L'Agence Spatiale Européenne a décidé le
programme Giotto en 1981. La sonde Giotto a été lancée par une fusée Ariane,
le 2 juillet 1985. Elle a été placée sur une orbite de transfert
géostationnaire, puis injectée sur une trajectoire lui permettant d'atteindre
la comète de Halley le 13 mars 1986, avec une vitesse relative de 68 km/s et à
une distance du noyau de l'ordre de 500 km.
En 1705 Edmond Halley
prédit, en utilisant les lois nouvellement formulées de la mécanique
céleste de Newton, que la comète vue en 1531, 1607, et en 1682
retournerait en 1758 (ce qui fut, malheureusement, après sa mort). La
comète est en effet retournée comme prévu et plus tard elle fut
nommé en son honneur.
La période moyenne de l'orbite de la
comète de Halley est de 76 ans mais vous ne pouvez pas calculer les
dates de ses retours simplement en soustrayant des multiples de 76 ans
à l'année 1986. Le champ gravitationel des planètes principales
change la période orbitale de révolution en révolution. Les effets
non-gravitationnels (comme la réaction au gaz évaporé pendant son
passage près du Soleil) jouent également un rôle important, mais
moindre, dans les variations de l'orbite. Entre les années 239 avant
Jésus-Christ et 1986 après Jésus-Christ la période orbitale a
changé de 76.0 années (en 1986) à 79.3 années (en l'an 451 et en
l'an 1066). (Le passage au périhélie le plus près de l'ère de Jésus
est 11 avant J-C et 66 après J-C. Ni l'un ni l'autre des deux
événements n'a eu lieu durant la vie de Jésus.)
L'orbite de Halley est rétrograde et
inclinée de 18 degrés de l'écliptique. Et, comme celle de toutes les
comètes, elle est fortement excentrique.
Seulement trois comètes ont été
visitées par un vaisseau spatial. Le vaisseau ICE de la NASA a
traversé la queue de la comète Giacobini-Zinner en 1985; la comète
Grigg Skjellerup a été visitée par Giotto en 1989. En 1986, cinq
vaisseaux spatiaux de l'URSS, le Japon, et la Communauté Européenne
ont visité la comète Halley; le vaisseau Giotto de l'ASE a obtenu des
photos en gros plan du noyau de Halley.
Le noyau de la comète Halley est
approximativement de 16x8x8 kilomètres.
Contrairement à toutes les attentes, le
noyau de Halley est très sombre: son albédo est d'environ seulement
0.03 le rendant plus foncé que le charbon et un des objets les plus
foncés dans le système solaire.
La densité du noyau de Halley est très
basse: environ 0.1 gm/cm3 indiquant qu'il est probablement poreux,
probablement parce que c'est en grande partie la poussière restante
après que glace ce soit sublimé.
Halley est une comète presque unique en
ce fait qu'elle est grande et en activité et qu'elle possède une
orbite régulière et bien définie. Ceci en a fait une cible
relativement facile pour Giotto et les autres mais peut ne pas être
représentative des comètes en général.
La comète de Halley reviendra à
l'intérieur du système solaire en l'an 2061. |
Giotto a rempli tous les objectifs de sa
mission :
_ obtention d'images du noyau de la comète;
_ identification des composants volatils et des processus physico-chimiques qui
se développent dans la chevelure;
_ détermination de la composition des poussières; étude de l'interaction de
la comète avec le vent solaire.
Saine et sauve après sa traversée de la
chevelure de la comète de Halley, Giotto a été placée en hibernation.
Réveillée en 1990, elle s'est avérée toujours opérationnelle. Elle a pu
étudier avec succès la comète P/Grigg-Skjellerup en 1992. Placée sur une
orbite la conduisant en direction de la Terre, la sonde Giotto est actuellement
en hibernation, elle possède encore le carburant nécessaire pour être à
nouveau activée en 1999, 14 ans après son lancement.
En dépit de quelques dommages survenus lors
de la rencontre avec la comète de Halley, les données obtenues au cours des
deux missions successives sont d'une qualité qui surpasse les espérances des
chercheurs. La mission Giotto peut être considérée aujourd'hui comme l'un des
plus grands succès des programmes spatiaux européens. Elle a ouvert la voie à
un nouveau programme européen plus ambitieux encore : Rosetta.
La sonde Giotto était
basée sur le satellite de recherche en orbite terrestre GEOS, les deux
ayant été construits par British Aerospace à Bristol (GB). La
modification la plus significative fut l'ajout d'une protection contre
les particules de poussières projetées sur le sonde à grande vitesse
au moment de la rencontre avec la comète.
Par rapport aux sondes
spatiales standards, la sonde de 960 kg Giotto était d'une taille
modeste. Le corps principal était un cylindre court de 1,85 m de diamètre
pour une hauteur d'environ 1,1 m. Il contenait trois plates-formes intérieures
: la plate-forme supérieure (haute de 30 cm), la plate-forme principale
(40 cm) et une plate-forme d'expériences (30 cm). Chacune d'entre elle
consistait en un disque à l'intérieur du cylindre sur lequel étaient
montés divers sous-systèmes et expériences scientifiques. En haut du
cylindre se trouvait un trépied qui encerclait une antenne parabolique
à grand gain de 1,5 m de diamètre et qui donnait à la sonde spatiale
une hauteur totale de 2,85 m. Le moteur fusée principal était
positionné au centre du cylindre avec la tuyère dépassant du fond.
Le problème le plus
difficile à résoudre fut comment assurer que Giotto survivrait assez
longtemps pour prendre ses photographies au plus près du noyau cométaire
alors que la sonde et la comète se dirigeaient l'une vers l'autre à
une vitesse combinée de 245 000 km/h (ce qui équivaut à traverser
l'Océan Atlantique en 11 minutes). A cette vitesse, une particule de
poussière de 0,1 g est capable de pénétrer dans 8 cm d'aluminium.
Comme qu'il n'était pas question d'équiper Giotto d'un bouclier en
aluminium de 600 kg, les ingénieurs se sont tournés vers un design
plus subtile basé sur une structure en sandwich proposée pour la première
fois par l'astronome américain Fred Whipple en 1947, bien avant le début
de l'ère spatiale.
Le bouclier anti-poussières
de la sonde consistait en deux feuilles de protection éloignées de 23
cm. A l'avant se trouvait une feuille d'aluminium (de 1 mm d 'épaisseur)
qui vaporiserait les particules arrivantes, excepté les plus grosses. A
l'arrière, une feuille de Kevlar épaisse de 12 mm absorberait tout ce
qui avait franchit la première barrière. Ensemble, ces barrières
pouvaient contenir des impacts de particules pesant jusqu'à 1 gramme et
voyageant 50 fois plus vite qu'une balle de pistolet.
L'énergie électrique était
fournie par des panneaux solaires constitués de 5032 cellules en
silicium entourant le cylindre extérieur. Elles délivraient 190 Watts
lors de la première rencontre cométaire. Quatre batteries
argent-cadmium étaient disponibles en secours et servaient aussi quand
la sonde était dans l'ombre.
La sonde était stabilisée
en rotation (à 15 tours / seconde). Durant la rencontre avec la comète
de Halley, la sonde a fait son approche avec le bouclier et son axe de
rotation pointant vers le noyau. Son antenne disque pointait continûment
vers la Terre pour assurer des communications sans interruption.
D'une masse de 960 kg, elle était destinée
à étudier la chevelure interne et le noyau de la comète. Stabilisée
par rotation autour de l'axe tangent à la trajectoire de survol, elle
était dotée d'un bouclier protecteur à deux couches, l'une pour
vaporiser les grains de poussières rencontrés, l'autre pour arrêter
les gaz résultants. Les instruments embarqués comprenaient : une
chambre photographique à petit champ (1 m de focale, 16 cm de diamètre),
trois spectromètres de masse, deux analyseurs de plasma, un détecteur
d'impact de poussières, une sonde optique photopolarimétrique, un magnétomètre
et un détecteur de particules. |
L'importante participation des laboratoires
français au programme Giotto est résumée dans le tableau ci-dessous.
Instrument Participation française
Laboratoires
Caméra Télescope LPSP
Spectromètre Détecteurs LGE
Analyseurs d'impacts de particules
Détecteur capacitif DERTS
Senseurs d'ions aucune aucun
Spectromètre ionique aucune aucun
Analyseur de plasma Maîtrise d'oeuvre CESR
Photopolarimètre gaz-poussière
Maîtrise d'oeuvre Service d'Aéronomie
Spectromètre de masse
Poussières aucune aucun
Magnétomètre aucune aucun
Principes techniques :
Les expériences
Les expériences embarquées sur la sonde
Giotto sont au nombre de dix, réparties en quatre catégories :
_ Imagerie ;
_ Spectroscopie de masse ;
_ Eexpériences sur les poussières ;
_ Expériences sur les plasmas.
_ La caméra HMC était destinée à poursuivre la comète et à réaliser des
images de son noyau afin d'en déterminer la forme et la taille et
éventuellement de suivre la structure de sa chevelure.
_ Le spectromètre de masse neutre, NMS, permet de déterminer la composition et
l'énergie des gaz neutres de la chevelure de la comète de Halley.
_ Le spectromètre de masse ionique, IMS, chargé de déterminer la composition
ionique de la chevelure de la comète comprenait deux détecteurs, HIS et HERS,
pour étudier différents types d'ions.
_ La masse et le flux de particules sont analysés par le détecteur de
poussières, DID, qui détecte les impacts sur les boucliers de protection du
vaisseau.
_ Un spectromètre de masse, PIA, contribue aussi à l'étude du flux de
particules, notamment en analysant la composition des particules.
_ La sonde optique, OPE, permet d'évaluer la brillance de la poussière et des
gaz dans la chevelure.
_ L'expérience radio, GRE, mesure le ralentissement de la sonde Giotto causé
par l'impact des particules sur le bouclier.
_ Quatre expériences étudient l'environnement plasmatique :
_ Le magnétomètre MAG, mesure le champ magnétique local afin de
déterminer l'influence de la comète sur le vent solaire magnétisé.
_ L'expérience JPA étudie aussi l'interaction avec le vent solaire en
enregistrant les flux et distributions de vitesse des ions de faible et moyenne
énergie.
_ Les ions de haute énergie sont, eux, détectés par l'expérience EPA.
_ L'expérience RPA étudie la distribution de vitesse des électrons et
la composition en ions lourds.
Résultats
Rencontre avec la comète de Halley
Le vaisseau Giotto a rencontré la comète de
Halley le 13 mars 1986. À 133 millions de km du Soleil et 149 millions de
kilomètres de la Terre, sous un angle, par rapport à la ligne comète-Soleil,
de 107.
Le vaisseau s'est approché, au plus près, à une distance de 590 km du noyau
de la comète. Quatorze secondes avant son arrivée au point le plus proche de
la comète, Giotto a été heurté par une particule de grande dimension qui a
déplacé le moment angulaire du vaisseau de 0,9 degré. Les données
scientifiques ont été transmises de façon intermittente durant les 32 minutes
suivantes. Au cours de cet intervalle, plusieurs détecteurs, frappés par des
particules, ont subi des dommages, mais nombre des expériences ont survécu à
l'incident. Seuls la caméra, le spectromètre de masse neutre, NMS, le
spectromètre de masse ionique, IMS, et un capteur du détecteur de poussière
et de l'analyseur de plasma sont, à ce moment-là, devenus inutilisables.
Le noyau
Pour la première fois, le noyau d'une comète
a pu être photographié lors de la rencontre de Giotto avec la comète de
Halley. Le noyau s'est avéré plus volumineux que prévu, avec des dimensions
de 16 x 7,5 x 8 kilomètres. Les observations confirment la vision
traditionnelle d'une comète, conglomérat de glace de poussières et de roches.
Les images obtenues par GIOTTO ont révélé une surface très sombre, d'une
réflectivité voisine 4 %. D'autre part, l'émission de gaz et de poussière
qui constitue l'activité cométaire provenait de quelques régions couvrant
moins de 10 % de la surface. L'essentiel de la surface est donc recouvert d'une
couche réfractaire. Les structures clairement identifiées sur les images,
telles que des collines et dépressions, sont liées à une variation
continuelle de la morphologie de la surface.
Gaz neutres et composition ionique
Une chaîne complexe de réactions chimiques
fait varier la composition du gaz en fonction de la distance du noyau. Les
molécules en début de chaîne reflètent la composition du noyau : l'eau
domine (80 %), puis le monoxyde de carbone (10 %) le dioxyde de carbone (2,5 %),
le méthane et l'ammoniac (7 %) enfin en faible quantité (0,1 %) l'acide
cyanhydrique et divers hydrocarbures (C2Hn, C3Hm). Du fer et du sodium sont
également trouvés à l'état de trace La présence de soufre et de sulfure
d'hydrogène est également suspectée.
Les gaz cométaires sont ionisés par les
radiations ultraviolettes solaires, les électrons et les échanges de charges
avec le plasma du vent solaire. De nombreuses espèces ioniques ont été
observées à proximité du noyau, avec une prédominance de H3O+
Lors de sa rencontre avec Giotto, la comète
de Halley libérait 19,8 tonnes de gaz par seconde. Avec les poussières, plus
de 30 tonnes de matière s'échappaient du noyau cométaire à chaque seconde.
Plasma
Le vent solaire supersonique est ralenti
jusqu'à des vitesses subsoniques lorsqu'il rencontre les ions lourds éjectés
par la comète. Une onde de choc se forme alors à des distances de la comète
variant avec la quantité de gaz produits. Giotto a rencontré ce front à une
distance de 1,15 million de kilomètres de la comète. Plus près du noyau, une
autre frontière physique apparaît, l'ionopause qui sépare une région
'froide' où prédomine le flux d'ions cométaires, d'une région 'chaude' où
les ions cométaires se mélangent à ceux du vent solaire. Giotto a traversé
l'ionopause à une distance de 4650 km du noyau en s'approchant de la comète et
de 3940 km en s'en éloignant. Au coeur de l'ionopause, le champ magnétique
atteint une intensité de 60 nT, 6 fois supérieure à celle trouvée ailleurs
dans la chevelure de la comète. D'autres frontières, marquées par des
transitions de certains paramètres plasmatiques, ont été identifiées. Elles
contribuent à donner l'image d'une région formée de couches successives à la
zone frontière entre le vent solaire et l'ionopause cométaire.
Poussières
L'abondance relative des divers éléments
rencontrés dans la comète de Halley, à l'exception de l'azote, est très
comparable à celle du Soleil. Elle est très différente des proportions
trouvées sur Terre ou sur les météorites. Ainsi, la comète de Halley serait
constituée du matériau le plus primitif connu dans le Système solaire.
La composition chimique de plusieurs milliers
de particules a été déterminée au cours de la mission Giotto. Elle fait
apparaître deux classes principales de particules. Celles dominées par les
éléments légers, hydrogène, carbone, azote et oxygène, les 'grains
organiques' ; et celles riches en sodium, magnésium, silicium, calcium et fer,
les 'grains minéraux'.
Les missions vers la comète de Halley
|
Mission |
Date de Lancement |
date de rencontre |
Distance du noyau |
Nombre d' expériences |
Vega-1 |
Dec. 1984 |
Mars 1986 |
10,000 km |
13 |
Vega-2 |
Dec. 1984 |
Mars 1986 |
3,000 km |
13 |
Suisei |
Août. 1985 |
Mars 1986 |
200,000 km |
2 |
Sakigake |
Jan. 1985 |
Mars 1986 |
10,000 km |
3 |
Giotto |
Jan. 1985 |
Mars 1986 |
596 km |
10 |
Rencontre avec la comète P/Grigg-Skjellerup
Après avoir quitté la comète de Halley, la
sonde Giotto a été placée en hibernation. Quatre ans plus tard, le 19
février 1990, le vaisseau a été réactivé avec succès, la sonde avait
parfaitement survécu à la fois à son passage à travers la chevelure de la
comète de Halley et à 4 ans de sommeil. Une nouvelle mission a alors pu être
assignée à la sonde européenne : s'approcher de la comète P/Grigg-Skjellerup
et l'étudier. Le 10 juillet 1992, Giotto passait à 200 km du noyau de la
comète, à 214 millions de kilomètres de la Terre et 150 millions de
kilomètres du Soleil.
À 600 000 km du noyau, des instruments ont
détecté les premiers ions cométaires. Entre 18 000 et 15 000 km, un front de
choc, plus important que prévu pour une si petite comète, a été observé par
certains instruments. Les mesures du magnétomètre ne confirmèrent pas la
découverte lors de l'approche de la comète, en la quittant, en revanche, ils
détectèrent clairement un choc. L'expérience sur les particules
énergétiques a fait apparaître des différences entre la comète de Halley et
Grigg-Skjellerup, et la spectroscopie de masse a permis de recueillir de
nombreuses données dont l'analyse se poursuit.
Le 21 juillet 1992, une manoeuvre a placé
Giotto sur une nouvelle orbite qui le ramènera à proximité de la Terre (entre
220 000 et 137 000 km) en juillet 1999. Il a ensuite été mis en hibernation
pour la troisième fois. Il reste 4 kg de carburant dans le vaisseau qui
pourrait être activé une ultime fois en 1999.
Après la rencontre de la sonde Giotto avec la
comète de Halley (1986) et celle de Deep Space 1 avec Borelly (2001), voici les
prochaines : 2004 : lancée le 7 février 1999, la sonde américaine Stardust
rencontrera en janvier 2004 Wild 2. Elle traversera alors la queue de la comète
pour en prélever quelques grains qu'elle rapportera sur Terre. Ce sera la
première fois, depuis la conquête de la Lune, qu'une mission robotique
collectera et rapportera du matériau extraterrestre.
2005 : un an après son lancement, la mission
américaine Deep Impact arrivera au voisinage de la comète Tempel 1. Une partie
de la sonde se détachera alors pour venir s'abattre, de toute sa masse de 350
kg, sur le noyau cométaire. L'impact créera un cratère qui exposera les
couches profondes, c'est-à-dire la glace fraîche datant des débuts du
système solaire. La partie de la sonde restée à distance enregistrera images
et analyses de l'impact.
2011 : la sonde européenne Rosetta, lancée
en 2003, arrivera à son rendez-vous avec 46 P/Wirtanen, qu'elle accompagnera et
auscultera durant deux ans. Auparavant, au cours de son long voyage de huit ans,
elle aura étudié les astéroïdes Otawara et Siwa.
Cnes 1999
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