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CHRONOLOGIE
SPACE SHUTTLE

1969

En ce début d' année, l' Amérique a les yeux rivés vers la lune. Le programme Apollo bat son plein, et d' ici la fin de l' année, deux américains auront foulé le sol lunaire. La mission Apollo 8 en décembre de l' année dernière a été un succès, il ne reste qu' à répéter les manœuvres avec le module lunaire autour de la terre et ce sera le grand jour. 
En ce mois de janvier, l' homme pense aux futures bases lunaires qui seront construites dans les prochaines années. La NASA aussi y pense. L' office des vols habités de Houston, OMSF, sous la direction de Georges Muller a battit des scénarios pour les prochaines décennies, une base permanente sur la lune et l' exploration de Mars. On parle de stations orbitales autour de la terre et autour de la lune. Les liaisons permanentes entre Cap Kennedy et l' espace se faisant à l' aide d' un engin réutilisable, la navette spatiale. Richard Nixon, le nouveau président des Etats Unis prend ses fonctions à la maison blanche, il demande à son vice président Spiro Agnew un rapport sur les plans à long termes de la NASA, en matière de vols habités.

En février, la NASA passe des contrats d' études d' un montant de 2 500 000 $ chacun à General Dynamics, Lockheed, Mc Donnel Douglas (MDD) et North Ameriacan Rockwell (NAA) pour la phase A d' un engin réutilisable avec Martin Marietta en compagnie de fond. Le centre de Langley contrôle le contrat avec MDD, le centre Marshall celui de Lockheed et General Dynamics et le centre de Houston celui de NAA. Dans tous les cas, sur les quatre contrats, seuls deux subsisteront pour la phase B. Dans ses contrats, la motorisation n' est pas comprise, elle fait l' objet de contrats à part donnés à Rocketdyne (division de NAA) et Pratt & Witney en 1968 pour la phase A. Le cahier des charges prévoit un moteur avec tuyère à deux positions et 7 degrés de liberté sur deux axes. La poussée variant de 236 à 204 tonnes avec modulation de poussée entre 73 et 100% affin de limiter les charges " g " sur l' ensemble du véhicule. 

Le 9 février, le Pt Nixon charge son conseiller scientifique Lee du Bridge de préparer un rapport sur les futurs programmes spatiaux américains pour septembre 1969. Ces programmes devront être compatible avec un budget réduit. Deux groupes sont crées à la NASA, l' un s' occupera des stations orbitales, l' autre, dirigé par Georges Mueller s' attachera au projet de transporteur spatial. 

Le groupe de travail navette, le SSTG (Space Shuttle Task Group) présidé par Leroy Day se charge d' étudier le rôle que pourra jouer le Shuttle dans le futur programme spatial américain. Son rapport remis en juillet propose 6 missions :
_ Support logistique entre la terre et une station orbitale proche de la terre ( transport d' équipage, expériences scientifiques, ravitaillements en carburant).
_ Mise en place et récupération de satellites en orbite.
_ Livraison en carburant de satellite en orbite proche.
_ Maintenance et service des satellites en orbite proche.
_ Livraison de charges utiles en orbite basse.
_ Mission de courte durée en orbite.

Ces missions impliquent un véhicule partiellement ou complètement réutilisable, capable de réaliser ses différentes missions avec un impact positif sur l' économie. Le comité recommande que des études soient entreprises sur :
_ Les systèmes partiellement ou complètement réutilisables.
_ Les boosters pilotés contre les boosters non pilotés.
_ Les " Lifting body " contre les avions ailés. 
_ Les systèmes de propulsion standard contre les nouveaux.
_ Un petit déport latéral (400 km) ou un grand ( plus de 2300 km) pour les missions du Department of Defense (DoD).
_ Une petite (6000 kg) ou une grande charge utile (20 000 kg) encore basée sur les missions du DoD. 
_ Un lancement verticale ou horizontal 
et enfin
_ Une propulsion à étage ou en parallèle.

A ce stade aucune forme pour l' Orbiter n' est retenue. Maxime Faget du Manned Spaceflight  Center (MSC) de Houston propose une aile simple tandis que l' Air Force elle propose l' aile delta. Le déport latéral est aussi un problème. Il propose un petit déport pour des considérations de sécurité et l' Air Force un grand déport pour ces profits de missions. Le MSC préfère une petite charge utile avec moins de 6000 kg mais des considérations économiques font passer ce seuil à 10 000 kg. 
A ce moment, le SSTG se prépare à désigner les futures configurations du "Space Shuttle", la navette spatiale. Le Class 1 qui retient un véhicule réutilisable propulsé par fusée Titan ou Saturn a l' avantage d' un coût de développement plus faible. Le Class 2 comprend un véhicule à un étage et demi avec un Orbiter récupérable et des réservoirs largables. Enfin le Class 3 prévoit un véhicule entièrement réutilisable le TSTO. 

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North American conduit une étude des grandes lignes de l' engin le plus économique ; Mc Donnel Douglas s' intéresse à différents types de véhicules récupérables ; Lockheed s' attache au concept de l' engin à un étage et demi, tandis que General Dynamics s' interroge sur l' intérêt de la récupération de l' étage inférieur d' une navette. De son coté, l' USAF sollicite 12 firmes pour des études similaires. L' objectif est de disposer pour 1974 d' un véhicule désigné ILRV, Integral Launch & Rentry Vehicle qui permettrait de satelliser 23 tonnes ou 12 hommes pour le soutien logistique d' une station orbitale à moins de 100 $ le kg emporté.

Avril, la NASA et l' USAF signent un accord pour effectuer en commun des études de véhicules spatiaux. L' influence du DoD se manifestera dans certains choix techniques. 
Le 21 avril, la NASA crée un groupe de travail Shuttle à Houston, présidé par Leroy E Day pour guider les industriels dans la phase A. Une douzaine d' agences aérospatiales sont contactées.

PHASE A 
projet Mc DONNEL DOUGLAS
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MDD présente le projet Class 1 nommé MURP par la NASA. En forme de Lifting body, il est dérivé d' une configuration NASA du début en utilisant des ailerons à géométrie variable pour la stabilité en mode transsonique et subsonique. Des siéges pour 10 passagers et un équipage de 2 astronautes sont installés au sommet de la soute charge utile. Quatre fusées de secours permettent l' éjection de la cabine en cas de vol avorté et sa descente par parachute. La soute occupe la plus grande partie du véhicule. Un unique moteur turbojet de 6680 kg de poussée situé à l' arrière du centre de gravité assure les manœuvres de retour avorté jusqu' à l' atterrissage. Le train d' atterrissage et la protection thermique sont du type de celle utilisés par le X 15. Le concept du MURP sera rejeté à cause d' un manque de visibilité au retour et d' une mécanique fragile pour les ailerons. 
Le rapport final est terminé en novembre, après plus de 30 configurations de véhicules proposées. 

PHASE A 
projet NORTH AMERICAN
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Les recherches phase A de NAA sont divisées en deux parties, avec les deux premiers mois dédiés aux comparaisons économiques du système réutilisable avec lanceurs classiques. La seconde partie est consacrée aux études sur deux étages réutilisables utilisant les mêmes formes pour l' Orbiter et le lanceur avec une voilure en travers. Cette configuration générale avait été conçue par Maxime Faget au MSC. Tel qu' il était envisagé le véhicule peut emporter 5000 kg en orbite basse avec un lancement vertical, l' Orbiter étant monté sur l' avant du lanceur, l' ensemble pesant 1 800 000 kg. Le lanceur mesure 61 m de long avec ses réservoirs LH2 et LOX de part et d' autre de la soute (4,5 x 18 m), la voilure classique et droite a 44 m d' envergure. 
La version de base de l' Orbiter comprend un stabilisateur horizontal du type delta qui a été remplacé par des ailes droites. La propulsion est assurée par deux moteurs en queue de 204 000 kg. Quatre moteurs turbojets P&W JT3D 7 montés sur la voilure assurent l' atterrissage et les opérations de convoyage. 
Dans la cabine du type avion de ligne prennent place deux pilotes et derrière 10 passagers. 
Le booster lanceur lui mesure 85 de long pour 74 m d' envergure. 11 tuyères du même type que celle utilisé sur l' Orbiter équipent l' étage ainsi que 4 moteurs turbojets P&W JT9D 15. 
Le développement du matériel est prévu sur 4,5 ans avec la construction de 6 véhicules pouvant réaliser 50 vols par an. 200 personnes seraient chargées au sol de la maintenance entre les vols. 

PHASE A projet LOCKHEED 
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La division système spatiaux Space System Division de Lockheed Missiles & Space Cie remet son rapport phase A le 22 décembre. Fort de 10 ans d' étude sur les véhicules réutilisables, la firme a développé plusieurs concepts dont un véhicule à un étage et demi utilisant un réservoir externe au début des études RLC/ IRLV et le Triamese, un véhicule à trois éléments de la même taille.
Dès le début de son étude, Lockheed abandonne le concept réservoir externe et mise sur quatre véhicules de base à deux étages et le Triamese dissymétrique avec des charges utiles de 10 à 20 000 kg chacun. A l' exception du projet Star Clipper tous les modèles étudiés sont du type Class 3. 

PHASE A projet 
GENERAL DYNAMICS-CONVAIR
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General Electric remet son rapport le 31 octobre avec un véhicule centré autour de deux concepts appelés FR 3 A et FR 4. Chaque engin comporte une soute de 4,5 m par 18 capable d' emporter 20 000 kg de charges utiles. Vers la fin des études, la NASA demande une soute de 6,6 m par 9, ce qui sera possible en modifiant le FR 4 facilement. 

20 juillet, avec la mission Apollo 11, l' homme débarque sur la lune. Neil Armstrong et Edwin Aldrin se baladent sur le sol lunaire suivis par des millions de téléspectateurs dans le monde.
" C' est un petit pas pour l' homme, un bond de géant pour l' humanité" déclare Armstrong.

Août, examen préliminaire des dossiers phase A fournis par les industriels.

Le vice président Agnew remet son rapport au Président Nixon. La seule conquête de la planète Mars nécessite un budget annuel de 8 milliards de $ sur minimum 5 années. Le président refuse tout net.
Apollo 11 a permit de gagner la course à la lune, de battre les Soviétiques, une pause s' impose.
Par ailleurs, les problèmes à l' intérieur du pays, et la guerre du Vietnam sont beaucoup plus important que l' exploration de l' espace.

Le concept de véhicule réutilisable destiné à un accès routinier à l' orbite basse fait partie de l' ambitieux programme Post Apollo déposé en début d' année. Il sera rapidement mis en avant après le succès d' Apollo 11 en juillet. 
Ce programme Post Apollo part sur trois axes:
_ 8 à 10 millions$ par an pour un programme de conquête de la planète Mars, une station orbitale en orbite lunaire, une station orbitale de 50 personnes en orbite terrestre servit par une navette spatiale réutilisable.
_ Un programme intermédiaire d' un coût inférieur à 8 millions$ par an délaissant la station lunaire.
_ Un programme modeste de 5 millions$ par an comprenant la station orbitale en orbite terrestre et la navette spatiale.

Quand le Pt Nixon le refuse en bloc, la NASA essaie de mettre en avant la navette spatiale comme le seul projet économiquement viable capable de faire travailler l' industrie américaine pendant les années 1970 et de servir de point de départ à la station orbitale malgré le contexte du Vietnam et la récession économique.

Le Space Shuttle devient le nouveau système de transport spatial avec comme but la capacité économique de placer des charges utiles, équipages, matériels et autres vaisseaux spatiaux en orbite en réduisant les coûts de mise en œuvre par rapport aux systèmes actuels. Le comité continuant sa revue de faisabilité en recommandant divers changements de direction en fonction des demandes de la NASA et du DoD.

Octobre, la NASA prend connaissance de son budget pour l' année 1971. Avec seulement 3,4 milliards de $, il marque une nette dégringolade par rapport aux années précédentes. Même si les crédits du Shuttle passent de 12,5 à 70 millions de $, l' administrateur Tom O Paine en tire rapidement les conséquences. Les plans de voyage sur Mars et la colonisation de la lune sont supprimés. La grande station orbitale terrestre, d' une capacité de 50 personnes, laisse place à une petite station réalisée avec le reste du matériel Apollo, seul le Shuttle se voit accorder une priorité.

16 et 17 octobre, la NASA organise un symposium à Washington dans l' auditorium du Smithsonian Muséum of Natural History sur la navette spatiale. Plus de 100 spécialistes représentant la NASA, l' USAF, les grandes firmes américaines et certains pays étrangers dont la France y participent. Sur la base des études de phase A et du rapport Du Bridge, 30 rapports sont présentés traitant de la modélisation du véhicule, de la conception du moteur et des techniques annexes.
Suivants les spécifications de la NASA, la plupart des projets concernent un véhicule bi étage piloté, entièrement réutilisable, décollant verticalement, brûlant hydrogène et oxygène liquide. L' étage booster a la taille d' un avion Galaxy C5A avec 10 moteurs fusées de 180 tonnes de poussée chacun, il mesure 90 m de haut contre 50 m pour l' étage orbital, sur 35 m d' envergure. Le poids total au décollage est proche de 1800 tonnes. La charge utile contenue dans une soute ayant 4,5 m de diamètre pour 18,3 m de long, atteint 22 tonnes sur orbite circulaire à 500 km d' altitude. Estimé à 10 milliards de $, contre 5 milliards une année auparavant, le programme doit aboutir à une mise en service opérationnelle vers 1977.

Les quatre firmes qui avaient reçu des contrats de phase A présentent des projets différents par la géométrie : ailes delta pour Lockheed, ailes droites pour North American et MDD, géométrie variable pour General Dynamics avec la modernisation de son Triamese en Biamese. Trois sociétés se joignent à titre privées aux précédentes : 
Martin Marietta qui propose un booster bi-fuselage jumelé par deux ailes droites style F 82 Twin Mustang avec un second étage delta ; General Electric qui préconise l' utilisation de deux véhicules identiques puis Grumman Aerospace. Tous, à l' exception de North American propose un lifting body. 
Mc Donnel Douglas adopte une configuration issue du Northrop HL 10, avec le véhicule lanceur à ailes delta. Lockheed, comme MDD propose aussi un véhicule lanceur à ailes delta. North American est le seul à proposer pour chaque étage, un avion à voilure droite, placée en position basse sur le fuselage, et d' un empennage classique.

En cette fin d' année, la NASA dispose de cinq rapports d' études phase A.

Dans les mois qui suivront les constructeurs se regrouperont pour mieux répondre aux appel d' offres de la NASA, qui compte désigner 3 groupes industriels auxquels des contrats de 8 millions de $ seront remis pour effectuer les études de phase B, études d' avant projet d' une durée de 11 mois.

Boeing et Lockheed annoncent leur coopération avec un groupe de 8 sociétés, dont TWA.
MDD (véhicule orbital) s' associe à Martin Marietta (booster), TRW (avionique) et PanAm (maintenance et logistique).
North American (véhicule orbital) fait équipe avec General Dynamics Convair (booster), IBM et Honeywel (avionique).
En février 1970, Grumman jusqu' alors solitaire se joindra à General Electric, Eastern Airlines et Northrop.

Scan Dennis Jenkins