RETOUR A LA PAGE D'ACUEIL

CHRONOLOGIE ARIANE

LA STATION METEO DU CSG

station meteo.jpg (506943 octets)

Quand on parle météo à Kourou, mieux vaut connaître la ZIC par cœur. Sinon, son air viendra de toute façon se rappeler à votre souvenir, bon ou mauvais. La ZIC, zone intertropicale de convergence. « Elle est un peu à la Guyane ce que l’anticyclone des Açores est à l’Europe », déclare Isabelle Donet, responsable de la station météo du CSG. Une réputation qui a fait froid dans le dos de plus d’un lancement.

La ZIC est ici l’équateur météorologique, faisant alterner saison sèche, quand elle se situe au nord de la Guyane, et saison des pluies quand elle migre vers le sud. Pas question cependant d’en tirer des conclusions hâtives, car comme le souligne Isabelle Donet, « il n’y a pas vraiment de saison propice aux lancements, dans la mesure où les critères se contredisent ».

Si l’on prend en compte la foudre par exemple, la saison des pluies est évidemment la plus délicate. Mais en fonction des vents en altitude, suivant si l’on tire vers le nord ou vers l’est, les saisons les plus intéressantes ne vont pas être les mêmes. Et puis, « on est en zone tropicale, les phénomènes météo sont très amplifiés par rapport à la métropole. On peut se trouver en saison sèche, avoir un ciel clair le matin, et très rapidement, un orage va se déclencher pour disparaître aussi vite », résume Isabelle Donet. Restera alors à rechercher une éclaircie...

Avant d’émettre un jugement global, il faut donc analyser tous les critères un par un. Et les recouper. Le plus contraignant est sans doute la foudre, à bannir dans un rayon de 10 kilomètres autour des ensembles de lancement, sachant qu’un éclair peut se propager sur cette distance et frapper le lanceur. Toujours dans un rayon de 10 kilomètres, la météo ne tolérera pas de nuages dont le sommet dépasse 5000 mètres. Explication d’Isabelle Donet : « On a une décroissance de la température en fonction de l’altitude avec 0ºC vers 5000 mètres, d’où la formation potentielle de glace. Qui dit glace dit frottement, donc électricité statique. Un nuage dépassant 5000 mètres est ainsi chargé en électricité. Or, le lanceur et son panache de gaz correspondent à un conducteur de 600 mètres, qui peut déclencher artificiellement la foudre ». CQFD. Une démonstration dont a d’ailleurs pâti une Atlas Centaure, en 1986 aux Etats-Unis.

Quand il est en ZL, le lanceur est exposé au risque de foudroiement au sol. Quatre grands mâts paratonnerres reliés entre eux à leurs sommets par un câble électrique forment une immense cage de Faraday, protégeant tout ce qu’ils entourent des champs électriques. Seul ombre au tableau, cette protection est inopérante lors des transferts entre les bâtiments et la ZL. On veillera a avoir un champ électrostatiques de moins de 1kV-m pour réaliser ces opérations. Pour les campagnes Soyouz, le composite supérieur doit parcourir 13 km entre la ZL et l'EPCU. En cas d'orages, le suyl lieu de protection est une cage de Farday de fortune mis en place sur le sité d'observation Colibri, 5 km avant la ZLS. La mesure des champs au sol est réalisée par une dizaine d'appareils autour du CSG, les Moulins A Cage, relié à la station météo sur la route de l'espace.

 Toujours à cause des risques de foudre en vol, même sanction, mais élargie à 20 kilomètres, pour ce qu’on appelle les « enclumes de cumulo-nimbus », ces gros nuages d’orages qui finissent, très haut en altitude, par s’étaler. Très actives électriquement, ces « enclumes » seraient trop dangereuses à la verticale du pas de tir. Autre critère pouvant entraîner un rouge météo : les vents au sol, susceptibles de déstabiliser le lanceur. Le vent moyen ne doit pas être supérieur à 10 mètres/ seconde pour Ariane 5, un peu moins pour Soyouz. Le vent en altitude pourrait disperser les débris sur une distance très importante en cas d'explosion en vol. A chaque lancement, le CNES réalise donc des lâchers de ballons depuis une petite aire de lancement située à deux pas de la station météo. Equipés de divers capteurs, ils permettent d’établir un profil de vents jusqu’à 30km d’altitude. Le CNES avec les gens de la sauvegarde ont aussi réalisé des « modèles de dislocation » pour chacun des trois lanceurs de la gamme (Ariane 5, Soyouz-ST et VEGA), permettant de prédire avec précision de quelle façon les ergols se disperseraient en cas d’explosion. Cette "tache de retombée" délimite la zone dangereuse. Si elle recouvre une zone habité, le lancement pourra être ajourné, le temps de redéfinir une zone moins risquée pour la population.

 « A la différence des critères de foudre, à l’origine de nombreux reports, celui-là nous pose moins de problèmes car la Guyane est plutôt épargnée par les tempêtes », remarque Isabelle Donet. Contre toute attente, la pluie n’est pas un critère dont on va tenir compte pour le lancement, à la différence par exemple du vent à la plage de Kourou, directement lié à la Sauvegarde. Il s’agit d’éviter qu’en cas d’explosion, ces vents ne portent les retombées toxiques. La pluie est un risque pour le lanceur Soyouz, car utilisant de l'oxygène liquide refroidit à -180°C, cette eau peut former une couche de glace de plusieurs centimètres d'épaisseur sur les parois du lanceur et au moment du décollage, en tombant peuvent endommager des câbles. Le CNES a mis en place un critère d’interdiction de lancer si les précipitations au cours des 90 minutes précédant le H0 dépassent les 25mm, le lanceur n'étant plus protéger par sa tour de service.

Pour faire leur diagnostic, les ingénieurs météo disposent d’une douzaine d’équipements. Le principal est le nouveau radar Doppler Romuald. Situé sur la Montagne des Pères et commandé à distance, il permet de restituer tous les échos précipitants dans un rayon de 400 kilomètres, au lieu de 200 avec l’ancien qui tournait par ailleurs beaucoup moins vite. Quant à la foudre, elle sera détectée dans un rayon de 100 kilomètres par le système Safir, via trois antennes. Un système par triangulation qui permet de reconstituer les chemins d’éclairs.

Juchée tout en haut de la Montagne des Pères, à quelques kilomètres de Kourou sur la route de Cayenne, la station météo du Centre Spatial Guyanais vient de se doter en 2001 d'un nouveau radar plus performant, d'une portée de 400 kilomètres et capable de fournir au centre Météo-France de Cayenne-Rochambeau des données de précipitations toutes les 5 minutes.

ROMUALD couvrira les zones habitées du littoral, de Saint-Laurent aux frontières du Brésil, tout en assurant pour le Centre Spatial Guyanais un rôle essentiel de prévision météo lors des lancements Ariane. Après 15 ans de bons et loyaux services, le vieux Rodin (à gauche sur la photo aérienne), qui a vu passer 37 mètres de pluie au cours de sa longue vie, laisse la place à un outil très performant utilisant les techniques les plus modernes : une rotation d'antenne 7 fois plus importante, des données en trois dimensions, et une mise à jour des informations très rapide.

station meteo romuald 02.jpg (712897 octets)

Isabelle Donet, responsable de la section météo du CSG, ne cache pas son plaisir de travailler avec «un outil plus convivial dans l'utilisation et dans le traitement des images, et capable de fournir une image en 10 angles différents toutes les 5 minutes, ainsi qu'un diagnostic amélioré pour les pannes». La nécessité du "feu vert météo" ne se limite pas aux lancements : la station météo est également sollicitée pour les déplacements des satellites, manipulations d'ergols, etc...

Financé par l'Agence Spatiale Européenne (ESA) et le CNES à hauteur de 1,67 millions d'euros, dont une subvention d'équipement de 410 000 euros de Météo-France, qui elle-même a reçu une aide de la Région Guyane, Romuald a été réalisé sous la maîtrise d'oeuvre du CNES, direction des lanceurs Ariane, sous-direction sol. D'une durée de vie estimée à 10 ans, Romuald doit être d'ici 2004 intégré dans un ensemble comprenant neuf radars qui constitueront un réseau couvrant la Grande Caraïbe pour mieux prévoir les pluies intenses et les cyclones.

La station météo du Centre Spatial Guyanais, située au sommet de la Montagne des Pères, est alimentée en eau par une source d'une exceptionnelle pureté, autrefois mise en valeur par les pères jésuites qui y ont laissé des vestiges. Nous nous sommes promis d'y retourner voir, en suivant les conseils des techniciens du site : avec machette et protection contre les serpents.

Pour les vents en altitude, la station météo va effectuer des radiosondages. Le principe : on gonfle un ballon dilatable qui va s’élever jusqu'à 30 kilomètres d’altitude, avant d’éclater, sa taille de départ (1,5 mètres de diamètre) étant alors multiplié par dix. Entre-temps, la sonde qu’il entraîne, via une corde de 60 mètres de long, aura accumulé des informations sur la pression, la température et l’humidité. Cette opération se répétera à H0-10h, -7h et -2h. A H0-10 minutes, l’équipe météo rendra son dernier rapport, avant d’aller dans un abri durci. A moins de trois kilomètres du lanceur, on ne sait jamais. Mais la mission n’est pas finie pour autant : 30 minutes après le lancement, un ultime radiosondage va être effectué, avec un ballon différent, la jimsphère. Son principal atout : un revêtement aluminisé qui lui permet d’être réfléchissant pour les radars de poursuite. S’il y a eu braquage de tuyère, par exemple, on saura si le vent est responsable.

La dernière version du système SYNERGIE de Météo-France permet aujourd’hui un accès intégré et convivial aux différentes données nécessaires à l’élaboration des prévisions météorologiques. Tout comme un DDO, il concentre les informations pour en tirer des conclusions et aider à la décision. Installé au service météo du Cnes/CSG, ce système réactualisé a notamment été mis à contribution à l’occasion du Vol 159. Explications.
Pour pouvoir réaliser la meilleure prévision possible, le météorologiste doit pouvoir accéder à toutes ces données de façon intégrée et conviviale. C’est ce que permet le système SYNERGIE, développé et régulièrement actualisé par Météo-France, depuis plus de 10 ans. Suite à une proposition de collaboration de Météo-France, le Centre Spatial Guyanais s’est donc doté de la toute dernière version de SYNERGIE, qui a été implantée et qualifiée à la station Météo fin novembre 2002.

Le système SYNERGIE du CSG est structuré en deux stations serveurs, qui reçoivent et stockent toutes les données émises depuis Météo-France Toulouse et Rochambeau, et deux stations clientes bi-écrans qui permettent le traitement, la visualisation et l’animation des produits disponibles.

Coté modèles, SYNERGIE reçoit et traite les prévisions de 3 modèles globaux sur Kourou :

-Les prévisions du modèle ARPEGE de Météo-France, reçues 4 fois par jour et dont les échéances sont accessibles toutes les 6 heures, jusqu’à une échéance maximale de 96 heures (prévision à 4 jours);

-Les données du modèle du Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), reçues et utilisées pendant les périodes de chronologies de lancement une fois par jour, jusqu’à une échéance maximale de 168 h (prévision à 7 jours);

-Enfin, le modèle américain VSAT, également reçu 4 fois par jour.

Les paramètres météorologiques prévus et les niveaux accessibles en altitude sont multiples : pression au niveau de la mer, température de l’air, direction et force du vent, humidité à différentes altitudes, quantité de précipitations prévues, qu’elles soient stratiformes ou convectives…

Coté observations, SYNERGIE reçoit simultanément :

-Les observations au sol et en altitude du monde entier, toutes les heures;
-Tous les messages d’alerte de la région Caraïbes;
-Les images des satellites météorologiques géostationnaires GOES et METEOSAT, toutes les demi-heures, ainsi que des satellites héliosynchrones américains NOAA et DMSP.

Toutes ces données peuvent être visualisées, combinées et animées de façon synchrone sur les différents écrans des stations clientes SYNERGIE. Quelques exemples de visualisation sont présentés pour illustrer la gamme des produits possibles.

Quelques semaines après sa qualification opérationnelle, le nouveau système SYNERGIE a largement été mis à contribution lors de Vol 159, pour obtenir des informations météorologiques cruciales, à la veille du lancement.

J-1 Vol 159 : Au cours de l’exposé météorologique de 18 heures devant les Directions du CSG et d’Arianespace, les données mesurées en altitude à Kourou lors du radiosondage de 12 heures sont comparées à l’analyse du modèle météorologique ARPEGE. Ce modèle, très cohérent avec la réalité, restitue fidèlement l’alizé de Nord-Est fort dans les basses couches, les conditions de beau temps, avec la ZIC largement au sud de la Guyane, et le profil vertical du vent, avec deux niveaux de cisaillement clairement et correctement identifiés.

A l’issue de l’exposé, ainsi que des réunions équivalentes des deux jours suivants, la cellule de direction décide de ne pas engager la chronologie de lancement, les conditions de vent en altitude ne permettant pas d’envisager un lancement au H0.

Ce n’est que le 14 février que les conditions seront réunies, d’un point de vue critères météorologiques, pour engager la chronologie finale Vol 159, qui aboutira au lancement réussi de la dernière Ariane 4 à 04h00 locales le 15 février 2003.

Les critères météo pour un lancement d'Ariane :

Critère C1 : Pas de risque de foudre au sol, dans un rayon de 10 km autour de l'Ensemble de Lancement à H0.
Critère C2 : Pas de nuage convectif dont le sommet dépasse les 5000 mètres dans un rayon de 10 km autour de l'Ensemble de Lancement à H0.
Critère C3 : Pas de nuage de type Cirrus, issu d'un Cumulonimbus, à la verticale de l'Ensemble de Lancement, si la cellule-mère est à moins de 20 km de celui-ci à H0.
Critère vent au décollage : Vitesse du vent sur 10 minutes, à 35 mètres, inférieure à des valeurs liées à la direction moyenne de celui-ci, à la version du lanceur et à l'avancement de la chronologie.
Critère vent à la station Isabelle de Kourou Plage : Vitesse perpendiculaire à la limite de nuisance à la plage de Kourou inférieure à un seuil fixé par la sauvegarde vol à chaque lancement selon la masse d'ergols embarquée et la trajectoire du lanceur.
Critère vent en altitude : A partir d'un profil vertical du vent (du sol à 30 km), utilisé dans le logiciel de calcul des tâches d'impact de la sauvegarde vol, un critère vent en altitude est déterminé pour garantir la protection des zones habitées en cas d'explosion du lanceur.

D'après un article de Latitude 5, le magasine du CSG

Station météo du CSG et ses radars aout 2021: RODIN (en jaune sur la photo) mis en œuvre en 1986 et ROMUALD (Montagne des Pères) depuis 2000, bientôt rejoints par ROMEO (radôme blanc)