé A-11 concerne une fusée à trois étages, le premier étage étant désigné A-11 comportant quatre moteurs de cent tonnes de poussée, portant une fusée A-10 en second étage, elle-même portant une fusée A-9 comme troisième étage. Clairement, l’intention de von Braun avec cette fusée est de porter un homme dans l’espace. Encore plus ambitieux, le projet A-12 concerne une fusée à trois étages pesant mille tonnes, dont le premier étage, baptisé A-12 développerait une poussée de 1.200 tonnes grâce à huit, dix ou douze moteurs de cent tonnes, portant une A-11 pesant 180 tonnes comme second étage, cette dernière portant une A-10 en troisième étage. Les calculs montrent qu’une telle fusée permettrait de mettre en orbite basse 30 à 40 tonnes de matériel, peut-être de quoi aller dans la Lune.

Combien de V2 ont été lancé durant la seconde guerre mondiale ?

Les chiffres varient du simple ou double.
3255 selon "Von Braun contre Korolev" de P. Kohler et J.R. Germain, (page 90)
6400 selon "Rockets into Space" de F.H. Winter, (page 52)
Dans un article de David Irving ("A bout portant sur Londres" chez Laffont) paru danss "Historia" de novembre 1969, il est précisé à la fin : ... au total il est tombé 517 fusées sur Londres contre 1.265 sur Anvers. Il en est tombé 537 autres en d'autres points de l'Angleterre et 61 s'étaient abîmées au large des côtes. Un peu plus de 2.700 civils avaient trouvé la mort à Londres du fait des fusées ...

A la fin de la guerre 3172 A4 V2 avaient été lancé selon V2 rocket.com et 4320 selon John Pitfield (dont 283 lancé en tests depuis Peenemude et 504 depuis Blizna)
  :

    V2 rocket.com John Pitfield sur Space Lists No.16
Belgique Antwerp
Luttich
Hasselt
Tournai
Mons
Diest
Liege
Bruxelles
1610 
27
13
9
3
2

1712
-
-
-
-
-
98
65
France Lille
Paris
Tourcoing
Arras
Cambrai
St Quntin
25
22
19
6
4
1
-
15
Angleterre Londres
Norwich/Ipswich
1358
44
1632
Allemagne Remagen 11 11
Hollande Maastricht 19  

En tout cas le dernier semble avoir été lancé le 27 (28, 29 ?) mars 1945 sur Orpington près de Londres. Suivront trois essais anglais ""Backfire" et le premier tir depuis White Sands en avril 1946. Le 30 octobre 1947 sera lancé le premier V2 soviétique.

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LES V2 AUX USA

Mais à la fin du mois de janvier 1945, le bruit du canon soviétique libérant les plaines du nord arrivent jusqu’à eux. Von Braun réunit ses meilleurs collaborateurs, 250 personnes, et leur explique que s’ils restent à Peenemünde, ils seront pris par les Russes. Tandis que s’ils gagnent le sud, ils pourraient se rendre aux Américains.Le 31 janvier, von Braun annonce aux cadres de Peenemünde que le lieutenant général SS Hans Kammler a donné l’ordre d’évacuer la base pour le sud de l’Allemagne. Quand les soviétiques prennent la base en mars 1945, ils ne trouvent que du matériel et un millier de subalternes peu au courant de la technologie des fusées. Les techniciens et ingénieurs de Peenemünde, conformément aux instructions de Kammler, se sont réfugiés à l’usine de Mittelwerk, mais von Braun réunit ses meilleurs ingénieurs et se réfugie à Oberammergau dans les Alpes bavaroises. Ils y arrivent le 2 mai 1945, le lendemain du suicide d’Hitler. Wernher von Braun a choisi son camp : celui des Américains. Comprenant l’importance de la prise de guerre qu’ils viennent de réaliser, les Américains de l’ opération « Overcast », sous la conduite du colonel Holger Toftoy, se rendent à Nordhausen, récupèrent les V-2 en cours d’assemblage, de quoi assembler cent fusées, et foncent sur Peenemünde où les Russes ont déjà presque tout emporté. La base de Peenemünde est totalement détruite à la fin d mois de février 1945 ; le camp de concentration de Dora est évacué fin mars 1945. On y retire 20.000 cadavres des malheureux ayant œuvré à la fabrication de près de 6.000 fusées. Le 2 mai 1945, von Braun et 500 de ses collaborateurs se rend aux alliés. En juin 1945, ce sont finalement plus de 300 véhicules qui apportent les éléments des fusées, les machines outils, les instruments de laboratoire et les manuels de fabrication en Angleterre où ces éléments gagnent ensuite par bateau et par train le site militaire de Fort Bliss au Texas et la base de White Sands dans le désert du nouveau Mexique sur le continent nord américain. Simultanément, l’opération « Paperclip » sélectionne les meilleurs éléments sur les nombreux ingénieurs allemands présents à Mittlewerk et 118 de l’équipe de von Braun sont recrutés - une loi d’immigration spéciale sera signée par le président des Etats-Unis Harry Truman le 6 septembre 1946 - et placés sous contrat de cinq ans à compter de décembre 1945 pour produire un missile balistique. Au terme du contrat, les ingénieurs allemands et leur famille peuvent soit retourner en Allemagne, soit devenir des citoyens Américains. Pendant ce temps, de novembre 1945 à septembre 1946, se déroule le procès de Nuremberg. Albert Speer est condamné à la prison ; condamné à mort, Goering se suicide le 15 octobre 1946.

La mission des Allemands à White Sands est de former les ingénieurs américains en balistique, les militaires chargés des missiles de défense et les techniciens du constructeur du moteur fusée (General Electric) à la technologie particulière des V-2. Sur les cent récupérées, un total de 67 fusées A-4 est assemblé à White Sands et lancé, à titre expérimental, de 1946 à 1952. Le premier tir a lieu le 15 mars 1946. L’une d’entre elles bat un intéressant record de distance : 425 kilomètres. Durant l’été 1950, les laboratoires de développement et d’essais et ses ingénieurs sont transférés à Huntsville dans l’Alabama. Quelques ingénieurs allemands, comme Athur Rudolph entrent dans l’industrie américaine (General Dynamics, Convair, North American, Lockheed), ces constructeurs ayant reçu des marchés de développement d’un missile balistique portant une charge atomique, afin de battre les Russes dans la course aux armements.

Quand le site de Cap Canaveral est ouvert en 1949, la première fusée lancée est une V-2 portant un second étage, le WAC Corporal. Le groupe von Braun de Huntsville est chargé du développement de la fusée Redstone, à partir de 1950. Alors que les projets concurrents abondent, U.S. Navy, U.S. Air Force, U.S. Army, Redstone est le premier missile balistique de l’U.S. Army qui ait réellement fonctionné. La fusée fait 21 mètres de haut, pèse 28 tonnes et développe une poussée de 55 tonnes pendant plusieurs minutes. Le développement du missile est terminé en 1958. La première bonne fusée américaine reprend tout bonnement l’idée des fusées A-10 à A-12 de 1945. Un quatrième étage à propergols solide est ajouté à la fusée Redstone, formant la fusée Jupiter C, la fusée américaine ayant lancé le 31 janvier 1958 le premier satellite américain, Explorer 1. La fusée Redstone va servir de premier étage aux premiers lancements des capsules Mercury de la NASA en 1961.

Wernher von Braun habite Huntsville de 1950 à 1970. Il y est nommé directeur du Marschall Space Flight Center (MSFC). Quand se crée la NASA en 1958, le groupe du MSFC qu’il dirige y est transféré en 1960 pour le développement des fusées d’un programme à haut risque extrêmement ambitieux permettant d’amener un homme sur la Lune : Apollo. Il quitte la NASA à 60 ans, en 1972, pour s’éteindre comme ses fusées cinq années plus tard.

Au total 100 V2 ont été "spoilé" par les USA.

LES V2  EN UNION SOVIETIQUE

On peut dire que Sergei P. Korolev a joué le même rôle en Russie que von Braun en Allemagne. Né en Ukraine fin 1906, il est encore enfant pendant la révolution soviétique. Dans les années vingt, il reçoit une formation d’ingénieur de l’aéronautique à Kiev et ambitionne de devenir pilote d’essais chez Tupolev. Quand il fait la rencontre de Tsiolkovski en 1934, son orientation bascule. Il entre au Gruppa Isutcheniya Reaktivnovo Dvisheniya (GIRD) une société de recherche sur la propulsion par réaction qui développe des fusées à propergols liquides (l’équivalent de la VfR en Allemagne). Il y rencontre le chimiste Valentin P. Glushko et un Lituanien entre deux âges, Frederick Tsander, industriel produisant des explosifs et des moteurs à poudre. Entre 1930 et 1933 le GIRD lance avec succès depuis le site de Moscou plusieurs fusées à propergols liquides : le 17 août 1933 le GIRD-9, est la première fusée russe atteignant 400 mètres d’altitude, son moteur à oxygène liquide et benzène solidifié développant 35 kgp. Le 25 novembre 1933, la GIRD-X devient la première fusée russe à propergols liquides (oxygène liquide et alcool). Mais en 1933 Tsander meurt du typhus ; malade lui-aussi, Tsiolkovski décède en 1935.

L’équipe des techniciens russes du GIRD fusionne le 31 octobre 1933 avec un laboratoire de l’armée dans l’Institut Scientifique de Propulsion par Reaction (RNII). De 1934 à 1939, le RNII dirigé par le lieutenant Mikhail Tukachevsky autour de l ‘équipe de Korolev - élevé au rang d’ingénieur en chef et de colonel dans l’armée - qui comprend au début cinquante ingénieurs et techniciens, développe pour l’armée rouge plusieurs fusées, des bombes volantes, un planeur à réaction.

Le 10 juin 1937, Korolev et Tukachevsky et plusieurs de ses ingénieurs sont jetés en prison à Magadan par Staline, qui se méfie de tous les intellectuels. Il passe un an dans les mines de sel de Kolyma en Sibérie où périssent sa femme et sa fille de deux ans. Quand la menace allemande sur la Russie se fait pressante, à la fin de 1938, Staline imagine un système de bureaux d’études dans les prisons, les Sharashkas. Korolev est sorti du Goulag par Sergei Tupolev, lui même jeté en prison, qui demande un ingénieur de pointe pour son bureau d’études TsKB-39 à Moscou. Les deux hommes, sous la haute protection du KGB, développent ensuite de 1939 à 1944 plusieurs armes de pointe : avec Georgy Langemak, Korolev développe les fameuses fusées de défense Katyusha plus connues sous le nom d’ « orgue de Staline », puis une fusée à deux étages qui atteint 800 km/h en 1939, des engins sol-air de défense aérienne qui se montrent terriblement efficaces contre les appareils de la Luftwaffe en 1942 et 1943, plusieurs engins air-sol montés sur les Sturmoviks qui détruisent en masse les blindés allemands à Koursk, et des missiles balistiques sol-sol à courte portée.

Connu sous le nom de SS-1 ou SCUD, le missile sol-sol développé par Korolev porte une charge militaire de 500 kg à 20 kilomètres. En mai 1945, quand les troupes russes se jettent sur les sites de Peenemünde et Nordhausen, ils ne trouvent plus personne. Les américains ont tout raflé dans les deux jours précédents. Staline qui avait même retardé de trois semaines la prise de Berlin pour prendre ces sites est furieux. Toutefois, les Russes, mettent la main sur les matières premières, des machines outils, tous les stocks de produits chimiques, des poudres, les équipements électriques et plus de 300 V-2 en cours de fabrication. Ils découvrent aussi plus de 6.000 mourants à Dora, qu’ils laissent aux Américains. Car à Yalta en février, Roosevelt, Churchill et Staline se sont partagés la dépouille encore fumante de l’Allemagne. Les Russes font main basse sur 1.750 techniciens et ingénieurs de l’industrie aéronautique allemande et plus de 6.000 ingénieurs des autres secteurs. Ils vont passer sept ans en union soviétique, y travaillant sans salaire. L’ingénieur le plus qualifié en matières de fusées qu’ils raflent est Helmut Grotrupp. C’est à lui qu’ils demandent de prendre en charge à Moscou le remontage de la ligne d’assemblage complète et de tir des V-2.

Après la guerre, en octobre 1945, Korolev est libéré de prison et nommé constructeur en chef des missiles balistiques soviétiques. Le 15 octobre, il assiste à Cuxhaven, sur une base britannique en Allemagne au lancement d’une fusée V-2. Mi 1946, Grotrupp a recréé les installation de construction et de lancement des V-2 et les Russes sont prêts à effectuer les premiers tirs, sous la direction de Glushko et de son supérieur, le général Gaïdukov. Korolev supervise les lancements qui sont effectués à Kapustin Yar, un village situé à l’est de Stalingrad. C’est Korolev qui choisit les techniciens allemands chargés du tir des missiles en Russie.

Pendant sept ans, de 1946 à 1953, plus de cent V-2 sont lancés, avec des résultats parfois décevants, mais ces essais de fusées permettent au personnel soviétique d’augmenter ses connaissances. A partir de 1951, des ingénieurs russes remplacent progressivement les techniciens allemands, lesquels sont définitivement libérés de leur travail obligatoire à la mort de Staline en 1953. Le 1er avril 1953, alors que Korolev est prêt à lancer la première fusée de conception purement soviétique, baptisée R- 11, le conseil des ministres lui commande un missile balistique intercontinental (ICBM), baptisé R-7. Le lanceur soviétique est un engin monstrueux – par rapport aux fusées de cette époque - capable théoriquement de parcourir 7.000 kilomètres en tir balistique, de masse (300 tonnes) et taille (30 m) très imposantes ; les deux lanceurs R-7 et R-11 sont techniquement identiques et s’appuient sur quatre moteurs à propergols liquides (kérosène et oxygène liquide) issus de la V-2 développant chacun 25 tonnes de poussée entourés de quatre boosters développant chacun cent tonnes de poussée, chaque booster comprenant lui-même quatre moteurs de V-2 de 25 tonnes de poussée.

LANCEMENTS A4

Pendant la période qui suit la fin de la seconde guerre entre mai 1945 et février 1947, les soviétiques récupèrent quelques éléments du programme A4. Comme il devenait impossible de tester ces fusées en térritoire germanique,  tous les équipements et le personnel sont rapatriés en URSS en octobre 1946. Les lancements de A4 sont réalisés du GTsP 4 à Kapustin Yar près de la Volgorad. Ce camp est mis en chantier sur une décision du 27 juillet 1947.

Les missiles A4 lancés par les Soviétiques sont une combinaison de missiles allemands et de missile assemblés en URSS (5 ont été assemblé à Northausen, 6 au plant 88 à Kalingrad en dehors de Moscou). Tous les composants sont allemands.

Selon les sources il y a eu 11 tirs avec 5 succès. le premier a eu lieu le 18 octobre 1947 (au lieu du 10) et le dernier le 13 novembre.  

Numéro Date de lancement Distance (km) Observations
1 18 oct 1947 206.7 Détruit en vol
2 20 oct 1947 231.4 après avoir quitté la table, il dévie de  181 km à gauche
3 23 oct 1947 29.4 Destruction de la charge utile
4 28 oct 1947 274.3 Atteint sa cible
5 31 oct 1947 2 Immédiatement après le décollage devient incontrôlable
6 2 nov 1947 260 Atteint sa cible
7 3 nov 1947 2.3 Immédiatement après le décollage, la rotation sur son axe casse les stabilisateurs
8 4 nov 1947 268 Atteint sa cible
9 10 nov 1947 24.4 Perte de contrôle
10 13 nov 1947 270 Détruit en vol
11 13 nov 1947 ? ?

 

Longueur 14.15 m Le missile R1 est essentiellement une copie du A4 allemand. Le but du programme était de créer et maîtriser la technologie des missiles dans le cas du projets futurs. Le R1 a prouvé aux soviétiques que les missiles balistiques à long rayon d'action étaient un composant essentiel à leur force de frappe.

12 missiles sont prêt à être lancés dans une première série, mais seul 9 seront effectivement tirés. le sul tir parfait est celui du 10 octobre 1948.

Pendant les essais de la seconde série, 17 des 20 missiles touchent leur cible. Ils utilisaient un système de guidage télémétrie développé par le NII 885 à la place du "Braziliont" utilisé dans la première série.

Diamètre maxi 1.65 m
Masse au lancement 13.445 t
Masse à vide 4.030 t
Distance 270 km
Masse de la charge 1.075 t
Moteur RD-100
Poussée (niveau de la mer) 27.2 t
Propergols 75% ethyl alcohol & LOX
Guidage Autonome, inertiel
Date de lancement Commentaires
17 sept 1948 Première tentative, la fusée dévie de sa trajectoire et est détruite en touchant sa cible
10 oct 1948 premier succès vole sur 300 km
11 oct 1948 Premier vol avec FIAN scientific experiments
5 nov 1948 9eme tirs et fin de la série
10 sept 1949 Premier lancement de la seconde série
23 oct 1949 Dernier et 20eme tir de la seconde série
29 janv 1951 Premier tir en hiver
2 fév 1951 Dernier tir en hiver
17 juin 1951 Premier tir "contrôlé"
27 juin 1951 Dernier tir "contrôlé"

 

Missile R1 amélioré Korolev proposait un concept de missile R2 issue des études de 1946. Le nouvel engin avait trois principales différences avec le R1, la copie du A4:
_ Un réservoir de carburant
_ Une charge utile séparé
_ Un nouveau moteur le RD 101 (version amélioré du RD 100 du R1).
Un nouveau système télémétrique avait été installé nommé Don. Ce missile prend le nom de R2.

Sur la première série de 12 missiles, tous ratent leur cible (problème de trajectoire). Avec la seconde série, 12 des 13 atteignent leur cible. Tous les lancements furent réalisé de Kapustin Yar.

Le R2 a aussi participé à des essais de mise à feu en 1953-56 dans le cadre d'un programme de test de containers de charges.

Longueur 17.65 m
Diamètre maxi 1.652 m, 3.564 m avec stabilisateurs
Masse au lancement 20.3 t
Masse à vide 4.46 t
Distance 576 km
Masse de la charge 1.5 t
Moteur RD-101
Poussée (niveau de la mer) 37.0 t
Propergols 75% ethyl alcohol & LOX
Guidage Autonome, inertiel avec correction radio
21 oct 1950 Premier tir
26 oct 1950 Premier tir à longue distance
26 déc 1950 12eme et dernier tir de la série 1, aucun n'atteint sa cible
2 juil 1951 premier tir seconde série
27 juil 1951 13eme et dernier tir série 2, 12 cibles atteintes
8 août 1952 Premier tir "contrôlé"
18 sept 1952 14eme et dernier tir "contrôlé", 12 cibles atteintes
mai 1954 premier lancement de missiles fabriqués
juin 1954 10eme et dernier tir, 8 succès
juil 1955 Premier lancement avec charges lourdes
août 1955 Dernier lancement avec charges lourdes

 

Pour tester son nouveau missile balistique intercontinental, l’union soviétique construit un centre spatial à Baïkonour et un autre à Tuyratam, au nord est de la mer d’Aral dans le Kazakhstan. Les premiers essais du R-7 commencent au printemps de l’année 1957 ; le premier tir, le 15 mai, est un échec ; le second, le 12 juillet également ; le premier tir réussit le 21 août 1957. C’est le R-7 qui lance le premier satellite artificiel de l’histoire, Spoutnik-1, le 4 octobre 1957, depuis Tuyratam. Inspirée de la V-2 dont elle reprend le moteur de base, la fusée R-7 est l’un des plus gros succès en matière de fusée des soviétiques ; construite en très grande série (plus de 330 exemplaires), la fusée R-7 elle va être utilisée de 1957 à 1976 sous le nom de lanceur Vostok. Cette fusée est aujourd’hui la plus longue série jamais construite dans le monde.

Au total 11 V2 ont été "spoilé" en URSS. 

LES V2 EN FRANCE

Disciple de Robert-Esnault-Pelterie (1881- 1957), l’ingénieur général et polytechnicien Jean-Jacques Barré (1901-1978), entré dans l’artillerie en 1924, est le premier en France à lancer des engins. Entre 1935 et 1940, Barré réalise à la commission des poudres à Versailles des obus propulsés par du peroxyde d'azote. Barré achève sa période dans l’Armée avec le grade de commandant en 1932 après quoi il s’adonne aux fusées. En 1941, à la demande du colonel Dubouloz chef de la Section Technique de l’artillerie, Barré réalise clandestinement à Lyon (Croix Rousse) une fusée propulsée par des propergols liquides baptisée EA-1941. Après un essai statique effectué le 15 novembre 1941 au camp militaire du Larzac, un tir secret doit être effectué en Algérie près d’Oran en 1942. Le débarquement allié y met fin. Les alliés obtiennent les plans de l’EA-1941 en octobre 1943. A l’été 1944, Dubouloz est arrêté par la Gestapo et le colonel Gentil, adjoint de Barré, envoyé au camp de Dora où il meurt peu après.

Après la libération, la Marine nationale offre à Barré le camp de la Renardière à Saint- Mandrier près de Toulon pour effectuer les tirs de l’EA-1941. Le premier tir a lieu le 15 mars 1945. Son moteur développe une poussée de 995 kgp. L’engin explose après cinq secondes de course. Dès février 1945, dans le cadre de l’occupation de l’Allemagne, les pays alliés dont la France récupèrent du matériel militaire, entre autres des exemplaires des armes secrètes, avec les ingénieurs qui les ont mises au point, avec leurs archives scientifiques et techniques.

En mai 1945, sous la direction du professeur Henri Moureu, le commandant Barré se rend en Allemagne à Ober-Raderach au bord du lac de Constance pour examiner les prises de guerre des français : Ober-Raderach est une usine de réception et d’essais des V-2. L’usine allemande est démontée et remontée en France le 17 mai 1945. En juin, les deux hommes se rendent en zone américaine, à Nordhausen. Neuf wagons contenant quatre V- 1 et de quoi assembler quatre V-2 sont expédiés en France, une misère. De même que la réalisation des EA-1941, l’assemblage des V- 2 est effectué par la Société pour l’Application Générale de l’Electricité et de la Mécanique (SAGEM) à Argenteuil.
Un premier tir de EA- 1941 a lieu à la Renardière au bord de la Méditerranée le 6 juillet 1945.

Les sites de lancement des V-1 et des V-2 du nord de la France sont visités par les Anglais et les Américains, mais les militaires français mettent un certain temps avant de prendre position sur l’intérêt et l’avenir des fusées. Si le turboréacteur B.M.W. et des ingénieurs du groupe dirigé par le Docteur Hermann Oestrich gagnent la France dès 1946, les V-2 et les archives que la France peut récupérer ne sont versés au Centre d’Etudes des Projectiles Autopropulsés (C.E.PA.) dirigé par le professeur Henri Moureu, assisté par un militaire, l’ingénieur en chef Jacques Lafargue, rattaché à la Direction des Etudes et fabrication d’Armement (D.E.F.A.) que tardivement, en 1947. Entre temps, Barré a construit une seconde fusée, très inspirée des V-2 : la fusée EA-1946 « Eole » pour Engin fonctionnant à l’Oxygène Liquide et à l’Ether de pétrole financée par l’Etat et construite par la SAGEM en octobre 1946, sous contrat de la D.E.F.A.

Dans le cadre de la récupération des scientifiques allemands ayant travaillé sur les missiles, le ministre de la guerre Edmond Michelet demande à la D.E.F.A. en mai 1946 la création d’un Laboratoire de Recherches balistiques et aérodynamiques (L.R.B.A.) à Vernon dans l’Eure. C’est là que les V-2 et la fusée EA-1946 sont assemblées et lancées. En 1947 et 1948, le L.R.B.A. recrute une centaine d’ingénieurs allemands qui sont salariés, logés par la France, souvent accompagné par leur famille, dans le but de création de missiles balistiques et de missiles sol - air. La France ne croit pas encore aux fusées balistiques.

Les ingénieurs allemands qui ont choisi de travailler en France mettrent au point les systèmes de guidage et de propulsion de plusieurs missiles. Les missiles filoguidés allemands résultant des prises de guerre qui sont testés avec peu de succès en France découragent l’état-major. Dans le domaine militaire, les travaux allemands vont cependant servir à la réalisation des missiles balistiques à tête nucléaires développés par la Société pour l’Etude et la réalisation d’Engins Balistiques (SEREB) en France à la fin des années cinquante. Dans le domaine civil, ils vont servir à réaliser les premières fusées-sondes françaises tirées depuis Colomb-Béchar en Algérie en 1952 et 1953 : Véronique, ainsi qu’au développement, plus tard, du moteur Viking de la fusée Ariane.

A la fin des années quarante, la France ne disposant pas de l’arme nucléaire – la pile Zoe n’existe que depuis décembre 1948 et la première bombe atomique française ne sera tirée que le 13 février 1960 - les premiers essais d’engins air – air se montrant très décevants, dès l’été 1948, cette politique d’exploitation des prises de guerre se ralentit au profit de recherche purement française. En 1951, la plupart des savants allemands venus travailler en France ont la possibilité de retourner en Allemagne, ou travailler sous contrat dans des entreprises françaises. Seule l’usine allemande de production des propergols installée à Vernon continuera de produire après 1951.

Le premier essai au banc de l’EA-1946 a lieu à Vernon le 4 février 1949. C’est un échec. Au second essai, le fusée explose, faisant trois morts. Une seconde fusée est réalisée en 1950, plus importante, sous le nom d’ « Eole ». Des essais au banc ont lieu en 1951. Le moteur développe 4 tonnes de poussée en mars, huit tonnes en septembre 1951.

En 1952, alors que les essais au point fixe se poursuivent à Vernon, on prépare les essais en vol d’Eole-1952 qui doivent avoir lieu en Algérie à Hammaguir au Sahara. Pour la première fois, le suivi des tirs est effectué par télémesure. La Société Française d’Equipement pour la Navigation Aérienne (SFENA) fournit les équipements de contrôle de bord.

Le 22 novembre 1952 a lieu le premier tir d’Eole. La fusée explose après six secondes de course. Le 24 novembre, le second tir donne le même résultat. Après ces essais peu concluants, la fusée de Barré est abandonnée au profit de Véronique. En effet, le L.R.B.A. a lancé avec succès la fusée Véronique-R dès le 2 février 1950. Avec trois mètres d’altitude, le succès français est modeste, il est vrai. La fusée ne pèse que 1020 kg, dont 125 kg d’acide nitrique et 35 kg de pétrole, mais elle est suivie en 1952-1953 de toute une famille qui va aboutir à des fusées de plus en plus lourdes, tandis que l’étude des moteurs à propergols liquides est entièrement reprise par la Société pour l’Etude de la Propulsion par Réaction (SEPR).

Véronique N3, le 22 mai 1952, atteint l’altitude de 60 kilomètres, et Véronique NA14, le 21 février 1954, atteint 135 kilomètres d’altitude. Le 18 juin 1960, Véronique AGI 25 devient un missile : la fusée porte une charge explosive. Désormais, la France est entrée dans l’ère atomique. En 1959, Barré abandonne la construction des fusées ; il entre comme ingénieur conseil à la SEREB et à la SNECMA. Le CNES, créé en 1960, va donner à la France ses « pierres précieuses » : Diamant, Emeraude, Rubis, qui aboutiront à la fin des années 1960 à Ariane. Mais ceci est une autre histoire.

Le der des der de V2 semble avoir été lancé en 1966.

 

D'après un article de Gérard HARTMANN

LES V2 en exposition

En Australie:
_ A4/V2 Australia PV Australian War Memorial, Treloar Centre Annex, à Canberra

_ A4/V2 RAAF Museum at Point Cook, à coté de Melbourne

En Angleterre:
_ A4/V2 (fusée coupé) au Imperial War Museum de Londres

_ A4/V2 au Science Museum, South Kensington, Londres

_ A4/V2 Defense Explosive Ordinance School, Chattenden

_ A4/V2 fusée avec son transporteur, Aerospace Museum, Cosford

_ A4/V2 Rocket au RAF Museum, Hendon

En France:
_ A4/V2 fusée réplique à la Coupole, un musée bunker sousterrain située dans le Pas-de-Calais, à 5 km de la ville de Saint-Omerau

En Allemagne:
_ A4/V2 complet au Deutsches Museum à Munich

_ A4/V2 en dépot au Luftwaffe Museum, Gatow

Aux pays Bas:
_ A4/V2 Leger en Wapenmuseum Generaal Hoefer, Delft

Aux USA:
_ A4/V2 fusée au White Sands Missile Park, White Sands, NM En cours de restauration au Cosmopshère au Kansas.

_ A4/V2 fusée, moteur et accélérométre au NASM, Washington, D.C.

_ A4/V2 avec son transporteurau U.S. Air Force Museum, Dayton, Ohio

_ A4/V2 fusée avec moteur au Kansas Cosmosphere and Space Center, in Hutchinson KS

_ A4/V2 au Marrshall Space Flight Center in Huntsville, AL

_ A4/V2 au U.S. Space and Rocket Center in Huntsville, AL

_ A4/V2 à Fort Bliss, El Paso, TX

Deux répliques sont aux Parks College, St. Louis (moteur) et au Leger en Wapenmuseum Generaal Hoefer, Delft, Netherlands (table de lancement et moteur).
D'autres éléments de V2 sont dispersés de part le monde comme le Space Center à Alamagordo, New Mexico, au Peenemünde Museum, à Koblenz, Germany, au Twenthe Museum près de Enschede, Hollande, au ARDEC Museum, Picatinny Arsenal, New Jersey (chambre de combustion), Dutch explosives demolision command EOC (chambre de combustion).
D'autres éléments sont exposés au Deutsches Museum Munich,  USAFM Dayton Ohio,  Belgium Military Museum Bruxelles, Prague, Tech-Museum Berlin, Space Murals Museum Las Cruces, Krakow Museum et  Dresden.

Un lien: Post War V2