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L'ESPACE SOVIETIQUE

LES HOMMES DE L'ESPACE SOVIETIQUE


Pour des raisons politiques, Korolev est resté dans l'ombre de la conquête spatiale russe jusqu'à sa mort. Son nom n'apparaît dans aucun communiqué officiel, alors qu'il est le maître d'oeuvre du programme spatial de l'Union Soviétique, lancé à la fin de la seconde guerre mondiale.

Sergueï Pavlovitch Korolev est né le 31 décembre 1906 (13 janvier 1907) à Zhitomir, il est le fils d'une famille d'enseignants. Son père meurt quand il a 3 ans. A partir de l'âge de 10 ans, il est adopté par son beau-père, ingénieur et mécanicien. Korolev découvrit l'astronautique à travers l'œuvre du visionnaire Konstantin Tsiolkovski. 

En 1924 il termine l'Ecole Spéciale de Construction de Odessa et a une formation professionnelle ; il conçoit son 1er planeur ; il entre à l'Université Polytechnique de Kiev. Cette dernière ferme en 1926, et il est transféré dans la division Evening de l'Ecole Technique Supérieure Bauman de Moscou comme ingénieur en chef. A la même époque, il travaille aux entreprises d'aviation. Plus tard, il fabrique des planeurs et prend part aux Compétitions de Planeurs de l'Ensemble de l'Union.

En 1929 il présente le projet d'avion biplace SK-4 à moteur léger comme travail de fin d'études. Il est construit et testé. Un de ses superviseurs est A. Tupolev. Par la suite Korolev devient ingénieur en aéromécanique. Il suit en parallèle une formation de pilote à l'Ecole de Pilotage de Moscou et obtient son certificat de pilote en 1930.

En 1931, Korolev rencontre Friedrich Tsander, disciple de Tsiolkovski, et les deux hommes fondent à Moscou leur propre association pour l'expérimentation des fusées, le GIRD (Groupement d'étude du vol par réaction), du Conseil Central de Osoaviahim (plus tard Dosaaf) dont le projet est un planeur fusée, nommé OR 2.

En 1931 il organise avec Tsander une des premières organisations provinciales de fusées, le Groupe d'Exploration à Propulsion à Réaction (GIRD) . Il parvient à construire et tester en vol des fusées expérimentales, et développe un projet d'avion à réaction.

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En 1932 il est nommé directeur du GIRD et président du Conseil Technique.

En 1933 il est nommé Directeur Adjoint de l'Institut Scientifique et de Recherche sur la Propulsion à Réaction (RNII), créé sur la base du GIRD et du Laboratoire de Dynamique des Gaz de Leningrad (GDL). Il contrôle les vols d'essai (août) des premières fusées russes "GIRD 9" à moteur à propulsion liquide (construction de M. Tihonravov) et "GIRD-X" (construction de F. Tsander).

En 1934 est publié son premier livre"Une fusée dans la stratosphère". Il contrôle les vols d'essai du missile ailé "06/1", créé sous sa direction.

En 1936 il crée l'avion à réaction "318-1".

En 1937 il prend part aux tests de l'avion à réaction avec le moteur "ORM-65" construit par V. Gloushko.

La carrière de Korolev est brutalement interrompue lors des purges staliniennes qui débutent en 1937. Suite à d'obscures dénonciations, son institut étant le repère d'ennemis du peuple, Korolev est arrêté en juin 1938 et condamné à dix ans d'emprisonnement au Goulag, puis par contumace à huit ans de travaux forcés dans les mines de Kolima.

En 1940, les conseillers de Staline, qui ont besoin d'ingénieurs pour son effort de guerre, visitent le camp de travail à la recherche de spécialistes en aéronautique et récupèrent Korolev. Il est emmené à Moscou où il travaille sur le dessin des ailes du Tupolev-2, puis devint l'adjoint du motoriste Valentin Glouchko.

En 1942 il est rappelé au Bureau de Conception Kazan de l'usine de fabrication de moteurs aU COT2 DE Gloushko. Il développe une construction de booster de fusée pour les avions militaires. Il publie son livre "Introduction au problème de l'avion intercepteur à réaction "RD-1"".

Le 27 juin 1944, son temps de réclusion est réduit à 6 ans par ordre du Presidium du Conseil Suprême de l'URSS et en 1945 est envoyé en mission d'affaires officielle en Allemagne en tant que membre de la Commission Technique où il étudie les techniques des fusées allemandes V2 capturées. Pour la création des boosters de fusées pour les avions lors de la seconde guerre mondiale, on lui confère son 1er ordre "Signe de Respect". Avec le matériels allemand récupéré, il reconstruit les V2 dont le premier tir a lieu le 18 octobre 1947 à Volgograd

En 1947 il revient à Moscou, et commence à travailler comme Concepteur en Chef de son propre bureau KB. De 1947 à 1949, il donne des cours de technique des fusées à l'école technique supérieure de Moscou.

En 1948 il lance sa première fusée la R1 le 10 octobre. Des versions géophysiques sont construites afin de tester des capsules éjectables dans lesquelles sont enfermés de petits animaux. 

Après le R1, Korolev crée la R2 en 1949, puis la R4 et 5 en 1952-53. 

En 1953, Korolev, conçoit une fusée intercontinentale, la R7 Semiorka, pour lancer la bombe atomique soviétique. 

En 1954 il interpelle le comité central du parti communiste avec une lettre officielle pour développer et lancer un satellite artificiel autour de la terre.

En 1955 il manage le développement des premiers vaisseaux spatiaux sur le cosmodrome de Baikonour. 

En 1956 il reçoit le titre de "Héros du Labeur" pour avoir développé de nouveaux exemples de fusées militaires.

1957, après de nombreux tests, la première R7 décolle du Kazakhstan le 21 août. Le 4 octobre, il parvient à faire décoller le 1er satellite terrien au monde ; il reçoit le Prix Lenine. Cette année-là il envisage de faire atterrir en douceur une sonde sur la surface lunaire dès 1958.

En 1959 il participe au lancement des sondes Luna "Luna-1", "Luna-2", "Luna-3" vers la lune. Cette dernière retransmet pour la premières fois des photos de la face caché de notre satellite.

En 1961, il s'oppose à Valentin Glouchko, le principal constructeur de moteurs-fusées, allié au constructeur d'engins spatiaux Chelomeï. Le conflit porte sur la technologie des moteurs. Korolev prône la construction de moteurs à oxygène et hydrogène liquide — la voie suivie par les américains. L'avenir lui donnera raison mais il ne pourra imposer sa solution. Le 12 Avril, il réalise le premier envoie d'un homme dans l'espace. Youri Gagarine réalise un tour de la terre à bord de Vostok 1.

En 1962 il prépare et mène à bien le premier vol de group des vaisseaux "Vostok-3" et "Vostok-4", prenant part au lancement de la station interplanétaire "Mars-1". 

En 1963 il prépare le lancement des vols groupées de "Vostok-5" et "Vostok-6".

En 1964 il lance la première sonde interplanétaire Zond et prépare la première mission avec trois cosmonautes à bord Voskhod 1.

En 1965 avec Voskhod 2, il permet à Alexis Leonov de réaliser la première marche dans l'espace. Korolev participe au lancement des sondes "Luna-5","Luna-6","Luna-7","Luna-8", vers la lune "Venera-2", "Venera-3" vers Venus et "Molniya-1" le satellite de communication.

En remerciement de sa grande participation à l'astronautique soviétique, Korolev reçoit deux récompenses, la médaille de "Héros de travail " en 1956 et 1961), la médaille de Lénine en 1957) et celle de Tsiolkovsky.

 

L'héritage de Korolev Constructeur génial, stratège et visionnaire, Korolev multiplie les projets dans les dernières années de sa vie. En 1962, il propose l'assemblage d'un «train spatial» en orbite qui permettrait à des cosmonautes d'atteindre la Lune, tout en développant en parallèle le concept d'une fusée géante (la N-1) qui assurerait en cas de besoin un vol direct.

Sous Khrouchtchev, la politique spatiale soviétique fut toutefois marquée par de nombreux conflits de personnalités: c'est ainsi que Korolev se trouve un concurrent redoutable en la personne de Tchelomei, concepteur de la fusée Proton et protégé du Premier soviétique. Korolev entre également en conflit ouvert avec l'armée de l'air, et tenta d'échapper à son contrôle en formant sa propre équipe de cosmonautes. Ces rivalités incessantes, aggravées par le caractère despotique et capricieux de Korolev, dilapident l'avance que s'étaient bâtie les Soviétiques dans la course à la Lune. Après le limogeage de Khrouchtchev en octobre 1964, Korolev reprend l'ascendant sur ses concurrents et engage son projet N-1 de super-fusée lunaire, prévoyant l'alunissage d'un cosmonaute soviétique pour 1967 ou 1968. Sa fusée géante d'une poussée de 4 000 t (plus puissante que la Saturn-V des Américains) est dessinée autour d'un premier étage ne comptant pas moins de 30 moteurs.

Mais Korolev ne peut suivre jusqu'à son terme la réalisation de son ambitieux projet: atteint de problèmes de santé, le grand constructeur meurt sur la table d'opération le 14 janvier 1966, à l'âge de 60 ans. Korolev est honoré par des obsèques nationales, à l'occasion desquelles son rôle de principal artisan de l'astronautique soviétique est révélé au monde entier. Ces restes sont disposé sur le mur du Kremlin sur la place Rouge.

La mort de Korolev fut sans doute la grande catastrophe pour les Russes. Il n'était pas d'un caractère facile: ses succès de la période 1957-1962 lui avaient a la fois monté à la tête et valu de solides inimitiés. A l'actif de Korolev s'inscrivait toutefois un remarquable réalisme. Il connaissait les faiblesses techniques de l'Union soviétique, mais il avait fait la part entre celles qui ne constituaient nullement un handicap souvent, affirmait-il, un matériel rustique fait aussi bien sinon mieux qu'un matériel sophistique et celles qui exigeaient de puissants efforts cibles avec l'objectif que, sur des points spécifiques, la technologie américaine soit dépassée: ainsi Korolev avait mise sur le Soyouz ultra compact pour qu'un vol lunaire pilote soit possible avec, au départ, 70 t en orbite terrestre au lieu de 130 t avec la Saturne 5. Surtout, Korolev savait quand une mission pouvait être décidée. Si tout n'était pas prêt, il le disait aux hommes politiques et ceux-ci se résignaient. Sa disparition a laisse un grand vide a un moment critique. 

Cinq mois s'écoulent avant qu'un successeur ne soit désigne. Michine n'a pas sa carrure, et se soumet a une volonté politique devenue très forte, même si les techniciens, rendus perplexes par les difficultés qu'ils ont vu s'accumuler lors des répétitions, sont hostiles au rapide emploi du nouveau vaisseau pilote. Au début de 1967, il n'a pas encore de nom. On a préconise qu'il s'appelle Droujba (Amitie). Soyouz (Union) sera retenu..

Repris par l'ingénieur V.P. Michine, son projet de lanceur lourd N-1 ne fut jamais mené à bien. Mais aujourd'hui encore les versions améliorées de sa célèbre fusée Semiorka continuent de lancer dans l'espace sondes et satellites.

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Vassily Pavlovitch Michine (1917), constructeur général des lanceurs et systèmes spatiaux. Premier adjoint de Korolev, il participe aux développement des lanceurs R7, Luna et Vostok.

Vassili Michine est un disciple de Brejnev, il est désigné pour lui succéder. Mais il n'a pas son talent. Il exige la mise au point rapide de la fusée lunaire N1. Dame! Les Américains sont si près du but...

La N1 sort enfin des limbes et de son hangar. Elle est monstrueusement compliquée, lourde, avec un labyrinthe de tuyères qui ne font pas du tout la confiance des cosmonautes. Les essais se feront à vide. Heureusement pour eux...

En février 1969, cinq mois avant la date prévue pour le premier débarquement lunaire américain, à Baïkonour, la première fusée N1 est mise à feu. Et explose. L'aire de lancement est complètement détruite. Au second essai, deux semaines plus tard, elle volera durant 70 secondes, avant d'exploser. La Lune était perdue.

Vassili Michine, pourtant, ne s'avouait pas vaincu. Il s'entêta avec la N1. " Les Américains seraient les premiers? Soit, mais nous, on fera mieux." Ses cosmonautes resteraient un mois sur la Lune. La première N1 devait contenir à la fois le module de commande et le module d'atterrissage, et deux hommes. Le cosmonaute aurait dû quitter le Soyouz et, via une échelle, se glisser dans le module lunaire, alors que son compagnon restait en orbite. Il aurait été seul sur la Lune, mais Léonov s'y préparait. Un deuxième homme sur la Lune aurait été le bienvenu, mais la N1 supporterait mal ce poids supplémentaire, d'autant qu'elle ne supporta même pas ce qui lui fut demandé initialement, à vide, heureusement.

Michine changea d'avis, décidant de faire partir deux N1, une avec les hommes, l'autre avec le matériel, effectuant un rendez-vous en orbite lunaire avant de tenter l'atterrissage. Bref, être seconds, mais brillants seconds. En réalité, du bricolage.

Avant d'être autorisée à emporter des hommes, on décida que la N1 devait voler huit fois à vide, avec succès. Un troisième essai fut tenté en août 1969, cette fois, elle vola 107 secondes... avant d'exploser, et avec elle, tous les espoirs et tous les délires des concepteurs, Michine en tête.

Exit la Lune, et pour de bon ! Aujourd'hui, Michine gagne sa vie comme il peut, en donnant des conférences. On lui créa un poste pour ça en 1974. Il doit se battre avec les autorités pour obtenir la clé d'un hangar où se trouvent ses rêves brisés, démontés, éparpillés, rouillés, et où croupissent des modules lunaires qui n'ont jamais servi. Stupéfiant mais vrai !

Feoktistov avait eu raison.

On l'écoutera enfin. Quant à reconnaître sa défaite devant les Américains, pas question. Qui sait ? Avec un peu d'empressement, tout peut encore arriver, la Lune n'est pas tout. L'Union Soviétique ne compte désormais plus sur sa force mais sur un échec de l'autre. Et en attendant de voir, à contre- coeur, ce dont les Américains sont capables, elle commence à envisager de construire sa station spatiale.

Komarov inaugure à cette fin le premier Soyouz. Il devait rejoindre une station Saliout, mais un panneau solaire ne fonctionne pas. On lui donne l'ordre de rentrer. Mais la capsule est déstabilisée, on ne comprend pas pourquoi Komarov ne réagit pas. On ouvre un parachute auxiliaire. Qui s'emmêlera avec un autre, le principal restant bloqué. Komarov tombe comme une brique. Il s'écrase, mais ce n'est pas le choc qui le tue : il était déjà mort sur orbite, victime d'une dépressurisation. On ne s'en n'était pas aperçu. Un formidable cafouillage. Le premier mort de l'Espace, nous sommes en avril 1967.

C'était un peu la seconde mort de Korolev. L'Union Soviétique est au plus bas, alors que la tortue américaine arrive en force. 1965, 1966, deux grandes années qui se révèlent chasse gardée des Américains. Tout leur réussit, les vols Gemini se succèdent, ils bâtissent la route de la Lune à coups de sorties et de rendez-vous successifs. Le sprint final fut une apothéose, la tortue cravachait de plus belle, elle pensait le lièvre sur ses talons, le triomphe prenait tournure. Mais elle était seule dans la course. Simplement, elle l'ignorait.

 

Valentin Petrovitch Clouchko (1908-1989), constructeur général des moteurs fusées à ergols liquides des lanceurs et systèmes spatiaux.

Né en 1908, il termine ses études en 1929 à l'université de Leningrad. Il est admis au Laboratoire de dynamique des gaz où il développe le moteur à réaction électrique ERD.

De 1930 à 33, il développe les moteurs ORM 1 à ORM 52 (moteurs expérimentaux à liquides) dont la poussée varie de 20 à 300 kg.

En 1933, Gloushko entre à Institut de Recherches Scientifiques RNII comme constructeur en chef des moteurs fusées liquides. Il construit les moteurs ORM 53 à ORM 102 de 80 à 600 kg de poussée. 

En 1939, il constitue un groupe autonome et devient constructeur principal d'un département de moteurs fusées d'appoint dans une usine aéronautique de Moscou.

A partir de 1941, il se replie à Kazan et développe les moteurs RD 1 à RD 4 de 300 à 1000 kg de poussée qui seront monté sur des avions construits par Korolev.  

La première réalisation de Gloushko est le RD 100 de 25 tonnes de poussée utilisant du kérosène et de l'oxygène liquide. Depuis 1946, il est le constructeur principal du GDL OKB et dirige 150 personnes. Le RD 100 équipe la fusée R1 de Korolev. 

En 1949, il crée le RD 102 pour la R2 puis le RD 103 pour la R5.

En 1954, Korolev lui demande la construction d'un moteur de 100 tonnes de poussée pour la R7. A cet époque, la poussée maximale est de 25 tonnes. L'idée de Gloushko est de regrouper 4 moteurs de 25 tonnes pour obtenir la poussée de 100 tonnes. Le nouveau moteur est nommé RD 107.

En parallèle, il crée pour Yangel sur le même schéma, le RD 214 de 74 tonnes de poussée fonctionnant avec de l'acide nitrique et du kérosène. 

Lorsque l'URSS propose de construire une fusée lourde, Gloushko a 25 ans d'expérience derrière lui.

 

 

 

 

Vladimir Nikolaievitch Tchelomei (1914-1984), constructeur général des missiles, lanceurs et systèmes spatiaux.

 


Constructeur général et directeur du bureau d'études OKB 52, dirige le développement des missiles UR200, UR 100 et RS-18. A partir de 1970, Tchélomei assure le développement des stations militaire Saliout 2, 3, 5 puis des Saliout civils, MIR et les modules Kvant, Krystal.