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CHRONOLOGIE ARIANE

LA GENESE DU BATTLE SHIP

 

En avril 1986, la proposition du programme comprend une campagne d'essais de l' étage EPC sur réservoir de banc lourd, dits essais 'Battleship' (BS). Pour optimiser les objectifs de la campagne et pour ne pas construire un nouveau banc d'essai, il est décidé de réaliser ces tests sur ELA-3 avec une version réduite 'lourde' de l'étage. La société Aérospatiale, responsable de l'EPC, est chargée d'en réaliser aussi la version BS. Les capacités des réservoirs d'oxygène liquide (LOX) et d'hydrogène liquide (LH 2) dans la version BS est environ la moitié de celle de l'étage de vol EPC (74 m3 pour le LOX et 190 m3 pour le LH2 contre 120 et 390 m3 pour l' EPC).

Le poids à vide de BS est de 120 t, il a un diamètre de 5,70 m et une hauteur de 28 m. L'EPC a un poids à vide de 12 t seulement, son diamètre est de 5,40 m et sa hauteur de 30,70 m. La contenance des réservoirs BS est nettement inférieure à celle des réservoirs EPC et permet des essais de 280 s environ, contre les 600 s de fonctionnement pour un vol. Les réservoirs LOX et LH 2 de BS n'ont pas de fond commun, comme l'EPC, et leur épaisseur est telle que des pressions trois fois supérieures à celles de vol sont admissibles. Cette version lourde permet de garantir la sécurité dans toutes les situations de test, en restant, du point de vue fonctionnel, rigoureusement représentative du vrai EPC. La mise au point des procédures de mise en oeuvre et l'étude des cas de panne peuvent être effectuées en toute sécurité .

Le BS sur la table de lancement ELA-3 (vue conceptuelle) de haut en bas le réservoir LOX, le réservoir LH 2, le bâti-moteur et le moteur  Vulcain (Photo Bernard Paris). Une des particularité de l'étage EPC est la longueur de la ligne d'alimentation LOX avec une forme particulière, en crosse à la sortie du réservoir. A ce niveau peuvent se créer un phénomène de geyser ou un désamorçage qui peut créer un risque de réamorçage brutal de la crosse suivi d'un phénomène "coup de marteau" avec risque de rupture de la ligne. Le fond commun des réservoirs sur l'étage de vol EPC crée aussi des sollicitations en pressions de part et d'autre. Le Battle Ship s'affranchit de ces phénomènes avec 2 réservoirs indépandants.

Du fait que la campagne BS est la première rencontre de deux systèmes très complexes (l'étage en version lourde et les installations sol d'ELA-3), les objectifs sont très nombreux et ambitieux. La maîtrise d' oeuvre SEP a donc établi un plan d'essais regroupant tous les objectifs 'sol' et 'bord' qui étaient au nombre de 270:

  • 49% portant sur la mise en oeuvre et la préparation de l'étage;
  • 27% portant sur la phase propulsée (le tir à feu);
  • 24% portant sur les installations sol de l'ELA-3.

Deux ans auparavant ces nombreux objectifs avaient été répartis sur une douzaine d'essais avec un souci de progressivité dans l'approche des risques ou la complexité de mise en oeuvre. Compte tenu des contraintes planning, une étude d'optimisation a permis de conserver les ambitions du plan d'essais en réduisant le nombre de chronologies nécessaires pour les atteindre. L'échelonnement, conduisant vers des situations complexes ou dégradées, a été diminué .

Au bilan technique, seuls sept essais sont retenus. Ils permettront de réaliser une grande partie des objectifs initiaux, en s'affranchissant de certains cas de pannes peu probables ou facilement modélisables grâce aux autres essais réalisés.

Le BS participe à la validation de l'ELA 3 dans de nombreux domaines comme les procédures de mise en configuration thermodynamique des ergols (assainissements, remplissage/vidange, pressurisation/dégazage), les tests des automates de sécurité, la participation au développement de l'étage principal cryotechnique, en validant des séquences de mise en configuration thermodynamique des ergols avant le tir (assainissements, remplissage, vidange, compléments de plein et opérations anti-geyser, mise en froid du moteur, séquence synchronisée et mise à feu du moteur Vulcain). Les essais à feu permettront de mettre au point l'ensemble propulsif fonctionnel, l'allumage et le pilotage du moteur Vulcain, la vérification de certaines fonctions étage (par exemple: pressurisation) à divers points de fonctionnement et sur des durées variables.

Cette nouvelle répartition des objectifs d'essais impose un 'sans-faute'. Le premier allumage de la chambre de combustion du moteur Vulcain doit intervenir dès le lendemain de la première chronologie déroulée.

Le bati du BS en intégration aux Mureaux

Montage du bati moteur sur la structure du BS dans le BIL

    BS in BIL 02.JPG (82777 octets)

Mise en place du moteur Vulcain début 1994

La campagne était prévue, avec onze chronologies dont huit mises à feu, de mars à juillet 1994. Elle s'est déroulée de septembre 1994 à janvier 1995 avec onze chronologies, cinq mises à feu et tous les objectifs principaux prévus ont été atteints.

Dans la semaine du 22 au 27 août 1994 ont lieu 2 chronologies, simulant un tir très bien réussies, permettant le début des opérations de campagne.

Avec cette campagne, le développement du moteur Vulcain a été complété par des mises à feu en conditions réelles intégrant tous les systèmes bouclés sur la base de Kourou d'où Ariane-5 sera lancée, avec les mêmes équipements Etage et Sol utilisés pour le tir.

Pour les essais de mise au point (M) de l'étage EPC, consécutifs à la campagne BS, la responsabilité de maîtrise d'oeuvre reste à la SEP, avant de passer à l'Aérospatiale pour la campagne de qualification (Q).

   

Le BS en intégration dans le bâtiment d'Intégration du lanceur (BIL) (Photo Bernard Paris)

La campagne BS débute le 2 septembre 1994 avec le déroulement du bilan technique. Une fois résolu certains problèmes liés aux mesures, la première chronologie BS1.1 se déroule le 23 septembre. Si aucune difficulté particulière en préparation du bord en chronologie n'est mise en évidence, les nombreuses pannes du système informatique sol (CCO) ont conduit une à journée 'marathon' qui a consommé beaucoup d'ergols. Dès ce premier essai, le maillon faible du planning pour le reste de la campagne est découvert : la disponibilité du LOX et du LH 2 . Au cours de ce premier essai sept séquences synchronisées sont engagées, jusqu'à H0 - 3'16" pour la plus longue, à cause de déclenchements répétés de contrôles ou surveillances dans les séquences automatiques.

Sur BS1.2, réalisé quatre jours après, l'objectif principal est l'allumage de la chambre de combustion, avec basculement de gérance du CCO vers l'OBC (ordinateur de bord) et inversement. Seules deux séquences synchronisées sont engagées, la dernière conduisant à H0 - 1'59".

Au cours du nouvel essai (BS2.1) le 18 octobre, quatre séquences synchronisées sont engagées, jusqu'à H0 - 1'51" pour la plus longue. L'arrêt est causé pour la première fois par la défaillance d'un matériel bord, la vanne d'alimentation hydrogène (VAH), qui isole le réservoir du moteur sur l'EPC qui refusait de s'ouvrir. Il est tout de même décidé de faire une reprise de cet essai (BS2.1R) pour atteindre le H0, sans intervention mécanique, en simulant simplement l'ouverture de la VAH. Le 27 octobre, après quatre tentatives infructueuses, la gérance OBC est atteinte, et pour la première fois la chronologie a été arrêtée en temps positif: 3,5 secondes après le H0, soit à l'instant théorique d'allumage chambre.

Si à ce stade, les ingénieurs maitrisaient la mise en oeuvre de la ligne LOX, des bulles d'hélium se sont formées dans la fameuse crosse LOX lors des séquences d'arrêt de chronologie.

Après de nombreux problèmes liés au CCO (système informatique sol), 2 séquences synchronisées sont juste nécessaire pour que le 17 novembre lors de l'essais BS2.2 s'allume le moteur Vulcain vers 19h20 et illumine la forêt guyanaise pendant 281 secondes de bonheur, en parfait accord avec les prévisions de fonctionnement éditées de longue date.

 

BS 2.2 du 14 novembre 1994

3 chronologies sont nécessaire pour un tir longue durée, BS 3.2, le 6, le 8 et finalement le 20 décembre, 5 jours avant noel.

 A droite le BS sur l' ELA 3 en décembre pour l'essai BS 3.  

La période entre Noël et le 1er janvier 1995 est mise à profit pour valider des programmes automatiques de remplissage/vidange ou assainissement des réservoirs. La pression ne relâche pas puisqu'un essai est prévu dès le 11 janvier, BS4, parfaitement réussi. A ce stade, il reste 20% des objectifs à réaliser et un seul tir d'ici la fin du mois avant que démarre les campagne de qualification avant le premier vol. Ce tir est réalisé le 27 janvier, BS5.2.

Dernier essai BS, le 27 janvier 1995

La fin de la campagne du Battle Ship au CSG. L'étage lourd va être tiré de la table de lancement par le camion MAN vers son support en béton. Opération unique, car le camion a du être soulevé sur le support par une grue.

L'étage MQ passe devant le BS au CSG. Les campagnes M et Q suivront la campagne BS dès avril et décembre 1995 avec 7 mises à feu totalisant 3600 secondes

 

En 2002, l'étage "BS" est toujours au CSG posé sur son socle le long de la voie ferrée de l'ELA 3.

   

La structure bétonnée qui servait de support au BS en bordure de la voie ferrée menant vers la ZL3, le SBEL, Support Banc Etage lourd. Le bati BS est descendu de son support début 2005.