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CHRONOLOGIE
SPACE SHUTTLE

LE SPACE LAUNCH COMPLEX 6 "SLICK SIX"

UN PAD DE TIR CALIFORNIEN POUR LE SHUTTLE

L'USAF possède une base de lancement de satellites militaires en Californie, la Vandenberg Air Force Base. Situé à 230 km au Nord de Los Angeles, en bordure de l'Océan pacifique (Point Arguello 34° 14 minute 30 s N et 120° 28 minute O), elle réalise depuis la fin des années 1950 de nombreux lancements de satellites top secret. Sa situation géographique permet des tirs vers l'Est et l'Ouest avec une trajectoire vers le Sud, le Pacifique sans survoler de terres habités. Le site permet d'atteindre des orbites polaires de 56 à 104° d'inclinaison, nécessaire pour des applications militaire l'écoute, la détection de missile, la photographie et les télécommunications. Le site au centre de la Californie est occupé par l'armée durant la seconde guerre mondiale puis pendant la guerre de Corée. Au milieu des années 1950, le site sert pour entrainer les équipes de militaires sur les missiles balistiques en compléments de Cap Canaveral en Floride. Un premier pad, Complex 75-3 est crée (futur SLC 1) pour le missile Thor. En 1958, la base est baptisée "Vandenberg Air Force Base". De nombreux autres pads sont construits, SLC 2E pour les Thor (puis Delta) et 3W pour les Atlas. Le SLC 4 E et W servent pour les Atlas et les titan . Le SLC 5 en 1962 lance les fusées Scout. Au milieu des années 1960, la base s'étend vers le sud et l'USAF construit le SLC 6 pour le Titan 3 MOL.

Quand la NASA décide de construire son Space Shuttle, elle demande l'appui des militaires et de l'Air Force notamment puisque le nouvel engin est destiné à remplacer à l'aube des années 1980 tous les lanceurs classiques existants. Comme la plus grande majorité des lancements sont sous le couvert du DoD, la NASA ne peut que se plier à certaines exigences des militaires dans la réalisation de ce projet. L'Air Force obtient quelques changements dans la conception du Shuttle, une grande capacité de charges utiles et un déport latéral important entre autres.
En échange, l'USAF développera un étage supérieur, l'IUS et assurera la construction des Orbiters 105, 106 et 107. Dans le cadre de ces missions "blue", l'Air Force utiliserait ses propres installations de tir militaire pour les missions polaires, des astronautes militaires et un centre de contrôle autonome le SOPC (Shuttle operation & Planing Center) le tout faisant partie d'un nouveau complexe le CSOC, Consolidated Space Operation Center. Pour l'USAF, le Space Shuttle est la 3eme tentative pour un accès libre à l'espace après les programme Dyna Soar et MOL.

Le SLC6 en construction, octobre 1969, la tour MSL culmine 131 m au niveau de la mer

Dans son partenariat avec la NASA, l'USAF s'est engagé à construire ses propres installations de préparation et de lancement  pour le Shuttle à l'abri des regards et écoutes indiscrètes. En avril 1971, le Shuttle Launch & Recovery Board, associant la NASA et le Dod passe en revue les sites potentiel pour le STS. Le 14 avril 1972, alors que le concept du STS est finalisé (booster récupérables en mer), la NASA et l'USAF annoncent que les bases du KSC en Floride et Vandenberg en Californie sont sélectionnées pour lancer le STS.  Vandenberg offre le meilleur azimut de lancement pour les orbites polaires que la base de Floride. Lancer des charges en orbite polaire depuis la Floride était techniquement possible, au prix d'une forte réduction de la masse à satelliser. De plus, lancer depuis la Floride vers l'orbite polaire obligeait le Shuttle a passer très près des cotées américaines (caroline du Sud, les grands lacs) pour le largage des boosters et du réservoir externe (au dessus du Canada, pole Nord, Russie et Chine). Construire un pad de tir pour les opérations militaire du Shuttle couterait 300 millions$ de plus qu'adapter un des sites de Floride ou de Californie. Pour le Dod, lancer depuis Vandenberg des charges de 14 500 kg avec le STS était tout à fait possible. L'USAf a besoin de cette capacité pour lancer ses satellites d'observation KH 12 sur une orbite à 98°.

Juillet 1974, un groupe de travail est formé, le SAMSO (Space and Missile Systems Organization) pour définir un concept à coût minium pour le pad de tir SLC 6. L'assistance technique des équipes d'études est fournit par Aerospace Corp et le contacteur pour les opérations sol Martin Marietta Corp. Le site, construit pour le programme MOL est choisit parmi 3 sites au Nord de la base et Bear creek, ce qui permettra d'économiser 100 à 150 millions $ que de construire un pad tout neuf. La base d'Edwards, toute proche pourrait être le site d'atterrissage primaire au lieu de Vandenberg. L'option n'est finalement pas retenue. Le coût global est estimé à 650 millions $. Le début des travaux est prévu en 1978 pour un premier vol militaire en décembre 1982. Les conclusions du comité Dod Space Transportation System sont présentées en novembre 1974 et validé en janvier 1975 par la Aeronautics and Astronautics Coordinating Board. L'option SLC 6 devient la feuille de route de l'USAF.

LE PROGRAMME MOL

   

Les premiers projets du SLC 6 pour le Shuttle en 1975. La tour MST assure le montage du stack propulsif, SRB et réservoir externe et de l'Orbiter. Le Payload change Room assure lui la mise en place des charges utiles dans la soute sur le pad.

Plan du SLC 6 en 1975-76. Les bâtiments de service pour les hypergols, de dépollution et de processing des Orbiter ainsi que le Mate & Demate sont concentrés près de la piste au Nord. Le pad 1 est au Sud de la base, relie par la "Tow Route" qu'empruntera l'Orbiter, passant sur le 13th Street Bridge, suivant la voie ferrée. 2 pads sont prévus, associés au centre de contrôle, de vérification des réservoirs externe et des boosters ainsi que leur reconditionnement. Le second pad est situé à 800 mètres au Sud du premier.

Les plans de travail pour la nouvelle base sont développés par une firme d'ingénierie de St Louis. Elle préconise la démolition des structures existantes, comme la tour ombilicale, des travaux  de génie civil, le bétonnage du pad, la construction des zones de stockage des ergols, la construction d'une tour de service, d'une tour ombilicale et d'un massif de lancement. A cela s'ajoute une salle blanche pour la préparation des charges utiles et divers bâtiments annexes. Les activités autour de l'Orbiter se dérouleront au Nord de la base, à coté de la base aérienne et les activités de propulsion au SLC 6. Le 747 SCA livre l'Orbiter sur la piste de la base aérienne, lequel est ensuite processé dans l'OMCF, l'équivalent des OPF de Floride. Lorsque les opérations de maintenance sont terminées, l'Orbiter est transporté par route au SLC 6 distant de 30 km. Les SRB arrive par rails, ils sont stockés puis assemblés sur le pad. Le réservoir arrive par bateau à Port Hueneme et suit le même chemin. L'assemblage se fait sur le pad contrairement au KSC, les SRB en premier, suivit du réservoir et de l'Orbiter. Les charges utiles sont vérifiées dans le Payload Changeout Room et installées dans la soute. La récupération des SRB après leur vol se fait au port Hueneme. Ils retournent ensuite chez Thiokol.

L'USAF a besoin de ce pad de tir pour lancer ses satellites KH 12 en orbite polaire avec une capacité de 14 500 kg. Pour les militaires, l'orbite polaire ne peut être atteinte depuis la Floride, tandis que pour la NASA, cela est tout à fait possible avec la même charge utile. En fait ce sont des considérations de sécurité, à savoir le survol de la coté Est du pays qui ont fait pencher la balance en faveur du SLC 6. Le Shuttle, depuis le KSC peut lancer des charges jusqu'à des orbites de 57° d'inclinaison. Pour des orbites à 98°, dites rétrogrades, la charge se réduit à 10 tonnes au prix de manœuvres très complexes. Les plans de l'USAF prévoit une mise en service du SLC 6 pour 1982 avec un premier pad. La construction durera 3 ans de 1979 jusqu'en fin 1981. Le financement se fera au travers de 2 budgets, un pour l'année fiscale 1979, l'autre pour 1980. La construction d'un second pad pour 1986 est en attente. Un financement sera demandé pour 1983 si besoin. L'USAF prévoit 20 vols par an avec 2 Orbiters et 2 pad de tir.

L'Air Force et le SAMSO estiment à 70-100 millions $ en plus pour les demandes en sécurité et communications au centre Johnson et 5 millions $ pour le processing des charges utiles au KSC de Floride. Cela devrait augmente le budget de 95 millions $.

  LEO 185 km (KSC) LEO 177 km (CA) GEO
Titan 3C 13 245 kg 10 206 kg 1633 kg
Titan 3E 15 422 kg 13245 kg 3266 kg
Titan 34D 15 422 kg 12 247 kg 1905 kg
Shuttle 29 483 kg (25533 kg à 28,5°)
-226 kg par degré entre 28 et 57
20411 kg (13 426 kg 98°),
-300 kg par degrés entre 68 et 98
2268 kg

SLC 6 inclinaison et azimut.jpg (104094 octets) Azimut de lancement de Vandenberg AFB et du KSC. Depuis Vandenberg l'azimut de tir est de 158 à 201°. En cas de problème durant l'ascension, l'Orbiter pourra atterrir en urgence à Edwards AFB en priorité et à Vandenberg en second après un RTLS. A ces sites principaux s'ajoutent les sites de secours, également appelés sites TAL, l'île de Easter (Paques) et l'atoll de Hao (Polynésie) dans le Pacifique Sud. Pour un AOA, 2 sites, la base d'Eielson, en Alaska avec en secondaire Elmendorf AFB.

Le Shuttle n'aura pas la possibilité de revenir à Vandenberg ou Edwards après une orbite à cause de la rotation de la terre. Le réservoir externe retombera au nord de l'Antarctique pour une orbite standard ou entre l'Alaska et Hawai pour une mission avec insertion orbitale directe. Les plans de vols prévoient aussi une retombée dans l'océan Indien. En ca s de vol avorté, il retombera dans le Sud du Pacifique.

Le SLC 6, projet de 1978

1978, 5 grands projets de construction sont sur la table; le pad de tir, le centre de contrôle, la piste d'atterrissage, la route reliant la base au pad et le système de hissage sur le 747. Martin Marietta termine le concept en aout et 103 millions de $ sont alloués pour surveiller les plans et la constructions des installations sol, les plans des équipements sol, développer les logiciels du LPS (Launch Processing System), planifier l'activation et la mise en opération des installations et planifier le support logistique des installations. Le SLC 6 doit assurer 20 vols par an dès 1983.

Budget demandé par l'USAF pour l'année fiscale 1979

LES ASTRONAUTES MILITAIRES

       

Le 1er janvier 1979, les restes du complexe n° 6 des Titan MOL vivent leurs derniers jours. La tour de service, MST va être reculée de 45 mètres de son aire de parking pour pouvoir démolir la tour ombilicale du Titan 3 et commencer les travaux d'excavation des carneaux. Par rapport au centre Kennedy, les opérations Shuttle à Vandenberg se déroulent dans des lieux géographiquement éloignés les uns des autres. Le SLC 6 est situé presque sur l'extrémité sud de la partie sud de la base près de la mer entourée par les trois montagnes de Santa Ynez. Il n'y a pas de place pour construire une piste de roulage et une piste d'atterrissage. La seule utilisable étant située au nord avec ses 2430 m de long. Conséquence, le "processing" du Shuttle est divisé en deux parties avec une préparation pré-lancement et post-atterrissage sur la zone nord et les activités de lancement au sud.

Vue aérienne de la base de Vandenberg Nord avec au centre la piste d'atterrissage

14 février, l'USAF va retarder la construction du SLC 6 et déclé la date de sa capacité opérationelle de ses installations de mi 1983 à mars 1984. Un retard de la NASA qui doit fournir pour le Shuttle des SRB plus puissants afin d'augmenter les performances, l'USAf devra adapter ses installations. L'Orbiter 103 Discovery devrait être basé en Californie pour lancer les charges utiles militaires de l'USAF et du NRO, les "Blue Shuttle" (de la sécurité nationale). Discovery sera l'Orbiter le plus léger de la flotte. 

Au printemps, l'USAF met au rebut ses plans de construire le SLC 6 sur son budget 1979 et 1980 et mise maintenant sur un financement sur 5 ans de 1979 à 1983. Un changement qui retarde le premier vol à, initialement prévu en juin 1983 de 6 à 9 mois. La construction de la piste pour le retour de l'Orbiter est retardée à 1981 et quelques installations ne seront pas prêtes pour le premier vol. D'autres, comme le bâtiment de dépollution, le reconditionnement des parachutes et le bâtiment de remplissage en ergols sont en suspens. La cadence de lancement sera de 3 vols en 1983, puis 7, 11 15 et 20 dans les années qui suivront. L'USAF va récupérer 50 millions $ d'investissement des installations du MOL, comprenant 32 millions pour le complexe de tir qui sera recyclé par le Shuttle, mais va dépensé 300 millions pour construire son nouveau pad. Le budget total de 1975 au premier vol, avec les installations est estimé à 1 milliard $. 

Mars 1979, visite militaire au SLC 6 avec le général Alton D Slay.

Avril 1979, mesure de pression du vent sur la maquette du SLC 6 à Colorado State University Laboratory.

Dans l'agrément signé avec la NASA, le DoD est responsable de l'aquisition et du fonctionnement du STS West Coast, du processing au lancement. Cette responsabilité a été déléguée au Air Force Systems Command's Space & Missile System organisation SAMSO, représenté sur le site par le SAMTEC 6595 e Aerospace Test

 

Juin, Martin Marietta, qui a déjà reçu 28 millions pour les études du SLC 6 pour le DoD, reçoit 103 millions $ pour débuter les travaux sur le SLC 6 sur une période de 40 mois. Le démarrage des travaux sur la piste d'atterrissage seront repoussé à 1980-81 et quelques installations ne seront pas opérationnelles pour le premier vol, comme le bâtiment de dépollution, celui du traitement des parachutes et de la maintenance des éléments toxiques.

15 août, Enterprise sur le 747 SCA 905 fait une escale d'une journée sur la base de Vandenberg, venant de Floride pour rallier le centre Dryden.

Fin 1979, la première phase des travaux se termine (14 millions $), elle a durée 10 mois et a permit les travaux de génie civil, démolition et excavation par la société Morrison-Knudsen de l'Idaho pour un montant de 4 millions $ et le déplacement de la tour de service de 45 mètres. La phase 2 doit démarrer début 1980 avec en février la construction du massif de lancement, des carneaux SRB, la tour d'accès, le bâtiment de préparation des charges utiles, le système de déluge par eau. Les travaux, estimés à 351 millions $ devraient être terminé pour le printemps 1982. La phase 3 comprend la tour mobile de service MST, le PCR et d'autres installations pour 170 millions $. La phase 4, 18 millions $ comprendra la reconfiguration du centre de lancement.

La tour MST sera raccourcit de 12 m et la grue de levage remplacée (200 tonnes au lieu de 40). Les plateformes de travail sont retaillées suivant la forme du nouveau véhicule. La nouvelle tour MST haute de 28 étage pèse désormais 3000 tonnes. 

 

 
LE SLC 6, 1980

Photos Jacques Van Oene, DoD, William G Hartensteins .