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CHRONOLOGIE ARIANE

L’ ELDO ET EUROPA

1972

1972 europa 3.jpg (128392 octets)

Le projet Europa 3 en 1972 avec les versions 3B, L3S et 3N, les industriels et les moteurs.

   

L'étage L140 d'Europa 3, le Drakkar du fait qu'il est équipé de 4 moteurs viking. Les Viking remplacent les moteurs Rolls Royce du Blue Streak, étage britannique d'Europa 2. Ils ont des divergent, tuyère coniques.

1er janvier, Robert Aubinière quitte ses fonctions à la tête du CNES (il préside l'agence depuis sa création en 1962), Michel Bignier le remplace et rejoint la direction de l' ELDO, comme second secrétaire général en remplacement de Renzo Carobio Di Carobio. Une réorganisation se met en place afin de donner un nouveau visage à l' Europe spatiale qui il est vrai se considérait plutôt comme une association de pays sans connaissance du spatial. Après l' échec du tir F11 en 1971, les hauts gradés sont intimés de partir de même que certaines équipes. Le lanceur Europa est modifié en vue du tir F12 prévu dans l' été 1973.
L' Europe spatiale va mal, les Anglais se sont déjà retirés du programme, il ne reste plus que la France, l' Italie et la RFA. Cette dernière se retire alors que l' étage Blue Streack du F12 embarque pour la Guyane.

Deux ingénieurs chef de la division lanceur du CNES Albert Vienne et Roland Deschamps déposent le dossier technique d' un lanceur de substitution à Europa, le L3S capable de placer 1500 kg en GTO et 900 kg en orbite GO. La partie inférieure est celle d' Europa 3, mais en place d' un gros second étage cryogénique, deux étages classiques à performances identiques mais à risque technologique moindre. Ce second étage est équipé des même moteurs Viking que le premier lui même inspiré d' Europa 3. Seul le troisième étage cryogénique de petite dimensions pouvait bénéficier de l' acquis de la SEP avec le matériel existant. 
Ce projet est dès lors soutenu par le gouvernement de JJ Delmas et son ministre de la recherche François Xavier.

La France engagée dans le développement d' un lanceur de satellites depuis 1970 se doit de vendre son projet L3S à l' Europe. Le président Français Georges Pompidou fixe alors la politique spatiale de la France en lançant un programme ambitieux de lanceur auquel les partenaires européens devront s' associer à commencer par l' Allemagne. Les militaires désirait avoir comme leur homologue des satellites d' observation mais l' idée de participait aux coût ne leur plaisait guère. Pompidou, Debré et Ortolli y croit tandis que VG D' Estaing ministre du budget y est carrément opposé.

Lors d' une réunion interministérielle en juin, le gouvernement Français décide que la France doit resté maître d' oeuvre du projet, mais que les partenaires européen doivent partager son coût à hauteur de 40%. Jean Charbonel qui succède à Ortolli à la recherche, est chargé de "séduire" les partenaires européen. L' Angleterre est contre comme à son habitude et les autres pays ne sont pas pressé pour acquérir l' indépendance européenne. En échange de l' adhésion des états partenaires, la France s' engage à financer 60% du coût plus 20% des dépassement éventuels et risques associés.

15 mai, la commission d'enquête sur l'échec du vol F11 rend ses conclusions sur l'échec du vol F11: "Le lanceur Europa 2, dans sa configuration actuelle, est inapte au vol". Selon les 6 experts de la commission, l'interruption du pilotage à 105 secondes a provoqué la dérive du lanceur qui pris une incidence de 35° pour 0° nominal. Sous cette incidence, il en résulta des efforts aérodynamiques et un échauffement cinétique dissymétrique ce qui provoqua la cassure du lanceur a niveau de la jupe inter-étage 1 / 2. Il se produisit alors un heurt entre ces deux étages qui provoqua à la fois le déchirement du réservoir de LOX du Blue Streak ainsi qu'une fissure au niveau du fond commun de Coralie mettant en contact les deux ergols d'où une explosion à la 150e seconde. L'arrêt du calculateur est la manifestation d'interférences électromagnétiques favorisées par le fait que des équipements digitaux sensibles aux parasites et peu protégés, comme le calculateur de guidage et séquenceur du 3e étage, ont été placés dans une ambiance électrique défavorable. L'échec est donc du à la superposition de 2 phénomènes, le brouillage radioélectrique par des équipements voisins et l'absence d'ordre de pilotage à la 107e seconde qui a fait basculer le lanceur sur sa trajectoire. Le lanceur s'est donc cassé en 2, au niveau de la jupe inter-étage. Les 2 étages Blue Streak et Coralie sont rentrés en collision et ont explosé peu après à la 150e et 160e seconde.
La commission a aussi listé de nombreux problèmes, notamment au niveau des études de base, de la conception, de la qualification, de la fabrication, de l'intégration, des interfaces et des opérations. Avant la reprise des vols, le câblages du 3e et 4e étage devra être refait afin de garantir une compatibilité électromagnétique. Le lanceur F12 sera modifié et subira de nombreuses améliorations groupées auparavant prévues sur les futurs lanceurs. Le lanceur F12 et les suivants seront identiques, ce qui a jamais été le cas jusqu'à présent ou chaque lanceur était remodifié par rapport au précédent. C'est le management du programme qui est pointé du doigt par la commission, pendant les 9 ans du programme. Le nouveau secrétaire se propose de réorganiser tout çà. Le tir F12 n' aura pas lieu avant mai 1973, une nouvelle enveloppe de 4,8 millions de $ sera débloquée pour suivre les recommandations de la commission d' enquête. Ce retard décalera le lancement de Symphonie à 1974 sur F14.

8 juin, la 57 éme session du conseil du CECLES-ELDO nomme une commission d'enquête présidée par le Général Aubinière. Celle-ci  est chargée d'examiner les défauts techniques et d'organisation du programme Europa 2 et tant que la commission ne remet pas son rapport les prochains tirs sont reportés. Ainsi lors de ce conseil, les programmes de qualification d'Europa 2 sont repoussés d'un an et demi. En conséquence, le prochain tir F-12 de qualification est programmé pour le 14 juillet  1973. Ce tir est déjà budgétisé car il fait partie du programme initial voté par les anglais devenus opposés au programme suivant. Le programme suivant comprenant les exemplaires F-13 et F-14  d'Europa 2 avait été décidé en novembre 1968 à la conférence de Bad Godesberg. Mais du fait de l’échec de F-11, Le tir F-13 qui devait être le 1er tir opérationnel devient le dernier tir de qualification début 1974. Le premier tir opérationnel F-14 qui devait lancer le 1er exemplaire du satellite expérimental de télécommunications franco-allemand Symphonie est repoussé en novembre 1974.

Juin, la proposition de la NASA aux états Européens change, plus de remorqueur "tug" mais elle associe l'Europe au développement d' un laboratoire spatial qui sera embarqué dans la soute de la navette, le Spacelab. Le programme est alléchant mais ne garantit pas une indépendance de l' Europe dans le nouveau marchée des télécommunications qui s' ouvre à l' horizon. La France décide d' abandonner la coopération avec les USA et de développer Europa 3B. L' Allemagne elle, préfère développer le Spacelab qu' Europa.

11-12 juillet, réunion de la CSE à Bruxelles. L' ELDO débloque certains crédits d' engagement pour couvrir les besoins budgétaire jusqu' au 1er octobre (1 millions $). Le démarrage du programme Europa 3 est prévu pour le 1er octobre pour une mise en opérationnel dans 7 ans après 5 tirs d' essai. Il se compose de deux étages à ergols stockables et cryogéniques capable de placer 1560 kg en GTO, 5650 kg à 200 km. Par rapport aux premiers projets de 1970, le diamètre du lanceur est passé de 3,6 à 3,8 m permettant de réduire la hauteur du réservoir LOX du second étage au profit d' une coiffe plus longue (11 m). Hors tout il mesurera 42,76 m et pèsera 191 tonnes. L' étage de base L150 mesurera 19,5 m pour une masse de 166 tonnes  et 241 tonnes de poussée (4 moteur Viking 2) et l' étage supérieur H20 lui sera équipé d' un moteur de 20 tonnes de poussée.
Un pad de tir sera également construit en Guyane dans les marais de Degonde, à 25 km de Kourou (à 12 km du pad Europa 2) pour 40 millions $.

27 juillet, après la 58 éme session du conseil du CECLES -ELDO, deux Blue Streak supplémentaires sont  commandés à Hawker Siddeley Dynamics (HSD) pour les tirs F-15 et F-16. HSD a été également autorisé à préparer les Blue Streak suivants pour les tirs F-17 et F-18. Le deuxième exemplaire du satellite Symphonie et le satellite COS-B du CERS-ESRO sont programmés en effet pour les fenêtres de tir de la saison suivante en mai et en Novembre 1975 avec les tirs d’Europa 2 F-15 et F-16.

Octobre, la commission d'enquête sur l'échec du vol F11 rend ses conclusions définitives: 
Il s'est produit 3 incidents entre 105 et 108 secondes de vol, un arrêt du calculateur de bord, des sauts du séquenceur et des perturbations de pression sous la coiffe. Tout se calma ensuite jusqu'à 150 secondes, le lanceur, non piloté, basculant sous l'effet d'une forte incidence avant de se couper en 2, au niveau du premier et second étage, lesquels entraient en collision. Le premier étage explosa à la 150 e seconde, à 27 km d'altitude, à une vitesse de 1000 m/s. Ensuite à 162 secondes, Coralie explosa et enfin à 189 secondes la coiffe se désintégra. On découvrit durant l'enquête que la ligne de blindage de l'instrumentation de la coiffe n'était pas reliée à la masse du lanceur. De plus, elle était reliée aux cinq prises de pression de la coiffe (un au sommet, les quatre autres à 45°) Elle constituait ainsi une électrode isolée soumise aux influences électrostatiques. Le blindage relié au capteur n'étant pas connecté à la masse, il pouvait se produire un claquage. Ce dernier se produisit à 105 secondes arrêtant le calculateur. Un second claquage arrêtant le séquenceur et, l'échauffement gagnant la coiffe, il se produisit des claquages au niveau des capteurs de pression, d'où les phénomènes observé. La reprise des claquages à 150, 162 et 189 seconde s'expliqua par les séparations d'étages qui produisirent des redistributions de charges, rechargeant la coiffe et ré alimentant le phénomène jusqu'à la destruction du lanceur. 
Cette commission d' enquête sera le dernier acte de l' ELDO, sinon le plus positif de son existence. Les conclusions mentionnent en effet le manque d' homogénéité des étages, utilisation de solutions trop complexes pour le 3e étage, erreurs de conception (qualifiées de sérieuses) dans l' intégration des systèmes de guidage et télémesure de cet étage et défaut du 4e. La fusée était condamnée à ne pas marcher. 

Octobre, les USA renouvellent leur proposition de lancer tout satellite étranger pacifique à condition qu' il ne contrevienne pas aux accords internationaux en vigueur. Le problème est qu' ils dominent l' organisation mondiale des télécommunication Intelsat dont les intérêts sont en opposition avec un système de télécommunication indépendant. L' Europe doit aussi pouvoir compter sur une totale indépendance en matière de lancement spatiaux. Le marché de l' orbite GO étant alors estimé à 40 satellite entre 1980 et 1990.

Novembre, la France présente un lanceur de substitution à Europa 3. Ce L3S, dans les cartons du CNES depuis quelques mois à la direction des Lanceurs (d' après les travaux de messieurs Vienne et Deschamps) fait appel à des éléments déjà développé pour Europa 3, en particulier le moteur Viking 2 de 60 tonnes de poussée du LRBA. Le L3S se compose d' un étage L150 équipé de 4 Viking 2 développant 240 tonnes de poussée (Europa 3), d' un second étage L30 équipé d' un Viking et d' un troisième étage H6 équipé d' un moteur H6 de 6 tonnes de poussée. Ce L3S d' une capacité orbitale semblable à Europa 3 sera moins cher 2200 millions  de F sur 7 ans contre 3100 millions.
Le L3S entre en "concurrence" avec un autre projet de l' Aerospatiale étudié en 1971 le Europa 3N (National) un lanceur reprenant le premier étage L150 et un second de 3 m de diamètre, 9 m de haut équipé de 2 moteurs H7 de 14 tonnes de poussée.  

20 décembre, 5 eme conférence spatiale Européenne réunissant tous les ministres responsable de l' activité spatiale dans leur pays. Les 12 se mettent d' accord sur une résolution en 4 points:
_ La création d' une agence spatiale Européenne avant le 1er janvier 1974 par fusion de l' ELDO-ESRO (souhait Britannique);
_ Intégration des programmes spatiaux européen;
_ Accord de principe sur le module de sortie post Apollo (souhait Allemand);
_ Proposition Française sur le L3S, signifiant l'abandon d'Europa 3B.
L'avenir d' Europa 2 est compté, dépendant des français et des Allemands. Il était prévu 5 vols d'ici 1975, avec les tirs technologiques F12 et 13 en juillet et décembre 1973 pour lancer pour ce dernier un prototype du satellite Symphonie et 3 tirs commerciaux F14, 15 et 16, pour Symphonie 1 et 2 en 1974 et Cos B début 1975. Les participations financières seront réglées plus tard, sur un montant supplémentaire de 61 millions $, qui ajouté aux 15 millions $ de cette année et aux 641 engagés depuis le début du programme porterait l'ardoise à 717 millions $.
  Même si un accord de principe est signé, il faut aller plus loin notamment pour le L3S et Spacelab dont les Américains attendent une réponse avant le 15 août 1973. La France soutient le L3S en la personne du ministre Charbonnel à hauteur de 60%, l' Allemagne soutient le Spacelab sans rejeter le L3S. Les Britanniques eux défendent le projet de satellite Marots, plus modeste. Le tout sera négocié en juillet prochain.

Le moteur Viking de la SEP, destiné à équiper le premier étage d'Europa 3 totalise 30 essais au banc de Vernon, cumulant 689 s de fonctionnement. Il a notamment été essayé durant sa durée nominale, soit 150 s avec une poussée de 60 tonnes. Ce moteur doit aussi équiper le projet "L3S" du CNES.


1973

Janvier, Europa 3 B est mort, vive le L3S. Le projet est affiné par le CNES et les industriels Français, la SNIAS (ancien LRBA), la SEP (crée en 1969 associant SEPR et Snecma entre autre), Matra et Air Liquide. L' étage L30 devient un L35 avec un diamètre réduit à 2,6 m tandis que le H6 voit le sien augmenté à 2,6 m et sa hauteur réduite à 4,5 m. Son moteur sera le HM7 mono tuyère en place du HM6 quadri-tuyère. La capacité en orbite est celle d'Europa 3B, soit une charge de 750 kg en GEO pour 1980. Le prix annoncé serait de 61 millions FF(prix 1972 HT) auquel s'ajouteraient les frais de lancement, soit l'équivalent de l'Atlas Centaur US. Si la France pense financer le projet à 60%, l'Allemagne ne donnera pas plus de 20%. Le deal est que chaque membres de l'ELDO participe pour beaucoup à son propre projet en échange d'une petite participation au projet de l'autre. Ainsi l'Allemagne participera au module de sortie US à hauteur de 60% et à 20% pour le L3S. Le L3S coutera 2 210 millions FF (prix 1973 HT) avec 20ù de marge pour aléas techniques. Europa aurait couté 3 520 millions, aléas compris. Le L3S est un lanceur raisonnable, bâti avec des techniques éprouvées et utilisant au maximum les investissements existants. Par exemple, le H20 d'Europa était estimé à 1 185 millions FF alors que le H6 du L3S ne couterait que 540 millions FF. Pour la France, le L3S est estimé à 3000 millions FF, tout compris.

1973 janvier L3S.jpg (286023 octets)

18 janvier, l'ESRO participera au "Space Lab" américain, dans le cadre du programme "post Apollo". Ce module remplace les premiers projets de coopération que la NASA voulait proposait à l'Europe, les éléments du Space Shuttle et du "Space Tug" le remorqueur spatial. L'Europe avait, il y a 2 ans consacré 7 millions $ en études pour ces projets, mais en vain, les américains avaient fait volte face par l'intermédiaire de l'USAF. 4 pays de l'ESRO avaient décidé de participer au "Space Lab" US, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et l'Espagne, en finançant des études pour 6 millions $ jusqu'en juillet..

Février, le CNES officialise la configuration L150+L35+H6 du L3S. L'étage L35, voit son diamètre réduit de 2,8 à 2,6 m, passant de 7,2 à 6,9 m de hauteur avec un réservoir à fond commun pour gagner en volume. Le H8 mesure aussi 2,6 m de diamètre pour 4,5 m de hauteur (7 mètres initialement). Sa propulsion est assurée par le moteur HM 6. La case à équipement assure le passage au 3,2 m de la coiffe qui offrira 7 m d'utile en hauteur.

1973 fevrier L3S.jpg (161198 octets) Le L150 mesure 18,67 m de haut pour un diamètre de 3,8 m. Le L35 mesure 6,89 m pour 2,6 m de diamètre. il contient 35 tonnes d' ergols disposés dans des réservoirs à fond commun. La jupe 1/2 passe de 4,2 à 4 m de hauteur. Le H6 mesure 2,6 m de diamètre et 4,48 m de hauteur et 6 tonnes d' ergols alimentant un moteur HM6 à 4 tuyère. la jupe 2/3 est rallongé à 1,8 m. La case à équipement (1,15 m de haut) assure la liaison avec la coiffe haute de 7,45 m et 3,2 m de diamètre. 

2 février, le ministre du "développement industriel et scientifique français annonce que la France et l'Allemagne prendra une décision sur Europa 2 en avril prochain. L'Allemagne veut interrompre le programme. Les étages du lanceur F12 partiront courant mars pour Kourou pour un lancement entre juin et novembre. 71 millions FF ont été alloué pour la période. L' arrêt d' Europa 2 signifie le licenciement de 300 personnes à l' ELDO et de nouveaux frais pour adapter les satellites Symphonie aux lanceurs US.

Mars, l' ELDO repousse le tir F12 du 14 juillet au 1er octobre suite à des retards de livraison d' équipement associé au troisième étage. Il reste à réaliser 4 tirs du troisième étage défaillant lors du tir F11 de mars à mai. Le BS du vol F12 doit partir le 1er avril par bateau et arrivé au CSG le 20, en même temps que l'étage Coralie voyageant par avion. Astris arrivera lui en août.

L'explosion d'Europa F11 s'est produite à 27 km d'altitude, alors que le lanceur volait à 1000 m/s. Dans le rapport final sur l'échec du vol, L'ONERA a remis ses dernières conclusions qui clos le dossier et éclairci le mystère. L'arrêt du calculateur digital du système de guidage inertiel a fait perdre son attitude et son assiette au lanceur. Suivent 3 incidents entre 105 et 108, puis après une période de calme, l'explosion du Blue Streak à 150 s suivit de Coralie à 162 s et de la coiffe à 189 s. La ligne de blindage de toute l'instrumentation n'était pas relier à la masse du lanceur, comme cela avait été fait avant. L'accumulation d'électricité dans la coiffe, devenu parfaitement conductrice avec la température du frottement de l'air puis la décharge brutale ont eu raison du lanceur, arrêtant le calculateur à 105 secondes et le séquenceur. Europa se retrouve sans pilotage et se couche sur sa trajectoire. les efforts structuraux séparent les étages. D'autres claquage de charge sont enregistrés à 150, 162 et 189 s correspondant à l'explosion des étages.

1 avril, départ par bateau de Grande-Bretagne du premier étage Blue Streak qui doit servir au tir F12 du lanceur Europa-2 prévue pour le 1 octobre. Le 2éme vol de qualification F-13 est reprogrammé au printemps 1974, alors que le 1er satellite Symphonie doit être lancé à l'automne 1974.
27 avril, lors de la 64ème session du conseil du CECLES/ELDO, la France et l'Allemagne décident de l'abandon du programme Europa-2 alors que l'étage Blue Streak F12 est en voie d'arrivé par bateau en Guyane au CSG ainsi que l'étage Coralie par avion. Ainsi s'achève le programme Europa, bien que les lanceurs F12 à F18 soit en cours de fabrication. Quatre d'entre eux avaient des clients : les satellites Symphonie 1 et 2 pour F13 et F14, deux satellites scientifiques européens du CERS/ESRO pour F15 et F16. Le conseil décide aussi de liquider les activités de l'ELDO. Néanmoins, elle garde un statut juridique et Georges van Reeth en devient le secrétaire général.
Le 28 avril, une lettre du général Aubinière est envoyée aux personnels de la base BEC de l'ELDO précisant la liquidation des programmes ELDO au 1er mai et l'arrêt des activités en Guyane. Demande est faite de décharger dans le hall d'assemblage l'étage Blue Streak du vol F12 dans sa caisse et sur sa remorque en attente d'instruction complémentaires. Les opérations sur le lanceur F12 sont arrêtées, y compris celle de l'usine LOX, la base va être mis en sommeil prolongé et le personnel non nécessaire rapatrié en métropole.

Arrivée de l'étage Blue Streak F12 au CSG le 1er mai dans sa "caisse", posé sur sa remorque de 26 tonnes "Long Load 90 feet".

Le programme Europa 2 est à passer par pertes et profits. Après avoir dépenser 745 millions $, l' ELDO va devoir fermer ses portes après 12 ans d' activité. Déjà depuis 1969, la Grande Bretagne et l' Italie ne finançaient plus le programme et en 1972, la Belgique et les Pays Bas ne contribuaient plus à l' agence. Depuis trois ans, la France et l' Allemagne participaient à 90% du financement du lanceur européen.
Après trois an et neuf mois de travail, le programme Europa 3 est abandonné lui aussi (47 millions $). La base BEC de l' ELDO parait sans avenir (25 millions de $ pour un tir réalisé). Elle devra de toute façon être modifié pour le L3S si il est construit aux frais du CNES.
L' abandon d' Europa c' est aussi 7% du personnel ELDO qui est licencié à Paris, soit 320 personnes (320 à Paris et 250 à Kourou) en plus des 2000 dans l' industrie et organismes des états membres (600 en Grande Bretagne, 500 en RFA et 350 en France). Pour les satellites Symphonie, il va falloir les lancer avec des Thor Delta américaines (8 millions $ pièce) et les modifier (8 millions de F).

Rien n'est réutilisable du "hardware" Europa-2. En revanche, le développement de l'étage Coralie, conjugué au développement des versions successives du lanceur national Diamant, a créé dans l'industrie française un niveau de compétence élevé en matière de propulsion à liquide.

Le programme Europa, c'est 88 essais répartis sur la période 11963-1973 sans incidents ou accidents notoire. Sur la période, il n'y a eu qu'un incendie sur la baie moteur en 1960 et l'effondrement de dômes de réservoirs en 3 occasions. Europa fut lancé 11 fois entre juin 1964 et novembre 1971, 10 fois d'Australie et une seule fois de Guyane. Sur ces 11 tirs, seuls 4 ont été des succès, les 4 premiers vols avec seulement l'étage Blue Streak actif et des maquettes des étages supérieurs (F4). Pour le reste des vols, les étages supérieurs Coralie (F5 et 6-1) et Astris (F6-2, F7, F8) ont faillit aussi bien que la coiffe (F9). Pour le dernier tir, c'est le système de guidage qui a faillit.

Les étages Blue Streak 3D3/2, 3D/3 et 3D/4 ont été testé sur le banc A1 de Spadedam (UK) en 1960-61. Les étages 4D4/1, DA (Develoment Australia), DB 1, 2, 4, 5 (Development Britain), F1, F2, F3, F4, F5, F6-1 et2, F7, F9, DG (Develoment Guyana), F11 et F12 ont été testé sur le banc C3 de Spadedam. Les étages DA, F1 à F9 ont été testé à Woomera (Australie), les étages DG et F11 en Guyane.

 

 


Les étages Blue Streak F12 et VRME qui se trouvaient dans la hall d'assemblage du pad Europa sont finalement sortis sur le parking, le F12 est sous bâche et le VRME à découvert. En visite en Guyane pour liquider l'ELDO, le dernier secrétaire de l'ELDO Georges Van Reeth les vend pour 1000 livres chacun à un ferrailleur de la ville, l'Europe ne pouvant plus gérer le cout du maintien en pression des réservoirs de l'étage. Les 2 étages sont ainsi stocké en bordure du port de Kourou. Avec le temps, les moteurs disparaissent, puis les différents éléments constituant la structure. Certains morceaux ont survécus " notamment la jupe inter étage. Il a été rapporté que l' acier inoxydable des réservoirs  (non corrodé par la chaleur et la pluie équatoriale) a été ré utilisé comme cage à poules. L'étage Coralie serait enterré au niveau de la "karouabo" à gauche, avant le départ du pont avec tous les calculateurs du programme et l'électronique de l'époque.

   

   


L'étage Blue Streak destiné au tir F-13 (Symphonie) est  visible en position horizontale au musée National de l'air Ecossais sur l'aéroport d’East Fortune près d’Edinbourg dans le hangar N°3 de restauration. L'étage était arrivé par la route de Spadeadam en 1973 en parfait état de vol, après avoir réalise ses tests de mises à feu et prêt à rejoindre le CSG. Dans ce hangar se trouve aussi une maquette de la coiffe.

Le  F14 est en position horizontale sur son transporteur à Transinne dans les Ardennes belges devant  l'Euro Space Center depuis 1993. Le lanceur au complet avait été amené en 1975 pour une exposition sur l'espace depuis le havre où il était prêt à être embarqué pour la Guyane. Le lanceur a ensuite été laissé à l'abandon avant d'être restauré et intégré à l'Euro center, construit en 1991.

Le Blue Streak  2 destiné au tir  F-15 est exposé au Deutsches Museum à Munich depuis 1974 avec le second étage Coralie et le 3e Astrium.

   

Maquette du pad au CSG exposée devant l'étage Coralie (photos Hobbes-22 NSF)

L'étage F16 est stocké au musée de Liverpool depuis 1973. En 2001, il est prêté au musée de l'espace de Leceister et mis à la verticale. il n'a pas d'équipements installé, le bouclier thermique et le cône avant sont des maquettes. Il est équipé de tuyères. 2 turbo pompes sont présentées séparément.

 

 

LES RAISONS D'UN ECHEC  

Frédéric d'Allest : Le programme Europa, c'est les années soixante et puis c'était donc l'ambition de l'Europe de faire un lanceur Européen pour lancer les premiers satellites notamment le satellite de télécommunications franco-allemand Symphonie 

 Maurice Levy: Au départ, les anglais avaient mis au point un premier étage, qui s'appelait le Blue Streak qui était en fait une fusée militaire qu'ils ont du abandonner quand ils ont acheté des missiles Polaris, fabriqués par les américains. Ils ne savaient pas quoi faire du Blue Streak et ils ont voulu donc l'européaniser si j'ose dire et ça été le premier étage d'Europa. Je me rappelle encore quand je suis allé en Guyane, c'était hallucinant ! Dans la salle de contrôle, il y avait trois banques de contrôle une anglaise, une française et une allemande, séparée, chacune contrôlait son étage, moyennant quoi, 11 essais, 11 échecs; et on a tiré les leçons de cette façon de faire, puisque quand on a lancé Ariane on a tenu d'abord en priorité c'était la condition, à avoir un architecte industriel unique et donc un responsable unique du programme.

Yves Sillard : Le premier étage était britannique, le deuxième étage était Français, le 3 éme étage était Allemand, le guidage était Belge, la coiffe était Italienne et il n'y avait aucune force dans le secrétariat du CECLES-ELDO qui était censé gérer ce programme. Il n' avait aucune autorité,  ce qui faisait que chacun faisait son programme seul dans son coin et il n'y avait pas intégration

Michel Mignot: Chaque étage fonctionnait bien tout seul, ça été démontré, le 1er étage marchait bien, le 2éme étage seul marchait bien, le 3éme étage était allumé aussi seul, sans trop de difficultés lors des essais, mais lorsqu'on les mettait les uns sur les autres, ça ne fonctionnait plus.

Le Blue Streak (“l’Alouette bleue”), premier étage d'Europa était un engin américain que les Anglais n'avaient pas développé eux-mêmes. Et pourtant il a toujours très bien marché. Par contre, ce qui n'a pas marché, c'est l'ensemble du premier, deuxième et troisième étage, alors que pris séparément tout marchait très bien ! Les Allemands faisaient le 3eme étage Astris et les Français le second Coralie, qui servira par la suite pour pour Ariane. En novembre 71, en pleine saison sèche, l'engin décolle de Kourou. A la fin de propulsion du premier étage, il commence à prendre une trajectoire un peu “en travers”, il y a un problème de pilotage. A ce moment-là l'engin s'est cassé en deux et le second étage a explosé, puis le troisième. Il y a eu un nuage de peroxyde d'azote absolument extraordinaire, ça, on l'a bien vu sur l'horizon.

Pour le général Robert Aubinière, second secrétaire de l'ELDO; "je crois qu'ELDO aurait très bien fonctionné. Au fond , ce que je crois moi, c'est les Allemands étaient hostiles, avaient très peur de leur échec et ils avaient l'impression qu'ils n'étaient pas capables de faire leur troisième étage et de le réussir, et le ministre de l'époque, qui était d'ailleurs un socialiste dans un gouvernement Schmidt, était je crois décidé à tuer le programme; du côté français c'était le maire de Brive." "Quoiqu'il en soit, quelle était la cause fondamentale au fond de l'échec de L'ELDO ? La cause fondamentale, c'est que chaque état était patron de sa responsabilité, mais L'ELDO ne jouait pas son rôle de coordinateur, de manager qu'elle aurait dû jouer: elle n'avait pas l'autorité; elle n'avait pas cette autorité, d'abord parce que je pense que le secrétaire général de l'époque (Renzo Carrobio) n'en était pas capable, c'était un ambassadeur; il n'était pas appelé à faire ça; il avait l'art des compromis, ce qui n'est pas du tout ce qu'il faut pour faire un lanceur. Il ne faut pas de compromis, il faut des décisions. Et d'autre part, les Etats eux-mêmes étaient opposés à l'autorité de L'ELDO. Ca, je crois que c'est très très important parce que c'est ça qui est au fond...il y a une très grande responsabilité des Etats" 

Pour le 3eme et dernier secrétaire de l'ELDO de 1972 à 1975, Georges Van Reeth, "on exagère souvent, parce qu’à ce moment-là, le nombre d’essais faits à l’ELDO, qui n’ont pas réussi, était tout à fait comparable à ceux d’une nouvelle fusée américaine, avant d’aboutir à une réussite. Donc, on peut discuter du fait que le drame de l’ELDO ait été vraiment à ce point-là un drame. En tout état de cause, ça l’était pour les Etats membres surtout que les Anglais, qui étaient à l’origine de l’ELDO… c’est eux qui avaient proposé l’ELDO aux Français et puis aux autres… avaient déjà quitté l’Organisation. En pratique, les Italiens avaient également plus ou moins quitté l'organisation aussi."

Klaus Iserland : coordination technique  ELDO (1962-69), directeur ELDO en Guyane jusqu'en 1973  : . Je sais que l’ELDO a laissé un souvenir très « péjoratif » en ce qui concerne ses succès et j’aimerais profiter de cette occasion pour dire que c’était pas si mal par rapport à ce que faisaient les Américains à l’époque puisque, par exemple, pour le deuxième étage on a eu deux fois un défaut de fonctionnement et ensuite, durant les trois lancements successifs, le deuxième et le troisième étage étaient prévus et on a toujours pu réussir l’étage supérieur avec un décalage de deux lancements, c’est-à-dire : le deuxième étage a fonctionné pour la première fois au troisième lancement, le troisième étage, lui, a fonctionné pour la première fois au troisième lancement, aussi étions-nous décalés de deux lancements par rapport à la réussite parfaite. On n’a d’ailleurs pas eu de chance du tout avec le lancement F-9 puisque, là, les trois étages ont fonctionné mais la coiffe, elle, qui avait toujours été séparée lors des précédents lancements, n’est pas partie. A deux poils près, on était en orbite, on a même cru dans les premières secondes qu’on était en orbite ! Et cela aurait tout changé parce que si on avait réussi le lancement 10 même l’échec du lancement 11 aurait été supportable… mais là, comme on n’a jamais été en orbite, ils ont dit « maintenant on en a marre »

Le journaliste Albert Ducrocq rappelle dans A&C 151 de mai 1966: "Dès 1958, alors qu'il était évident que l'astronautique serait à l'origine d'une révolution technique sans précédent appelée à bouleverser toutes les industries, l'Europe devait adopter un grand programme spatial. Las ! le vieux continent commença par perdre de précieuses années. Il choisit alors la fausse solution consistant à faire passer l'outil avant le programme. Il voulut "réaliser des économies" en concevant une fusée avec un surplus. Et par dessus tout, l'Europe commit la tragique erreur de renoncer à priori à l'envoi d'hommes dans l'espace, ce qui revenait de sa part à dire qu'elle ne croyait pas à l'astronautique."